Mgr Jean-Luc Brunin : « Il n’y aura plus que 20 prêtres en Corse en 2020 »

- La Corse compte actuellement deux séminaristes, comment permettre à des jeunes de 
vouloir s'engager dans un ministère presbytéral ?
Des jeunes n’envisageront d’engager toute leur vie au service du Christ et de l’Eglise que dans 
la mesure où ils feront une expérience de vie en Eglise dont ils éprouveront la pertinence et la 
crédibilité. Choisir de devenir prêtre et y engager toutes ses énergies et ses capacités de penser 
et d’aimer, cela ne peut se réaliser qu’en un lieu d’Eglise vivant, rayonnant et authentique. 
- Sans prêtre l'Eglise ne peut vivre, est-ce que l'avenir de l'église de Corse passe par des 
apports de pasteurs venus de l'étranger ?
Des prêtres venus d’autres diocèses de France, de Pologne, du Mexique ou d’Afrique sont 
déjà présents et collaborent de façon heureuse pour la mission de l’Eglise en Corse. Il faut 
veiller à un équilibre. Je ne doute pas de la fidélité du Seigneur envers son Eglise en Corse. Je 
crois qu’il continue d’appeler des jeunes de Corse pour servir son Eglise dans notre île. Les 
prêtres de demain sont des membres de nos communautés actuelles. Le Seigneur ne désespère 
pas des jeunes en Corse, il appelle. Trouveront-ils dans nos communautés un terreau favorisant 
une réponse généreuse et joyeuse à cet appel ? 
- Est ce que la fin du célibat peut résoudre le problème du manque de prêtre ?
Quand j’étais supérieur du Séminaire à Lille, la question difficile pour les jeunes qui envisageait
d’être séminaristes, n’était pas d’être célibataire. 
C’est dans la mesure où on a découvert le Christ et accueilli son appel à servir ses frères 
comme prêtre, qu’on découvre le sens profond du célibat qui ne se définit pas seulement de 
façon négative. Ce qui pose le plus problème, c’est le fait de renoncer au statut social que 
confère une profession ou un standing de vie. Dans notre société actuelle, on ne devient pas 
prêtre pour acquérir un statut social, mais parce qu’on a rencontré le Christ qui nous a appelés à 
servir ses frères en Eglise. 
- Et le diaconat ?
 Le diaconat permanent est précieux pour notre Eglise. Il y a 19 diacres permanents, d’autres 
se préparent. Le diaconat rappelle à l’Eglise qu’elle n’existe que dans une relation de service 
avec la société. Le premier service est l’annonce de l’Evangile comme chemin de vie et de 
bonheur pour ceux qui ne le connaissent pas. Les diacres permettent aussi à l’Eglise de naître 
dans des milieux où elle est peu ou pas présente. Mais on ferait erreur si on pensait le diaconat 
comme un ministère de prêtre au rabais. Faute de prêtres, on se contenterait de diacres ! Ce 
n’est pas comme cela que les questions se posent. 
- Comment imaginez vous l'église de Corse dans 50 ans? Les laïcs y tiendront sans doute 
une place prépondérante ?
 Nous n’allons pas aussi loin dans la prospective. D’une part, l’avenir n’appartient qu’à Dieu. 
C’est Lui qui conduit son Eglise. Nous avons démarré avec le Conseil Diocésain, une démarche 
appelée « Ecclesia in Corsica : horizon 2020 ». C’est une vaste consultation des chrétiens 
lancée dans chaque secteur. Nous posons la question suivante : dans 1O ans, qu’est-ce qui 
permettra à une communauté d’Eglise de vivre sur ce territoire alors qu’à l’horizon 2020, il n’y 
aura plus que 20 prêtres en activité dans le diocèse ? Comment nous y préparer ? 
J’avoue être émerveillé de l’implication des chrétiens consultés. Ils témoignent d’une grande 
lucidité et de réalisme. Ils manifestent aussi un fort désir de participer activement à l’avenir de 
leur Eglise sur le territoire qu’ils habitent. C’est une joie profonde pour le pasteur du diocèse. 
- Le diocèse se prépare à vivre un nouveau moment fort après Ecclesia in Corsica. Dites 
nous en un peu plus sur les JMJ régionale qui sont une amorce des JMJ de Madrid ?
La pastorale des jeunes générations est la priorité des priorités dans le diocèse. Voilà plusieurs 
décennies que le pape Jean-Paul II puis Benoît XVI, ont invité les jeunes catholiques du monde 
entier à se rassembler avec eux autour du Christ. Les jeunes font durant les JMJ, mais aussi 
dans le temps de la préparation, une expérience forte de vie en Eglise. Ils retrouvent ensemble, 
dans la force de l’Esprit, la joie et la fierté d’être chrétien et la force de témoigner du Christ. La 
rencontre diocésaine des jeunes à Cap Sud le samedi 30 avril prochain, est une étape sur ce 
chemin d’accompagnement des jeunes de Corse vers les JMJ à Madrid en août prochain. Ce 
rendez-vous mondial est fondateur d’une vie chrétienne là où on vit chaque jour. 
 - La campagne du Denier de l’Eglise vient d'être lancée. Qu'en espérez-vous ?
Comme l’année dernière, j’en espère une remontée sensible des dons. Nous voulons 
sensibiliser et responsabiliser les chrétiens et tous ceux qui, à un moment ou un autre, sollicitent
l’Eglise. Elle  ne peut vivre que par les dons des fidèles. Le diocèse ne reçoit aucune subvention
 publique. Si l’Eglise, comme elle le fait aujourd’hui, est audacieuse pour aller de l’avant pour 
sa mission, elle ne peut compter que sur la générosité de ceux et celles qui veulent une Eglise 
vivante en Corse. 
- Vous venez de lancer un audit sur le patrimoine de l'Eglise de Corse. Avez-vous déjà 
des données chiffrées sur les possibles estimations des possessions de l'Eglise de Corse ?
L’inventaire des biens immobiliers bâtis et non bâtis appartenant à l’Eglise en Corse, vient de 
s’achever après deux années d’investigation réalisée par un expert auprès du tribunal de Bastia. 
Nous avons les données brutes, mais il faut encore six mois de travail pour finaliser ce travail, 
avoir une lisibilité de l’ensemble pour définir une politique immobilière pour le diocèse. Le 
patrimoine immobilier est chiffré à un peu plus de quatre millions d’euros. Mais beaucoup de 
ces propriétés sont dans un état qui nécessitera une réhabilitation coûteuse. Dès mon arrivée, j’ai
arrêté un principe ferme : le produit d’une vente immobilière doit impérativement revenir à 
l’immobilier, et non au budget de fonctionnement.  
- Faudra-t-il vendre certains biens pour en restaurer d'autres ?
Bien évidemment, nous ne pourrons tout garder ni tout entretenir de façon satisfaisante. La 
perspective, c’est la création d’un Centre Pastoral dans chaque secteur interparoissial avec 
espace cultuel, salles de réunion, logistique de secrétariat et reprographie, logement pour un 
prêtre ou un laïc en mission ecclésiale. 
Par ailleurs, les nécessaires travaux de rénovation de l’immobilier privilégieront le partenariat 
avec des projets d’action sociale. Les biens de l’Eglise doivent rester au service de la population 
de Corse. C’est le choix que nous avons fait, entre autres, dans les locaux de la paroisse saint Jean
à Ajaccio, ou de la Maison du Sacré-Cœur à Bastia. 
- Un débat sur la laïcité au niveau national crée la polémique. Faut-il, selon vous, diaboliser 
l'Islam comme certains tentent de le faire ? Quelles relations avez vous avec les 
représentants de cette religion en Corse?

L’islam n’est pas une réalité homogène. Par la rencontre et le dialogue sur la base du respect 
mutuel et de la confiance, nous avons plus de chance 
d’appréhender une réalité complexe. Nous
découvrirons très vite ceux avec qui il est possible de dialoguer et ceux qui sont fermés à tout 
dialogue. L’islam, tout comme le christianisme ou le judaïsme, n’est pas un problème en soi. 
Ce qui peut devient problématique, c’est lorsque des individus fragilisés ou marginalisés 
socialement, utilisent une religion pour s’identifier et tenir une posture de rupture sociale. Tout 
individu est soumis aux lois de la République. Je crains que focaliser sur l’islam et les 
musulmans soit contreproductif quant à la cohésion sociale. En  Corse, les relations avec les 
responsables de la communauté musulmane sont ouverts et courtois. Nous aurions pourtant 
davantage de choses à partager, dans l’esprit d’Assise dont 
Benoît XVI célèbrera le 25ème anniversaire. Chez nous, je pense que cet esprit progressera. 
Nous l’avons vu avec la manifestation de solidarité avec les chrétiens en Irak. 
- Le pape a réaffirmé dans son deuxième tome de Jésus de Nazareth la non responsabilité 
des Juifs dans la crucifixion de Jésus-Christ. Cette mise au point était elle nécessaire alors 
que Vatican II l'avait déjà clairement énoncée ?
Je pense que oui. Vous n’avez pas été sans remarquer, en France et dans les pays d’Europe 
occidentale, la poussée des mouvements extrémistes qui prônent ouvertement le rejet de 
l’étranger, des réflexes populistes, une solidarité à géométrie variable et le racisme. Parmi les 
ingrédients de ces courants régressifs, on voit resurgir l’antisémitisme qui est irrecevable pour 
un chrétien au regard de l’Evangile.  
- Le diocèse vient d'être secoué par deux « affaires ». Au-delà l'aspect juridique et religieux, 
comment l'homme Jean-Luc Brunin a vécu ces moments?
Ce fut éprouvant. Quand le pape m’a envoyé en Corse, c’était pour servir une Eglise qui avait 
une histoire à laquelle j’étais étranger mais dans laquelle il fallait m’inscrire pour écrire une 
nouvelle page. Très rapidement, j’ai constaté de graves dysfonctionnements concernant certaines
 pratiques ou certains comportements personnels. Il était de ma responsabilité d’évêque de réagir 
pour permettre à l’Eglise de recouvrer sa totale liberté pour la mission. J’ai toujours pu compter 
sur la compréhension et la confiance de la grande majorité des fidèles de Corse, des diacres et des
prêtres. Nous avons traversé l’épreuve ensemble. J’ai beaucoup souffert aussi avec les fidèles de 
Corse, de l’image négative et scandaleuse de l’Eglise donnée par quelques-uns, et notamment 
parmi eux, ceux qui ont un jour, engagé leur vie pour la servir. Mais la vérité s’impose finalement
d’elle-même. 
- Quel message adressez-vous aux Corses au moment ou l'Eglise est en plein Carême ?
Dans mon message de Carême, j’ai invité les chrétiens à rechercher de nouveaux modes de vie, 
plus ajustés à leur foi au Christ, mais aussi à la période de crise que nous traversons. Il nous faut
retrouver, à partir de l’évangile, les fondamentaux d’un devenir humain : le souci des plus 
faibles, le sens du partage et de l’équité, le dépassement de la subjectivité narcissique qui coupe 
des autres, le sens du bien commun et de la gratuité, le sens de Dieu. Chacun est renvoyé à sa 
propre vie afin de voir ce qu’il a à transformer pour qu’elle soit davantage reflet de l’Evangile. 
Le temps du Carême est un temps de vigilance sur soi-même et d’accueil de la force de Dieu 
capable de transformer nos cœurs et nos vies. 
- Vous avez été nommé évêque d'Ajaccio pour la Corse, il y a sept ans, quel bilan dressez
-vous de ce premier « septennat » ?
Je n’entre pas dans une logique de bilan. Cela voudrait dire que je m’en tienne à mon action 
personnelle. C’est l’Esprit qui guide l’Eglise en Corse, et il le fait depuis longtemps. Je ne suis 
qu’un serviteur quelconque, de passage, heureux de faire un bout  de chemin avec vous. Ce qui 
compte, c’est l’Eglise en Corse et l’histoire de sa fidélité à l’Evangile. Sur ce point, je me réjouis 
de voir comment les chrétiens de Corse s’impliquent personnellement dans la vie de leur Eglise, 
mettant en œuvre les orientations du Synode de 1997-2000. L’effort consenti pour les initiatives 
de formation trouve écho parmi les laïcs. C’est source de bonheur et d’espérance pour l’évêque.   
- Si vous deviez résumer en une citation des Evangiles votre expérience sur
l'île qu'elle serait-elle ?
Je reprendrai volontiers une phrase de saint Paul adressée aux Galates qui a guidé mon action 
pastorale depuis ces dernières années : «  C’est pourque nous soyons vraiment libres que le 
Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de 
l’esclavage... marchez sous l’impulsion de l’Esprit ! » (Galates 5, 1 ... 16)