La mission de réflexion stratégique pour fonder le droit à l'avenir de la Corse vient de rendre ses conclusions. Entre vision politique et propositions pragmatiques, nous vous proposons l'analyse synthétique des grandes orientations.
Suite au manifeste de 2009 et à la visite de Nicolas Sarkozy en février 2010, la mission confiée par le chef de l'Etat aux universitaires corses restitue sa réflexion, après un an de travail, sur les perspectives politiques qui s'offrent à la Corse.
L'intégralité du rapport est un document de 40 pages qui suite à un constat liminaire propose un processus d'évolution en 2 grandes étapes.
Le bilan
Pour les universitaires, l'avenir doit tendre à "la reconnaissance des intérêts propres de la Corse en tant qu'entité historique et territoriale, dans un cadre constitutionnel spécifique". La société se trouve dans une "crise structurelle". On y retrouve alors les thématiques essentielles du mouvement nationaliste : démographie inquiétante due au solde migratoire positif et solde naturel nul, dépossession de la terre et problème foncier, déclin de la culture et de la langue, perte d'identité, économie fortement dépendante, déstructuration de la ruralité.
Ainsi, face à cette pente déclinante, la "réponse ne peut être que globale et systèmique" et tient donc de "la métamorphose de la société corse". Elle passe par deux étapes importantes : tout d'abord la reconnaissance de la spécificité corse et à plus long terme une éducation et une formation en accord avec un projet de développement économique.
Fonder la reconnaissance
Il s'agit là de la première étape du processus qui repose sur la reconnaissance d'une citoyenneté culturelle. Elle diffère de la citoyenneté politique car elle ne confère aucune distinction de nationalité et est soumise à deux conditions : un niveau en langue corse (A2) et 10 ans de résidence continue sur l'île. Elle permet alors l'accession exclusive à la propriété et à l'inscription au corps électoral corse. "Le devenir de la Corse doit être maîtrisé par ceux dont la vie en Corse est une réalité quotidienne".
Les 30 ans de décentralisation en Corse ne présente qu'une "évolution apparente et parfois simple habillage d'une réalité encore modeste". Cette reconnaissance passe donc par une refonte institutionnelle allant au statut d'autonomie. Une modification de la constitution française est inéluctable pour reconnaître la spécificité d'une entité historique sur le plan politique, économique, social et culturel. L'autonomie sera basée sur "une compétence de principe et non plus d'exception" c'est-à-dire que les lois communes ne seront appliquées qu'après consultation et aval de la nouvelle assemblée.
L'autonomie politique devra s'accompagner d'une autonomie fiscale où la Corse devra tirer des ressources de "transferts de produits d'impôts d'Etat" pour permettre un nouveau mode de financement des politiques publiques dans l'île.
Eduquer et former
C'est la partie la plus longue du rapport. On y distingue 2 grands axes. Tout d'abord, il s'agit de "redéfinir à partir de l'Université et de l'académie, une nouvelle politique d'éducation et de formation". Pour se faire, "renforcer la capacité des jeunes Corses à poursuivre des études en Corse", proposer "une formation tout au long de la vie", innover dans les secteurs traditionnels comme l'agriculture, l'élevage, la sylviculture, et "renforcer les connexions professionnelles avec le tourisme, l'hôtellerie et le secteur du patrimoine".
Le deuxième axe concerne le développement économique. Après avoir constaté l'échec des différents plans de développement depuis 40 ans, la Mission propose de sortir de la seule économie d'échange qui déséquilibre la structure économique. "La prépondérance du BTP et la progression quasi ininterrompue des activités touristiques" contraste avec "le déclin de l'agriculture et l'indigence historique du tissu industriel". Le retour d'une économie productive permettrait la création d'une "richesse locale beaucoup plus importante et durable que celle induite par le seule tourisme". Pour se faire, 3 secteurs stratégiques sont retenus : l'agriculture identitaire et qualitative, la société de la connaissance dans le domaine notamment du développement durable et l'économie sociale et solidaire.
Au cœur de cette restructuration, c'est le modèle économique touristique qui est visé. Le tourisme ne serait évidement pas indésirable mais réorienter de sorte à le rendre plus compétitif et moins socialement destructeur.
Corse et changement social
Si ce document donne à voir une véritable perspective historique et synthétise une pensée contemporaine, ce qui tranche avec le temps habituellement court du débat politique, plusieurs critiques et interrogations peuvent être formulées. On peut tout d'abord s'interroger sur la conception des universitaires concernant le changement social en Corse. La société corse est-elle en train de s'adapter à la postmodernité ce qui occasionne, inéluctablement, des transformations, à l'instar de toute société qui change sans pour autant remette en cause sa structure fondamentale ; ou bien est-elle vraiment pervertie par ces mutations au point d'être sur une pente déclinante ?
On peut ainsi regretter que la vision de la société corse par les universitaires, hommes de sciences et donc de neutralité, est très marquée par le pessimisme et flirte souvent avec la connotation idéologique, négligeant ainsi la démonstration par la preuve objective. Dernièrement, il semble que ce travail était conçu pour être très opérationnel et l'on y décèle une véritable envie de peser sur le processus politique dans un dialogue direct avec l'Etat. " La remise de ce rapport implique des choix déterminants. Le chef de l'Etat, (…) orientera la voie à suivre. Si l'étape 1 n'est pas retenue, la Mission prendra immédiatement fin". Les élus corses et la société corse ont déjà émis quelques réticences de voir leur fonction, ainsi supplantée.
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