On demande souvent à Éric Dupond-Moretti, ces temps-ci, ce qu'il va bien pouvoir amener à la défense d'Yvan Colonna dans son troisième procès qui s'ouvre lundi. Avec malice, l'avocat lillois répond « 100 kilos », mais il semble qu'il ait déjà sa petite idée pour enfoncer dès le premier jour un coin dans la construction désormais ancienne de l'accusation. C'est sûr, si Yvan Colonna est venu chercher dans le Nord son cinquième défenseur, c'est parce qu'il sait que Me Dupond-Moretti est désormais l'as des cours d'assises, l'avocat aux quatre-vingt-seize acquittements, qu'il a parfois obtenus en réduisant en miettes des dossiers fièrement ficelés par des policiers et des magistrats renommés.
Et que se passe-t-il ici ? Colonna est « fait aux pattes » depuis que certains de ses amis désormais condamnés pour l'assassinat du préfet Érignac - et certaines de leurs compagnes également - l'ont d'abord désigné comme le tireur du commando, lors de leurs gardes à vue.
Ce sera lundi matin le premier angle d'attaque de son nouvel avocat. « La garde à vue telle qu'elle était menée à l'époque est désormais illégale », rappelle Me Dupond-Moretti. On le voit donc venir : « On ne peut pas faire comme si la Cour européenne et la Cour de cassation n'avaient pas rendu leurs récents arrêts ! Nous allons donc demander l'annulation de ces gardes à vue. » Ce qui reviendrait à obtenir l'annulation de toutes les charges pesant sur le berger corse, puisqu'aucun élément matériel ne pèse sur lui, par ailleurs.
Un antécédent
Le chemin est étroit, Éric Dupond-Moretti le sait bien. Mais dans son bureau lillois, s'échauffant déjà à plaider face aux magistrats professionnels qui composeront la cour d'assises spéciale (on est ici en matière de terrorisme), il brandit l'exemple d'une affaire jugée il y a plusieurs mois par la cour d'assises du Pas-de-Calais. Avec son confrère Julien Delarue, il avait obtenu l'annulation des charges pesant sur leur client, « parce qu'elles avaient été recueillies par des écoutes téléphoniques lors d'un parloir, à la prison, ce qui est également illégal. » Lundi matin, il exposera cet exemple aux magistrats parisiens, avant d'instiller un autre poison visant la procédure : « Il faut se souvenir qu'avant même les gardés à vue, un journaliste avait donné le nom d'Yvan Colonna. Il est protégé par le secret des sources et c'est très bien ainsi. Mais moi, j'aimerais tout de même bien savoir qui a pu lâcher le nom de mon client à ce moment-là... » Manière de dire que si c'est un policier, il peut également l'avoir suggéré pendant le temps des gardes à vue.
Voilà donc ce que compte apporter d'emblée l'avocat qui a déjà fait acquitter Jean Castela, dans cette affaire. Il avait été accusé de complicité, « et condamné en première instance avant d'être acquitté », glisse Dupond-Moretti. Qui revient également sur le deuxième procès de son nouveau client, que la Cour de cassation a annulé pour vice de forme, le renvoyant une troisième fois devant la cour d'assises : « Pour le condamner, lors du deuxième procès, il a fallu violer la loi ! » La bataille est commencée.
(La Voix du Nord)
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