Yvan Colonna a réaffirmé, jeudi, à la cour d'assises spéciale de Paris qu'il était innocent de l'assassinat du préfet Claude Erignac, abattu de trois balles dans la tête le 6 février
1998.
Emprisonné depuis 2003 après une 'cavale' de quatre ans qui avait fait de lui l'homme le plus recherché de France, le berger de Cargèse a révélé avoir connu lors de cette fuite son épouse
d'aujourd'hui, Stéphanie, agricultrice de son village, présente à la cour lundi dernier.
"En aucun cas, il n'a été question d'un 'plan com' pour soi-disant m'humaniser. J'ai jamais eu l'impression d'être un extra-terrestre, de pas être un être humain", a affirmé à la cour
Yvan Colonna, qui, jeudi, menait son interrogatoire .
"Je suis un être humain, j'aime, je pleure, je rigole comme tout le monde, mais on m'a déshumanisé", a-t-il ajouté.
L'accusé a paru parfois au bord des larmes quand il évoquait son fils, âgé aujourd'hui de 21 ans. Il ne vient plus le voir en prison, dit-il, de peur de se retrouver seul à Paris.
"C'est une histoire un peu particulière. Je l'ai connue quand j'étais recherché, je l'ai vue une fois, fortuitement. Ce n'est pas une personne qui m'a marqué alors. Je vivais une période
troublée, je n'avais pas la tête à ça".
Après son incarcération, elle lui a écrit et un échange de lettres a commencé, en tout bien tout honneur, a dit Yvan Colonna, alors toujours en rapport avec la mère de son fils.
"En 2007, Stéphanie a fait une demande de visite, mais je ne l'ai pas laissée monter au parloir, par respect pour ma femme et mon fils", a-t-il dit.
Puis, lentement, "il s'est passé quelque chose", a dit le berger. Et l'idée est venue. "C'est la vie, je ne sais pas comment ça s'explique, moi qui avais toujours été contre le
mariage...". Juste après la cassation de sa deuxième condamnation à perpétuité, l'accusé a demandé et obtenu l'autorisation nécessaire du parquet.
Treize jours dans une grotte
Il a également donné des détails sur sa cavale de quatre ans dans le maquis. "Je suis recherché par toutes les polices de France. Je vis comme un rat traqué. Je suis resté 13 jours dans une
grotte".
"Je n'ai jamais vu ma famille pendant ma cavale, mais on a correspondu. Ils m'ont envoyé des cassettes de mon fils". Ce dernier a très mal vécu son absence. "Il avait 9 ans" en
1999. Il "a eu des problèmes psychologiques, a été suivi par un psy".
Sur son engagement nationaliste à partir du début des années 80, Yvan Colonna n'a rien livré de plus que pendant ses deux précédents procès. Il a réaffirmé avoir quitté tout militantisme "en
1989-90", à la naissance de son fils, pour se consacrer à son élevage de chèvres, et n'avoir jamais participé à aucune action violente. L'accusé a pour le reste repris le récit de sa vie,
passée pour l'essentiel en Corse, hormis un intermède à Nice à l'adolescence et un service militaire à Paris dans les sapeurs-pompiers.
Il a également réaffirmé son innocence dans l'assassinat du préfet Erignac. "J'ai jamais tué personne. J'ai jamais envisagé de tuer personne".
Le ton change
Quand l'examen des faits a commencé, en fin d'après-midi, le ton a changé.
Yvan Colonna a affirmé avoir des informations à divulguer concernant le "groupe des anonymes", dont six membres ont été condamnés pour l'assassinat du préfet. Mais il a refusé d'en dire
plus, disant vouloir attendre que les membres du commando, qui doivent témoigner fin mai, parlent d'eux-mêmes.
"Pour une fois, prenez vos responsabilités! Quels sont leurs mensonges?", lui a demandé l'un des avocats de la famille Erignac, Me Philippe Lemaire.
"C'est à eux de le dire, sinon on va dire que je les ai influencés", a répondu Colonna, avant de sortir de ses gonds.
"Je ne sais pas tout, Me Lemaire, je ne sais pas tout!", a-t-il crié, très énervé. "Je ne sais pas pourquoi ils m'ont mis en cause. J'espère qu'ils vont dire la vérité, me concernant
moi!".
L'un de ses avocats, Me Pascal Garbarini, a interprété cette colère comme "un cri de souffrance".
Mais les parties civiles ont été plus sévères. "Quand il parle de lui-même? il parle très longtemps; quand on aborde les faits, il se tait", a asséné devant la presse Me Benoit Chabert,
qui représente l'Etat.
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