La cour d'assises spéciale de Paris a accepté lundi le principe d'un transport à Ajaccio, pour procéder à une «reconstitution» de l'assassinat en 1998 du préfet de Corse Claude Erignac. Elle a estimé, dans un arrêt, la demande de la défense d'Yvan Colona «justifiée» et a donné son accord de principe. Mais la date et les modalités restent à définir. Il s'agira notamment de savoir si les hommes déjà condamnés accepteront d'y participer.
La défense d'Yvan Colonna a mis en cause lundi les méthodes des enquêteurs et de l'ex-patron de la police antiterroriste, Roger Marion, qui lors
de son audition a jugé "incontestable" la culpabilité d'Yvan Colonna dans l'assassinat de Claude Erignac, le 6 février 1998 à Ajaccio.
Roger Marion, ancien "patron" de la division nationale antiterroriste de la police judiciaire, a assuré, en effet, que les déclarations des membres du commando arrêtés en mai 1999, qui avaient
mis en cause Yvan Colonna durant leurs gardes à vue, avaient été recueillies "dans le respect de la déontologie policière".
"En tant que membre du commando, c'est pendant les heures de la garde à vue, pas avant", que le nom d'Yvan Colonna est apparu, a-t-il dit. Sinon, "on l'aurait interpellé le 21 mai", en même temps
que les autres.
La défense du berger de Cargèse défend la thèse selon laquelle la police soupçonnait Yvan Colonna bien avant l'arrestation de ses complices présumés, et leur ont "glissé" son nom pour qu'ils le
mettent en cause.
Ils se sont ensuite rétractés, mais ces mises en causes constituent néanmoins le socle de l'accusation.
Marion a admis que des "interceptions de sécurité", c'est-à-dire des écoutes administratives "couvertes par le secret défense", avaient été réalisées "par les services des renseignements
généraux" à partir du 17 mai 1999, concernant les frères Colonna.
Interrogé sur ces écoutes par Me Eric Dupond-Moretti, l'un des avocats d'Yvan Colonna, M. Marion s'est ensuite montré évasif.
Y a-t-il eu des écoutes administratives? "Pas de la part de la DNAT", a-t-il répondu. De la part d'autres services? "Je l'ignore", a-t-il dit, avant d'ajouter: "Je ne vais pas violer le secret
défense".
Avant lui, Eric Battesti, ex-commissaire à la direction centrale des renseignements généraux (, avait affirmé que "les RG n'ont pas exercé de surveillance sur Yvan Colonna".
L'accusé est intervenu pour le contredire. Il a relaté une rencontre, en août 1998 sur la plage de Cargèse. Mis en confiance par la présence d'un ami, Yvan Colonna s'était joint à eux pour boire
un verre. "On a discuté pendant une heure et demi au moins", a-t-il dit, affirmant qu'Eric Battesti était alors "en service commandé". "Tu t'en souviens?", lui a-t-il lancé.
Un épisode qu'a contesté le policier, n'excluant toutefois pas avoir pu rencontrer Yvan Colonna par hasard et échanger avec lui quelques paroles.
De même, Eric Battesti a affirmé qu'une balise de surveillance trouvée en novembre 1998 par Yvan Colonna sous sa voiture n'était pas le fait des RG.
Eric Battesti et Roger Marion ont par ailleurs réfuté que la police ait pu "manipuler des preuves".
Les RG et la police antiterroriste avaient en effet été soupçonnés d'avoir dissimulé, en septembre 1998, des explosifs hors d'usage chez un syndicaliste nationaliste agricole, qui faisait alors
figure de suspect.
Une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été "classée sans suite", s'est défendu M. Marion.
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