Trois hommes déjà condamnés pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998 ont affirmé mardi à la cour d'assises de Paris qu'Yvan Colonna n'était pas impliqué, en laissant, toutefois, planer l'ambiguïté.
Des révélations d'Yvan Colonna et du chef du commando responsable de l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998 ont permis d'esquisser un nouveau scénario, jugé plus favorable par la
défense du berger de Cargese, mardi en fin de journée.
Le début de l'audience devant la cour d'assises spéciale de Paris avait été plutôt décevant pour l'accusé. Martin Ottaviani, un membre du commando condamné en 2003 pour complicité dans
l'assassinat, l'avait dit "innocent des faits qui lui sont reprochés", mais sans rien vouloir révéler sur les faits.
Au point qu'Yvan Colonna, jugé une troisième fois après deux condamnations à perpétuite, s'était écrié: "Tu m'aides pas !", et que l'un de ses avocats, Me Pascal Garbarini, avait reproché au
témoin: "Vous rendez notre tâche quasiment impossible".
Entendu en fin de journée, Alain Ferrandi, condamné à perpétuité en 2003 comme coauteur de l'assassinat, a d'abord semblé sur la même ligne.
"M. Colonna ne faisait pas partie du groupe des anonymes", responsable de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella en septembre 1997, et de l'assassinat du préfet, le 6 février 1998 à Ajaccio,
a répété M. Ferrandi. "Je ne m'expliquerai pas sur les faits", a-t-il ajouté.
Il a cependant glissé une phrase inattendue. "Il m'est arrivé d'avoir une suspicion à son égard. J'ai pensé qu'il pouvait être l'informateur", a-t-il dit.
L'ancien préfet Bernard Bonnet, qui avait succédé à Claude Erignac en Corse avant que l'affaire des paillotes ne provoque sa chute, a en effet dit à plusieurs reprises avoir obtenu des
informations fin 1998 sur le groupe des anonymes, d'un mystérieux informateur baptisé "Corte".
Interpellé par Yvan Colonna, Alain Ferrandi s'est expliqué: "Ca a traversé mon esprit, je te l'avoue. Ton nom a circulé" comme "possible informateur de M. Bonnet". Une "rumeur" qui date selon lui
du temps de "l'instruction".
Apparemment interloqué, Yvan Colonna a alors livré l'information qu'il avait promise, de façon sybilline, au début du procès. Il avait alors admis avoir connu "à un moment" l'existence du groupe,
tout en disant vouloir laisser les intéressés s'exprimer.
Il a dit que son ami Pierre Alessandri - l'autre membre du commando condamné à perpétuité en 2003 - lui avait proposé de rejoindre le "groupe des anonymes", "peu après l'opération contre la
gendarmerie de Pietrosella". "J'ai décliné l'invitation", a ajouté Colonna. Après, "je n'ai jamais posé une question, jamais cherché à savoir".
La défense d'Yvan Colonna a exprimé devant la presse sa satisfaction: "Après neuf ans d'instruction, trois procès, cinq si on compte ceux des membres du commando, on découvre toujours des
morceaux de vérité", s'est félicité Me Pascal Garbarini. "Yvan Colonna est dans une situation qui n'est plus une impasse", a-t-il estimé.
Alain Ferrandi "a pu croire à un moment qu'Yvan Colonna était une balance", a souligné Me Eric Dupond-Moretti, selon lequel la rumeur avait été véhiculée par "un policier" pendant "plus d'un
an".
Cette suspicion pourrait expliquer pourquoi les membres du commando, qui avaient mis en cause Yvan Colonna lors de leurs gardes à vue en mai 1999, avaient mis si longtemps à se rétracter,
certains attendant jusqu'à leur procès de 2003.
Me Yves Baudelot, l'avocat de la famille Erignac, s'est en revanche dit "extrêmement surpris par ce scénario, qui apparaît douze ans après les déclarations faites sur Yvan Colonna qui le mettent
en cause". "Je n'y crois pas une seconde", a-t-il ajouté.
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