Au terme de cette année sportive particulièrement riche pour tout le football Corse et en particulier le football ajaccien, il est temps de revenir sur ce qui a fait cette saison le succès de l’AC Aiacciu, vice-champion de France de Ligue 2. Finie la pression, fini le stress, le coach ajaccien Olivier Pantaloni évoque, sereinement, pour Corse Net Infos l’un des évènements sportif de l’année en Corse, et nous livre son sentiment sur la saison en Ligue 1 qui se dessine.
- Olivier Pantaloni, nous y sommes, c’est la fin de la saison, qu’avez-vous ressenti à Nîmes au coup de sifflet final, qui mettait fin au dernier
match de la saison et qui envoyait l’ACA en L1 ?
- « Tout d’abord, j’ai
ressenti beaucoup de fierté. Beaucoup de fierté pour les joueurs, pour le club, car cela n’était pas évident, en début de saison, de penser qu’on pouvait accéder en Ligue 1, c’était même loin de
nos pensées. Même si, avec le président, on s’était dit que dans les deux ou trois ans, il fallait faire l’effort d’essayer de jouer un rôle intéressant, voir accrocher une montée, mais ce
n’était pas à l’ordre du jour en début de saison. Donc, une grande fierté puis un soulagement. La saison a été à la fois éprouvante et très agréable. On s’était fixé comme objectif d’être les
plus performants possible à domicile, pour pouvoir assurer un maintient rapidement, c’est ce qu’on a fait, puisqu’on finit meilleure équipe de L2 à domicile. Ensuite, je pense qu’on a produit du
jeu intéressant, qu’on a fait plaisir à notre public. On a vécu beaucoup de moments de joie au cours de cette saison. Beaucoup d’émotions, mais aussi des moments de tristesse, avec la disparition
d’Antoine Nivaggioni, et moi-même, j’ai été frappé d’un deuil dans ma famille. De ce fait, beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface, et bien sûr le souvenir de Michel Moretti, qui a fait
tant et tant pour le club. Je pense que toutes ces personnes auraient été fières de voir ce qu’on a réalisé. »
- A votre arrivée à l’aéroport, vous avez pu constater une présence incroyable de supporters venus vous accueillir (environ un
millier de personnes avait fait le déplacement jusqu’à Campu di l’Oru), on a vu aussi énormément de jeunes se mobiliser et fêter la montée, est-ce que selon vous, cet engouement est de bonne
augure pour la suite ?
- « Oui, c’était fabuleux pour nous d’être accueillis de ce cette manière. Deuxièmement, c’est vrai que les supporters se sont structurés
cette année, et ont fait le maximum pour nous soutenir, et on s’aperçoit que de plus en plus de jeunes viennent les rejoindre. Le club a un vécu dans le passé qui fait qu’une certaine génération
est toujours là. Par la suite, le club a vécu une traversée du désert (à partir de 1974 ndlr) et depuis quelques années, il redevient le club phare de la ville. Ceux qui constituent aujourd’hui
les groupes de supporters sont ceux qui avaient 6 ou 7 ans lors de la première division dans les années 2000, et ils ont vécu à travers ce club depuis ce temps-là. Ils sont devenus de jeunes
adultes, et attirent aujourd’hui beaucoup de monde. On espère que cela va s’amplifier. De notre coté, on va tout faire pour fidéliser un maximum les supporters. Ce sera à nous, de part notre jeu
et notre relationnel avec eux, d’arriver à avoir de plus en plus de monde au stade. »
- On a vu en début de saison que le club s’était restructuré,
que le stade était en construction (la tribune Poli finie en Septembre)… est-ce que cela a influé sur le groupe ?
- « C’est bien sûr bénéfique par rapport au fait que les joueurs prennent conscience que le club a envie d’aller de l’avant, d’améliorer
toutes les infrastructures, afin de les faire évoluer dans les meilleures conditions possibles. De ce point de vue-là, je pense que quand un joueur vient à Ajaccio, il sait que c’est pas un club
qui a des moyens énormes, mais qu’il y a au moins la volonté et l’envie de prendre un autre dimension. »
"L'équipe a été très solide du début à la fin de la saison"
- Par rapport au niveau global de l’équipe, est-ce que qualitativement, il se vaut avec celui des équipes comme Dijon, Evian, ou encore Le
Mans ?
- « On a une équipe qui a été très solide du début à la fin, complète dans toutes les lignes. Bien que sur le poste de latéral gauche, on
ait évolué sans véritable joueur prédestiné pour ce poste pendant tout le début de saison. On a donc transformé Anthony Lippini d’arrière droit en arrière gauche, puis ensuite, il y a eu
Fabrice Begeorgi qui s’est imposé dans ce rôle. On a quand-même réussi à tenir le coup sans véritable spécialiste du poste. Sur le plan offensif, on était très bien armés, puisqu’on finit avec 2
buteurs à 12 buts chacun, l’éclosion d’Andy Delort, la confirmation de Kinkela, l’apport énorme de Yohan Cavalli dans l’animation offensive. Cela ajouté à la solidité du milieu de terrain, je
pense qu’on avait une équipe très solide. La seule difficulté résidait dans l’effectif qui était assez réduit, ce qui nous rendait dépendant des blessures et des suspensions. Dès que l’on avait 2
ou 3 joueurs qui étaient dans ce cas, ça nous a handicapé. Cela s’est ressenti en fin de saison, le groupe était émoussé parce que c’était souvent les mêmes qui étaient appelés à
jouer. »
- Concernant la
saison, qu’est-ce qui a fait la différence ? On sait que la préparation d’avant-saison est en générale déterminante…
- « Personnellement, dans les deux préparations que j’ai faites (Celle de la saison précédente, et celle de cette année), j’ai toujours vu
un groupe solidaire, mais c’est vrai que cette année, l’ambiance a été particulièrement bonne. Ce qui a changé, c’est qu’au niveau des matchs amicaux, même si on en a perdu deux sur trois, face à
Toulouse et Bordeaux, on avait senti un potentiel dans ce groupe. Loin de moi était l’idée d’imaginer que l’on pouvait accéder en Ligue 1 à la fin de la saison, mais je nous voyais faire une
saison très correcte, en jouant au mieux dans le top 8, en faisant un championnat plus tranquille que les précédents, qui ont été assez pénibles. Moi, j’ai senti quelque chose. L’entame de
championnat a été difficile, cela dû au fait qu’on changeait encore une fois 50% de l’effectif. Il fallait donc un certain temps avant que la cohésion se fasse. »
- Le championnat
débute avec une victoire contre Nîmes 1-0, puis se poursuit par 5 matchs sans victoire…
« En effet, on comptait seulement 6 points au bout de 6 journée, bien que nous nous fûmes qualifiés en Coupe de la Ligue. Malgré cela, il y avait du contenu et
des occasions de buts. On savait qu’à un moment, on arriverait à faire quelque chose de mieux. Et ça s’est confirmé. De suite après, est venu ce match à Evian, où on fait une énorme rencontre
contre le leader -et finalement champion-, et à partir de là, je pense qu’il y a eu une prise de conscience. On a su qu’on était capables de rivaliser avec les « gros » du championnat.
Le groupe doutait alors moins de sa valeur, était plus sûr de ses qualités. Cela nous a donné un élan positif.
- Avant la trêve, il y a trois matchs qui ressortent : cette victoire hold-up à Châteauroux, où l’ACA marque sur ses deux seules
occasions, cette victoire à F. Coty contre Tours, un prétendant au podium, et celle face à Boulogne. Est-ce que les ambitions ont alors été revues à la hausse ?
- « Non, sur la première partie de tableau, on reste sur l’ambition de départ. Châteauroux, c’est vrai qu’on fait
une première mi-temps calamiteuse. De plus, la semaine avait été marquée par la disparition d’Antoine Nivaggioni. Il y a donc eu une réaction salutaire qui nous a permis en une minute de faire
basculer la rencontre. Le match contre Tours vient conforter l’objectif d’être très costaud à domicile. Le match de Boulogne également, une équipe qui n’avait pas perdu de match avant de nous
jouer, et qui était meilleure défense. On arrive à leur mettre 2 buts. Et ce toujours avec l’objectif du maintient. Après, il y a le match à Istres juste avant la trêve, où on mène deux buts à
zéro, et où l’on se fait rejoindre deux partout…là, je pense que l’on était toujours dans notre objectif de nous maintenir, mais peut-être avec une idée derrière la tête d’embêter les équipes de
tête. »
- La période de Février – Mars, sans aucune défaite, et les victoires contre Evian, et à Vannes, ce sont des matchs qui ont
eu une signification ?
- « Véritablement, on a pris conscience que l’on pouvait jouer un rôle intéressant après le match d’Evian. Je me souviens de la causerie
d’avant-match à Vannes, où j’ai dit aux joueurs, que la victoire était impérative, et que si on obtenait des résultats à l’extérieur, sachant qu’il restait 7 matchs à domicile et 7 matchs à
l’extérieur, on pouvait monter. Il n’était pas évident de faire totalement le plein à domicile. On a acquis cette victoire dans la douleur, et je crois que c’est ce qui a un peu déclenché la
montée. A partir du mois de février, une pression supplémentaire s’est installée sur nos épaules. Quand on a vu qu’on avait les moyens de faire quelque chose, on s’est accroché à l’idée qu’on
pouvait être sur le podium en fin de saison. De plus, le maintient était alors quasiment acquis. Au final, arriver à notre objectif sur les 2 derniers matchs de championnat, c’est quelque chose
de fabuleux pour nous. »
- Ensuite, il y a eu ce non-match à Nantes, avec en plus cette bagarre et ces expulsions. Cela a-t-il laissé un traumatisme dans les têtes, et
comment les joueurs ont-ils réagi ?
- « C’est handicapant ! On perd quatre joueurs cadres dans la rencontre. On a eu une explication dans les vestiaires entre nous. Ceux qui sont
restés sur le terrain jusqu’au bout on fait comprendre à ceux qui se sont fait expulsé que si on voulait jouer une montée, on avait besoin de toutes nos forces, et de ne plus reproduire de tels
comportements. Cela nous a servi de leçon, et a même permis de souder encore plus le groupe ! »
- Après cela, il y a une série de 8 matchs avec 4 victoires et zéro défaites. L’objectif était alors plus
qu’officiel ?
- « Oui, surtout que l’on voyait que les équipes de tête n’étaient pas régulières, que les résultats nous étaient toujours favorables et nous permettaient de rester au contact des équipes de
tête, et au final, de monter sur le podium.
- Cette victoire à Boulogne, est-elle décisive selon vous ?
- « Il fallait de toute manière gagner un match à l’extérieur. Le fait de gagner chez un prétendant à la montée nous laisse dans nos objectifs, mais
ça permet aussi d’écarter un prétendant à la montée. Je ne pense pas que cette victoire soit vraiment décisive, mais dans la course à la montée, ça nous enlève un obstacle. »
- Il y a eu ensuite la confirmation contre Clermont, puis cette défaite à Angers, qui est un peu une ombre au tableau. Est-ce
que le moral et la conviction des joueurs ont été affectés ?
- « Je pense que oui, un petit peu. C’est surtout la fatigue qui a fait que l’on n’a pas eu, en seconde mi-temps du moins, le comportement d’une
équipe qui tenait à tout prix à accéder. C’est vrai que ça a fait cogiter un peu tout le monde, y compris dans le staff. Mais on est là aussi pour remonter le moral des troupes, et je pense que
derrière, on a jeté toutes nos forces dans la bataille pour les deux derniers matchs, bien qu’il ne nous en restait pas beaucoup, pour arriver à obtenir cette place sur le podium. J’avais dit aux
joueurs que, quoi qu’il soit, j’étais persuadé qu’on allait gagner les 2 derniers matchs. Après le match d’Angers, nous n’avions bien entendu plus notre destin en mains, et nous dépendions d’un
faux-pas du Mans, parce que je ne voyais pas Dijon et Evian chuter. D’autant plus qu’ils avaient un goal-average bien supérieur au notre, qui nous mettait presque à 4 points de retard. Ensuite,
pendant le match contre Istres, il y a ce scénario fabuleux à Vannes, où les Vannetais, qui jouaient leur survie, l’ont joué jusqu’au bout, et nous ont permis de remonter sur le
podium. »
"L'argent ne fait pas tout dans le football"
- Pour finir, ce Nîmes-ACA : y-a-t-il eu une préparation mentale spéciale ? Comment gère-t-on les hommes dans un moment pareil et
surtout, la fatigue ?
« Pour la fatigue, on a essayé de faire au mieux, c'est-à-dire beaucoup de récupération durant la semaine. Coté mental, lorsqu’on se retrouve à 90mn d’une montée, chez un adversaire déjà
relégué, on n’a pas le droit de se relâcher. Sans mettre de pression aux joueurs, je sentais une énorme envie d’aller gagner à Nîmes. Ça a été, là aussi, un scénario difficile, on se crée
énormément d’occasions, on tombe sur un gardien qui nous fait des exploits, et on prend un but qui aurait pu nous assommer. On a le bonheur de revenir juste avant la mi-temps, et de marquer juste
après. Derrière, ça s’est joué aux forceps. On avait déjà tout donné, et on arrive quand-même à accrocher cette victoire sur le fil, c’est fabuleux ! »
- Sur un plan plus personnel, votre ressenti par rapport
à la saison que vous venez de vivre avec l’ACA ?
- « Moi, j’ai passé une année exceptionnelle. Même s’il y a eu des moments difficiles et douloureux. Au niveau sportif, j’ai trouvé un groupe
d’une qualité rare dans le monde du football, c’est pour cela qu’à la causerie de Nîmes, j’ai tenu à remercier les joueurs pour tout ce qu’ils ont apporté. Je pense qu’ils ont apporté au public,
et qu’ils se sont fait plaisir. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’entraineurs qui arrivent à travailler avec un groupe de cette qualité humaine aussi importante. On avait fait, pour la
causerie avant le match de Sedan, un montage vidéo qui disait qu’au-delà de l’aventure sportive, il y avait une aventure humaine, car on est tombé sur des gars de mentalité. Ça me conforte dans
l’idée que ce sont des valeurs qu’il faut développer au sein de ce club, qui n’a pas les mêmes moyens que les autres clubs professionnels. Si on arrive à pérenniser cette mentalité, à
asseoir ces valeurs, dans le cadre de ce qu’on veut mettre en place, on est amené à vivre encore de belles choses. »
- Par rapport au recrutement, quelles sont vos attentes, et comment voyez-vous la saison à venir ?
- « On n’en n’a pas encore vraiment discuté avec les dirigeants, notamment par rapport au prochain budget. Mon idée première c’est que nous sommes un
petit club, qui aura le plus petit budget de Ligue 1. On ne pourra donc pas se permettre de folies. On va essayer de recruter de bons joueurs pour se maintenir, peut-être sept ou huit recrues,
pas plus. Tout en faisant confiance aux gars qui ont joué cette saison, pour la plupart. Beaucoup sont en fin de contrat, et nous allons négocier une prolongation pour certains. Nous voulons
surtout des joueurs de mentalité. »`
- Une conclusion, Olivier, en quelques mots ?
-« Conclusion ? Qu’est-ce qu’on peut dire…que dans le monde actuel, l’argent ne fait pas tout dans le football. Ça aide énormément, mais je
pense que les qualités humaines sont d’une importance extrême pour réaliser des exploits de la sorte. Je remercie aussi tous les gens qui nous ont soutenu tout au long de la saison, en espérant
qu’ils soient de plus en plus nombreux. Et eux, et nous, avons encore beaucoup de choses à vivre au sein du club.
J’ai, pour finir, une pensée émue pour Michel Moretti et Antoine Nivaggioni, qui ne sont plus parmi nous, mais qui auraient été fiers de ce qui a été accompli cette
saison. »
Olivier C.
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