Manipulation, menaces ou cri de désespoir? La lettre qu'aurait adressée Yvan Colonna à l'un des membres du commando ayant assassiné le préfet de Corse Claude Erignac en 1998 sème le trouble à son troisième procès.
Dans cette lettre datée du 19 décembre dernier, dont l'existence a été révélée à l'audience de la cour d'assises de Paris vendredi, le militant nationaliste corse menace brutalement son ami
d'enfance Pierre Alessandri, déjà condamné à perpétuité pour le crime, et le presse de le blanchir.
C'est un rebondissement important dans le dossier de ce crime, le plus grave commis en 40 ans de violence politique en Corse.
Yvan Colonna, présenté par l'accusation comme l'homme d'un commando de cinq membres qui a tiré trois balles dans la tête du préfet, s'est toujours dit étranger à ce crime.
Pour la partie civile, la lettre montre son vrai visage, loin de l'image de berger pacifique qu'il fait valoir depuis son arrestation en 2003. "Les masques sont tombés", a dit Vincent
Courcelle-Labrousse, avocat du frère du préfet.
La défense s'est dite étonnée lundi de voir apparaître la lettre subitement et s'interroge sur son origine.
C'est le directeur central de la police judiciaire Christian Lothion qui l'a remise à la cour vendredi, expliquant par écrit l'avoir reçue d'un informateur dont il refuse de dire le nom.
La défense a tenté lundi d'invalider cette pièce en raison de cette origine trouble. "Nous ne pouvons envisager qu'une ultime manoeuvre pour sauver un dossier qui, à notre avis, commençait à
prendre l'eau de toutes parts", a dit à l'audience Me Antoine Sollacaro, un des avocats d'Yvan Colonna.
Christian Lothion, à la demande de la cour, viendra témoigner, sans doute mardi. La cour a de plus ordonné une traduction de la lettre, rédigée en langue corse, par un magistrat en poste à
Bastia.
Yvan Colonna, interrogé à l'audience lundi, n'a pas souhaité faire de commentaires sur la lettre dans l'immédiat. Il ne nie pas en être l'auteur, ont dit ses avocats aux journalistes.
Les avocats l'expliquent par la colère d'un homme accusé à tort. Les avocats de la famille du préfet Erignac font pourtant remarquer qu'à aucun moment Yvan Colonna ne se dit innocent, mais qu'il
presse seulement son ami de le dire.
Pierre Alessandri nie avoir reçu ce courrier, dit ne l'avoir jamais lu et assure qu'il n'a pas été saisi dans sa cellule, a dit lundi son avocat Eric Barbolosi. "Il voit cela comme une
manipulation et viendra le dire devant la cour", a-t-il déclaré.
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