La cour d’assises de Paris, a décidé de se déplacer à Ajaccio lundi soir, répondant ainsi à une demande de la défense. L’ensemble des parties s’étaient déclarées favorables à ce déplacement mais en avaient souligné la principale limite : seuls Yvan Colonna et Pierre Alessandri, ancien membre du commando reconnu coauteur du meurtre, ont, en effet, accepté d’y participer. Que peut-on en attendre. Voici les réponses aux questions que, sans doute, vous vous posez.
Pourquoi ?
La décision de la cour d’assises n’est pas une surprise. La défense d’Yvan Colonna avait demandé l’organisation d’une reconstitution dès
l’ouverture du procès, début mai. En réponse, la cour en avait le 16 mai dernier accepté le « principe » tout en réservant sa réponse « en fonction de l'évolution des débats ».
Le transport aura donc lieu « le lundi 6 juin à partir de 19h30, rue Colonel Colonna d’Ornano à Ajaccio et prendra le temps qu’il faudra », a ainsi indiqué, le président du tribunal, Hervé
Stéphan.
L’objectif est de reproduire l’enchaînement des faits qui ont conduit à la mort du préfet afin de vérifier que leur réalisme et leur cohérence avec les lieux. Il s’agit surtout d’essayer de
déterminer le scénario du crime, dont le nombre de participants.
Ce point fait débat entre la défense et les parties civiles : la première soutient qu’il n’y avait que deux hommes dans la rue pour abattre le préfet alors que les secondes affirment qu’ils
étaient trois, Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et Yvan Colonna.
Un flou entretenu par les témoignages des membres du commando. Après avoir mis en cause Yvan Colonna lors de leur garde à vue et au début de l’enquête en mai 1999, ces derniers se sont
tardivement rétractés, innocentant le berger de Cargèse au bout de plusieurs mois voire même seulement en 2003, pendant leur procès.
Reconstitution ou transport ?
La cour organise un transport sur les lieux à huis clos et non une reconstitution publique, comme demandée par les conseils d’Yvan Colonna.
Celle-ci, qui supposerait une remise en état à l'identique des lieux du crime, est « impossible », a en effet indiqué le président de la cour. La défense a fait savoir qu'elle n'était pas «
crispée sur le terme » et qu’elle était ouverte à « toutes les modalités ».
Cette question du déplacement en Corse est très sensible depuis le début de l’affaire. Seules deux reconstitutions ont été organisées, le 17 mars 1998, un mois après l’assassinat, et le 23 juin
1999, mais sans aucun membre du commando.
En 2007, lors du premier procès, la cour avait procédé à un simple transport, en présence d’Yvan Colonna et toujours sans les membres du commando. Surtout, lors du deuxième procès en 2009,
l’accusé et ses avocats avaient claqué la porte du tribunal après avoir essuyé deux refus de leurs demandes de reconstitution.
Qui participe?
L’ensemble de la cour - dont les neuf magistrats qui la compose - les parties civiles, la défense et le ministère public seront présents. Le
tribunal a également demandé à trois experts de se déplacer : le médecin légiste, Paul Marcaggi, et les deux experts en balistique, celui de la défense, Jean-Claude Schlinger, et celui de la
partie civile, Pierre Laurent.
La cour n’a cependant pas jugé nécessaire de faire venir les trois principaux témoins oculaires, largement entendus pendant l’audience.
Concernant les membres du commando, la liste des participants est maigre. Seuls Yvan Colonna et Pierre Alessandri, condamné à la perpétuité pour le meurtre du préfet en 2003, ont accepté d’y
participer. Toutefois, Pierre Alessandri a précisé qu’il ne mimerait pas « physiquement » les gestes des tirs. Les autres membres du commando ont refusé de participer au transport, au grand dam
de la défense d’Yvan Colonna qui comptait sur leur présence pour innocenter leur client.
Que doit-on en attendre ?
Cette absence des membres du commando, tous condamnés en 2003 à des peines allant de 15 ans de prison à la perpétuité, est la principale limite de l’exercice de lundi. En effet comment
reconstituer précisément les faits sans les principaux protagonistes de l’histoire ? De même, la cour a rappelé dans sa décision « l’impossibilité de remettre les lieux dans leur état de l’époque
», l’éclairage, défaillant le soir du 6 février 1998, ayant été amélioré depuis par exemple.
Toutefois, il semble chaque partie soit consciente de ces problématiques. Me Pascal Garbarini, l’un des cinq avocats d’Yvan Colonna, a ainsi souligné qu’il lui semblait « important que la cour
s’imprègne du lieu ». « Je ne sais pas si nous aurons la vérité mais au moins elle pourra se faire une conviction approfondie et solide », a-t-il ajouté.
« Il n’y a aucune espèce de difficulté de la part des parties civiles quant à un transport sur les lieux », a de son côté affirmé Me Yves Baudelot, l’avocat de Dominique Erignac, au nom de
l’ensemble des parties civiles. « S’il s’agit d’un élément essentiel pour que ce procès soit équitable, je le dis et je le répète, nous sommes favorables au transport », a-t-il insisté.
Celui-ci ne devrait donc pas apporter de révélation, mais semble être un passage obligé dans ce procès, avant les dernières auditions de témoins puis le jugement prévu pour la fin du mois ou au
début du mois de juillet.
Écrire commentaire