Napoléon Bonaparte, "le premier ennemi de l'Angleterre", se résolut à apprendre l'anglais lors de sa captivité sur l'île de Sainte-Hélène, où il fut déporté par les Britanniques en octobre 1815 après la défaite de Waterloo.
C'est ce que révèlent de rares témoignages autographes qui seront mis en vente dimanche à Fontainebleau, près de Paris.
"To run, runned (sic), running", peut-on lire de la main de l'empereur déchu sur l'un des trois fragments de papier vergé d'une manufacture anglaise, montés plus tard en un feuillet.
Les historiens ne recensaient jusqu'à présent que deux autres fragments d'exercices d'anglais et deux lettres écrites par Napoléon Ier à Las Cases.
Emmanuel de Las Cases, que Napoléon fit comte d'Empire en 1810, accompagna l'Empereur à Sainte-Hélène où il resta 18 mois pour noter ses propos, publiés en 1823 sous le titre "Mémorial de Sainte-Hélène", ouvrage qui contribua à la légende napoléonienne.
"Il est venu à remarquer qu'il était honteux qu'il ne sût pas encore lire l'anglais", écrit Las Cases à l'année 1816.
En janvier, l'Empereur prend une première leçon d'anglais puis s'entraîne à la traduction "à l'aide d'un petit tableau que je lui ai fait pour les verbes auxiliaires et les articles".
Sur l'un des fragments jaunis, où surgit l'écriture arachnéenne de Napoléon, on devine le combat du captif pour maîtriser la langue.
"Qu'es qui étoit arrivé" est traduit "What was it arrived" là où son instructeur aurait préféré lire "What has happened"?
Au verso du papier, Napoléon avait dessiné des redoutes fortifiées.
Même pendant ses cours d'anglais, "il ne peut pas s'empêcher d'être un homme d'armée, un militaire, il griffonne des murs, des projets de fortifications", souligne le commissaire-priseur Jean-Pierre Osenat, responsable de la vente.
La maison de ventes Osenat, située face au château de Fontainebleau, est réputée pour ses ventes napoléoniennes. Deux fois par an, les ventes "L'Empire à Fontainebleau" réunissent experts, collectionneurs et autres passionnés de l'Empire, venus du monde entier, autour de souvenirs historiques, manuscrits, mais aussi mobilier, orfèvrerie et armes anciennes.
Les fragments autographes seront mis à prix entre 3.000 et 4.000 euros. La maison Osenat en attend au moins 9.500 euros.
En février 1816, Las Cases relève les "très grands" progrès de Napoléon. "Il en était frappé lui-même et s'en réjouissait comme un enfant", écrit-il.
"C'est incroyable de penser que Napoléon, qui sa vie entière s'est battu contre les Anglais, a voulu apprendre l'anglais sur le tard. Il aurait peut-être pu y penser avant!", s'étonne Jean-Pierre Osenat.
Napoléon mourut le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène. Le gouverneur de l'île, Hudson Lowe, qui n'eut de cesse d'imposer vexation sur vexation à son prestigieux prisonnier, salua "un grand homme". "C'était le plus grand ennemi de l'Angleterre et le mien aussi, mais je lui pardonne tout", dira-t-il.
Les nombreux documents mis en vente dimanche apportent également d'intéressants témoignages sur les campagnes napoléoniennes, notamment le récit par le maréchal de camp Antoine-Clément Chapelle de l'action du général Jean-Baptiste Eblé, qui parvint à sauver les restes de la Grande Armée lors de la campagne de Russie en construisant des ponts sur la Berezina.
"On se mit à l'ouvrage, on abattit des maisons, on en rassembla les bois, on forgea des clous", peut-on lire dans un ensemble de 12 lettres.
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