L'heure du verdict approche pour Yvan Colonna: la cour d'assises spéciale de Paris, qui le rejuge depuis le 2 mai pour l'assassinat en 1998 du préfet Erignac, dira vendredi 17 ou lundi 20 juin si elle le condamne une troisième fois ou si elle l'acquitte.
La journée de mardi sera consacrée aux plaidoiries des parties civiles, notamment les avocats de la famille du préfet de Corse Claude Erignac, assassiné le 6 février 1998 à Ajaccio.
Les parties civiles ont dit pendant le procès ne pas croire "une seconde" au nouveau scénario esquissé par les membres du commando condamnés en 2003 pour expliquer leurs mises en causes initiales de l'accusé et leurs rétractations tardives.
Le transport de justice organisé le 6 juin à Ajaccio en présence de Pierre Alessandri, qui affirme depuis 2004 être le tireur, n'a fait que renforcer leurs convictions sur la culpabilité de Colonna. Le déroulement des faits décrit sur place par M. Alessandri est en effet selon eux en contradiction totale avec les constatations matérielles, notamment les conclusions des experts en balistique.
Le réquisitoire sera prononcé mercredi, puis suivront les plaidoiries de la défense.
La cour composée de magistrats professionnels doit rendre sa décision vendredi ou lundi 20 juin.
L'accusé, les parties et l'opinion publique sauront ce qui a emporté son "intime conviction": pour la première fois, une cour spécialement composée pour les affaires de terrorisme va motiver son verdict.
Yvan Colonna a été condamné deux fois à perpétuité, alourdie en appel d'une période de sûreté de 22 ans. Mais ce verdict a été annulé par la Cour de cassation pour vice de forme.
Il n'a cessé de clamer son innocence dans l'assassinat du préfet et dans l'attaque, en septembre 1997, de la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud) où l'arme du crime avait été dérobée.
En l'absence d'éléments matériels, l'accusation repose principalement sur les accusations, lors de leurs arrestations en mai 1999, de plusieurs membres du commando et de leurs épouses, rétractées des mois, voire des années plus tard. La fuite de quatre ans (1999-2003) d'Yvan Colonna est aussi considérée comme un élément à charge par l'accusation.
Les avocats du berger pour leur part se sont attachés à démonter l'enquête, selon eux entachée d'irrégularités. Ils ont dénoncé les "pressions" policières qui auraient été exercées sur les complices présumés d'Yvan Colonna et leurs femmes pendant leurs gardes à vue, afin qu'ils impliquent le berger.
Auditionnés fin mai, certains des six membres du commando ont livré des éléments nouveaux susceptibles d'expliquer pourquoi ils l'auraient accusé à tort.
Pierre Alessandri a affirmé que les conjurés avaient "une rancune" contre Yvan Colonna, et "peut-être même de la haine", parce qu'il avait refusé de participer à leurs actions. Certains, comme Alain Ferrandi, considéré comme le chef du commando, ont également fait état d'une rumeur selon laquelle Yvan Colonna aurait été un informateur du préfet Bernard Bonnet.
Mais le 27 mai, la divulgation d'une lettre de menaces attribuée à l'accusé et adressée à Pierre Alessandri a provoqué un coup de théâtre. La cour a décidé de la verser aux débats bien qu'elle ne dispose que d'une photocopie et que le directeur de la police judiciaire, qui l'a transmise aux magistrats, ait refusé de révéler sa source.
La défense a déposé un pourvoi en cassation pour contester la recevabilité du courrier, que Colonna a assuré ne pas avoir écrit et a qualifié de "faux". La réponse de la haute juridiction est attendue cette semaine.
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