Le ministère public a requis mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté incompressible de 22 ans à l'encontre de Yvan Colonna, jugé pour la troisième fois pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998. C'est la peine maximale prévue par la loi.
"A l'issue de votre délibéré, je souhaite qu'on ne parle plus d'Yvan Colonna comme du 'berger de Cargèse mais comme de l'assassin du préfet Erignac", a
dit l'avocate générale Annie Grenier à l'issue d'un réquisitoire de cinq heures.
Pour elle, il faut "marquer la différence" avec les six autres membres du groupe de
tueurs déjà condamnés à des peines allant jusqu'à la perpétuité, sans sûreté, car selon l'accusation, c'est Yvan Colonna, berger de profession et militant nationaliste, qui a fait
feu.
L'autre avocat général Alexandre Plantevin a tenté de briser de son côté ce qu'il voit comme la légende de l'innocence d'Yvan Colonna, qui a pour lui occulté "le
crime politique le plus grave en 40 ans de lutte nationaliste".
"On a tenté de substituer à la douleur de la famille Erignac celle d'un homme qui aurait été
injustement condamné. On a voulu faire de cette procédure une sorte de monstre", a-t-il dit.
Vu par l'accusation comme l'homme qui a tiré trois balles dans la tête du
préfet, qui se rendait seul à une représentation le soir du 6 février 1998, Yvan Colonna, arrêté en 2003 après quatre ans de fuite, a toujours nié les faits. Il parle de complot contre lui et
poursuit Nicolas Sarkozy en justice.
Selon l'avocat général, "le seul véritable dogme, c'est celui qui a fait d'Yvan Colonna une victime de l'innocence
bafouée".
Déjà condamné deux fois à perpétuité en 2007 et 2009, la deuxième fois avec 22 ans de sûreté, Yvan Colonna, rejugé après une cassation, met en cause la police
et la justice qui auraient biaisé l'enquête.
La procédure a en effet été marquée par des rivalités entre services de police et entre juges et par diverses irrégularités,
voire des malversations policières.
Alexandre Plantevin a reconnu des "fautes et des errements" mais cependant, a-t-il dit, "cela n'enlève rien aux neuf
dépositions, celles de cinq membres du commando de tueurs et de quatre de leurs épouses ou compagne, ayant mis en cause Yvan Colonna à partir de 1999. Ces dépositions ont été maintenues dans des
dizaines d'interrogatoires pendant des années.
Si elles ont été parfois rétractées, y compris à ce troisième procès, c'est d'une manière qui ne peut être crédible", a
estimé le magistrat, soulignant que la défense avait expliqué la mise en cause du berger de quatre manières successives.
Elle a en effet avancé depuis 2003 la volonté des
protagonistes de protéger leurs familles, des pressions policières, la volonté de protéger de supposés complices jamais arrêtés. A ce dernier procès, la défense a défendu une quatrième version,
assurant que les délateurs voulaient se venger d'Yvan Colonna auquel ils auraient reproché son refus de combattre.
M. Plantevin a écarté l'hypothèse selon laquelle
les conjurés, condamnés en 2003, auraient dénoncé à tort Yvan Colonna parce qu'ils éprouvaient du "ressentiment à son égard" pour avoir refusé de participer à leurs actions, comme
certains l'ont dit devant la cour fin mai.
"Ce ressentiment n'empêche pas une virée à Paris entre copains en septembre 1998", quelques mois après l'assassinat du préfet, a-t-il souligné. "Il n'explique pas les mises en cause
des épouses. Elles n'ont pas de raison de lui en vouloir, et pourtant ce sont elles les plus rudes accusatrices".
"On nous propose des lignes de défense multiples, contradictoires, tout est bon", a-t-il ironisIroniquement, Alexandre Plantevin a proposé à la cour de
rédiger un questionnaire à choix multiples avec ces versions différentes.
"Si vous cochez une de ces cases dans votre délibéré, vous pourrez déclarer Yvan Colonna
innocent", a-t-il lancé.
Ce procès, le cinquième de cette affaire au total depuis 2003, devrait se terminer lundi avec le verdict de la cour. Les cinq avocats d'Yvan Colonna vont plaider l'acquittement deux jours durant, jeudi et vendredi.
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