Soulignant la fragilité de l’enquête, les avocats d’Yvan Colonna ont plaidé l’acquittement de leur client vendredi à l’avant-dernier jour de son procès devant la cour d’assises de Paris. "Je vous demande d'être des magistrats courageux, des vrais juges, de vous rappeler qu'on n'est pas là pour faire plaisir à ceux qui veulent à tout prix sa condamnation", a préconisé Me Gilles Simeoni. "Je vous supplie d'acquitter Yvan Colonna" à conclu Me Antoine Sollacaro. Le verdict devrait être rendu lundi soir. Auparavant, Yvan Colonna s'adressera une dernière fois à la cour…
Au terme de cinq semaines de débats, Mes Gilles Simeoni et Antoine Sollacaro ont estimé que la mise en cause d'Yvan Colonna avait servi ce qui est vu comme la raison d'Etat.
"C'est l'Etat qui a fait de lui un coupable", a dit Me Antoine Sollacaro, qui a conclu sa plaidoirie par : "je vous supplie d'acquitter Colonna".
Pour lui, "Yvan Colonna est un leurre jeté à la justice et aux enquêteurs". Il explique ainsi le fait que cinq membres du commando de tueurs et quatre de leurs épouses ou compagnes
l'aient mis en cause pendant plusieurs années, avant de se rétracter.
Me Sollacaro s'en est pris dans sa plaidoirie aux accusateurs de son client, qualifiant ainsi Alain Ferrandi, chef supposé du commando, de "prétentieux et haineux".
"Vous ne pouvez pas affranchir ce dossier de ce qu'il charrie de scandaleux, de honteux, d'irréversiblement pollué", a déclaré, pour sa part, Me Simeoni à la cour, avant de rappeler les
diverses déclarations politiques qui avaient qualifié Yvan Colonna d'"assassin" du préfet, du début de sa cavale en mai 1999 jusqu'à son arrestation en juillet 2003.
Parmi celles-ci, celles des ministres de l'Intérieur de l'époque, Jean-Pierre Chevènement (MDC), puis Nicolas Sarkozy (UMP).
"Le président de la République a dit qu'il était coupable!", a protesté l'avocat, avant d'affirmer que "le principe d'une instruction à charge et à décharge n'a pas été
appliqué".
"Dans quelques heures, nous allons remettre la vie de cet homme entre vos mains", a déclaré Me Simeoni aux magistrats professionnels qui composent la cour.
"Je vous demande d'être des magistrats courageux, des vrais juges, de vous rappeler qu'on n'est pas là (....) pour faire plaisir à ceux qui veulent à tout prix sa condamnation", a dit
l'avocat.
En 2007, "après les incantations sarkozystes, quel magistrat aurait eu le courage, l'audace de dire qu'Yvan Colonna était innocent?", a souligné à son tour Me Antoine Sollacaro.
"On l'a stigmatisé dans la position du coupable", a-t-il poursuivi.
"Vous pensez que dans cette affaire la présomption d'innocence a été respectée?", a demandé l'avocat, rappelant le nombre de "bonnes âmes" qui se sont émues des images de
Dominique Strauss-Kahn devant la justice américaine."Strauss-Kahn vaut mieux que lui?", s'est-il indigné.
Les deux avocats ont ensuite plaidé longuement sur le fond du dossier.
En l'absence d'éléments matériels, l'accusation repose principalement sur les mises en cause d'Yvan Colonna par les membres du commando condamnés en 2003 et par leurs épouses. Faites en garde à
vue en mai 1999, ces accusations n'ont été rétractées que des mois, voire des années plus tard.
La défense maintient que Colonna ne peut être condamné sur la "parole" de ses accusateurs, auxquels la police aurait selon elle "soufflé" son nom. "Les policiers avaient la
conviction depuis décembre 1998 qu'Yvan Colonna était l'assassin", a réaffirmé Me Simeoni.
"Je regrette le fiasco de cette affaire", a déclaré Me Sollacaro à la cour. "On ne répare pas le malheur avec de l'injustice. Je vous supplie d'acquitter Yvan Colonna."
Me Philippe Dehapiot a lui exhorté la cour à appliquer "un des grands principes de notre droit: celui qui veut que le doute profite à l'accusé".
Verdict lundi soir après que Yvan Colonna se soit adressé une dernière fois à la cour d'assises spéciale.
Les questions de la défense
Les avocats du berger de Cargese ont soumis à la cour d’assises spéciale de Paris vendredi une série de dix questions, destinées à appuyer le verdict, qui sera, chose rare,
motivé.
Les questions proposées par la défense visent à déterminer si les mises en cause d'Yvan Colonna par cinq membres du commando condamnés en 2003 pour l'assassinat du préfet et par quatre de leurs
épouses peuvent être retenus comme des facteurs incriminants. Recueillies lors de gardes à vue en mai 1999, elles avaient été rétractées des mois, voire des années plus tard.
Neuf des questions proposées demandent si ces déclarations ont été recueillies dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). La dixième question demande
si ces déclarations ont "une valeur probante".
"Nous soutenons que les déclarations sur lesquelles l'accusation s'appuie ont été recueillies à l'époque dans des conditions irrégulières, qui ne respectaient pas les principes de la
convention européenne", a expliqué Me Philippe Dehapiot devant la presse. "Donc on ne peut pas les retenir contre Yvan Colonna, et puisqu'il n'y a que ça (pour appuyer l'accusation), Yvan Colonna
doit être acquitté".
Les parties civiles et le ministère public ont recommandé le rejet de ces questions, au motif que "selon le code de procédure pénale, la cour d'assises ne peut pas répondre à des questions de
droit" dans son délibéré, selon Me Yves Baudelot, avocat de la veuve et des enfants du préfet.
Ils ont fait valoir que la cour pourrait se prononcer sur la valeur probante de ces accusations dans sa motivation du verdict. La cour dira lundi matin si elle accepte ou non ces questions.
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