Yvan Colonna, déclaré coupable pour la troisième fois de l'assassinat en 1998 du préfet de Corse Claude Erignac, a été condamné lundi à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises spéciale de Paris. A l'énoncé de la peine, qui n'est pas assortie de la période de sûreté de 22 ans qu'avait demandée le ministère public, le berger de Cargèse de 51 ans a crié: "Je suis innocent!", tandis que retentissaient dans la salle des cris: "C'est honteux". Il a quitté le box des accusés après avoir embrassé son fils Jean-Baptiste, 21 ans, et son frère Stéphane.
L'un de ses avocats, Me Antoine Sollacaro, a immédiatement annoncé l'intention de son client de se pourvoir en cassation, et d'aller s'il le faut jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme
(CEDH). Un autre, Me Gilles Simeoni, a dénoncé une condamnation "au nom de la raison d'Etat".
La veuve du préfet, Dominique Erignac, très émue, a en revanche estimé que "justice a été rendue", dans un court texte qu'elle a lu devant la presse, entourée de ses enfants Marie-Christophine et
Charles-Antoine.
Le visage tendu, Yvan Colonna a écouté le président Hervé Stephan, se tournant de temps à autre vers sa famille. Sa nouvelle épouse Stéphanie s'est mise à pleurer lorsqu'il a été déclaré coupable
de tous les faits qui lui sont reprochés, au terme d'un délibéré d'environ sept heures.
Le président a lu une motivation détaillée du verdict, déclarant Yvan Colonna coupable d'avoir participé à l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella où l'arme du crime avait été dérobée, en
septembre 1997, et à l'assassinat du préfet, le 6 février 1998 à Ajaccio.
"Yvan Colonna a tenu le rôle du tireur lors de l'assassinat", a jugé la cour dans ce texte très détaillé de quatre pages.
La cour a souligné qu'Yvan Colonna avait été mis en cause par plusieurs des six membres du commando condamnés en 2003, et par leurs épouses, lors de gardes à vue en 1999 et durant
l'instruction.
"Les membres du commando ont livré un récit précis, circonstancié et cohérent des faits", et leurs rétractations ont été "particulièrement tardives et laconiques", souligne-t-elle.
Les explications données par les membres du commando pour expliquer leur mise en cause initiale d'Yvan Colonna constituent des "revirements de dernière heure (...) manquant, à l'évidence, de
crédibilité", a-t-elle estimé.
Yvan Colonna a écopé de la même peine que deux des six membres du commando condamnés en 2003 comme coauteurs du crime, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Il échappe ainsi à la peine maximale
(avec les 22 ans de sûreté), mais toute condamnation à perpétuité est assortie d'une période de sûreté automatique de 18 ans.
Colonna, arrêté le 4 juillet 2003 au terme d'une cavale de quatre ans dans le maquis corse, a fait huit ans de détention provisoire. Il pourra donc commencer dans dix ans, en 2021, à faire des
demandes de libération conditionnelle ou de remise de peine.
Dans la matinée, avant que la cour se retire pour délibérer, il avait encore clamé son innocence : "J'ai jamais tué personne, j'ai jamais pensé tuer quelqu'un, j'ai jamais imaginé participer au
meurtre de quelqu'un".
Jugé depuis le 2 mai, Yvan Colonna avait déjà été condamné deux fois à perpétuité. Le verdict d'appel en 2009, alourdi d'une période de sûreté de 22 ans, a été annulé par la Cour de cassation
pour vice de forme.
Écrire commentaire