Après la rentrée politique de Femu a Corsica, samedi à Corte, Gilles Simeoni revient sur les orientations principales du mouvement. Il dénonce la "politique clientéliste" de l’exécutif et souhaite du prochain président français qu’il "s’engage pour une solution politique".
- Petit bilan de la première année à l’assemblée de Corse. La méthode a changé, des avancées apparaissent. Etes-vous satisfait ?
- Le bilan est nuancé. Certes, des avancées de principe ont été enregistrées sur des dossiers majeurs. Je pense notamment à trois revendications fondamentales, que nous avions mis au cœur
de notre campagne et de notre programme électoral. La question foncière, avec toute une série de mesures dont la pierre d’angle est le statut de résident, premier pas vers la notion plus large de
citoyenneté. La demande de transfert de la compétence fiscale en matière de droits immobiliers, avec, en filigrane, le maintien du régime dérogatoire issu des arrêtés Miot. Enfin, l’adoption
d’une feuille de route visant à l’instauration d’un statut d’officialisation de la langue corse. Ceci étant, nous restons mobilisés.
-Mais pour l'instant, rien d'officiel ?
En effet, concrètement, rien n’est acquis. Par volonté de pragmatisme, et dans le souci de rechercher le consensus le plus large, nous avons accepté le principe de démarches graduées. Mais nous n’accepterons pas que les décisions politiques entérinant ces avancées soient remises aux calendes grecques, ou fassent l’objet de réponses dilatoires. Voilà pour les aspects positifs. Pour les aspects négatifs, nous constatons qu’il y a un décalage abyssal entre les affirmations de la majorité territoriale actuelle, qui prétend engager la Corse dans la voie de la démocratie et du développement, et sa pratique politique concrète. Le système clientéliste, qui prospère sur l’absence de développement économique, est pesant et omniprésent : gestion partisane de l’emploi et de l’argent publics, chantage aux subventions et à l’emploi, opacité dans le fonctionnement du système politique : nous continuerons à nous opposer avec fermeté à ces dérives et nous appelons tous les Corses à les rejeter avec fermeté.
- Durant l’année écoulée, on a beaucoup évoqué la co-officialité de la langue corse ou la citoyenneté corse ? Croyez-vous vraiment que ces dossiers peuvent progresser avant 2014
?
- Ces dossiers ont avancé pour trois raisons. D’abord parce que les idées hier portées et défendues par les seuls nationalistes, font l’objet d’un large consensus au sein de la société corse
toute entière. C’est vrai en matière de langue corse, d’accès à la propriété et à la terre, de défense de notre environnement, de développement économique endogène et durable, et dans bien
d ‘autres domaines. Pour synthétiser, aucun Corse ne peut admettre que la Corse ne devienne, selon la formule de Michè Castellani, une sorte de territoire hybride mi-banlieue, mi-Saint-Tropez.
Ensuite, et de façon pragmatique, parce que ces avancées se sont également concrétisées en termes électoraux : 26% des voix pour Femu a Corsica aux élections territoriales, 10% pour Corsica
Libera, ceci uniquement sur un vote de conviction et d’espoir. C’est un poids extrêmement conséquent en terme de légitimité politique, et aussi une présence forte au sein de l’Assemblée. Enfin,
certains élus issus des forces politiques traditionnelles, à gauche et à droite, ont pris des positions courageuses et ont choisi d’avancer vers la recherche d’avancées significatives dans ces
domaines. C’est un signe d’espoir et ce sont des évolutions à renforcer. C’est d’ailleurs un des enjeux des mois à venir.
-Concernant ces 2 mesures, le risque d'anticonstitutionnalité est important ...
Oui, j'y venais. In fine, l’Etat aura aussi son mot à dire. Beaucoup de ces réformes impliquent des évolutions juridiques importantes, sans doute même constitutionnelles. Continuera-t-il à fermer la porte à toute évolution et, par conséquent, à alimenter la spirale de la tension et du conflit ? Ou au contraire choisira-t-il le chemin, que tout commande d’emprunter, du dialogue et d’une solution politique ? L’avenir proche nous le dira.
- Vous avez choisi d’appeler votre rentrée politique "Femu a festa". Vous trouvez la politique trop ennuyeuse ?
- La fête, pas totalement, car la Corse, particulièrement ces derniers mois, a été frappée par de trop nombreux drames, qui ont placé des familles, et quelquefois des régions entières dans le
deuil, le drame et l’incompréhension. Mais c’est vrai qu’au-delà de la politique, la démarche « Femu a Corsica » a créé un souffle, une dynamique d’espoir, qui fait se côtoyer des générations de
militants, des anciens aux plus jeunes, et qui fait qu’aujourd’hui, elle incarne sans doute une partie de cette Corse di fratellanza, di generosità, di speranza, que nous voulons contribuer à
construire. La politique, c’est aussi une part de rêve, que l’on cherche à transformer en réalité.
- C’est la première fois que le PNC et Inseme seront réunis. Est-ce une étape supplémentaire dans votre collaboration ?
-La démarche Femu a corsica a été voulue et créée par trois mouvements politiques : Inseme, le PNC et la Chjama qui ont fait le choix de créer un espace politique ouvert à l’ensemble des forces
vives de ce pays. Chacune de ces formations garde son identité, mais a conscience que l’importance des enjeux commande d’enraciner, de consolider, et d’élargir encore une démarche qui a su
convaincre plus d’un Corse sur quatre aux élections territoriales de mars 2010.
- Pendant l’été les nationalistes de Corsica Libera vous ont fait un appel du pied. Finalement, vous restez sur votre position des territoriales ?
- Notre ligne stratégique a en effet été fixée dès avant les élections territoriales. Elle est claire, et a été validée par nos électeurs. Nous pensons que ce pays a besoin d’une véritable
alternative. Nous souhaitons construire cette alternative, dans la clarté, la transparence, et la démocratie. C’est une proposition qui s’adresse bien sûr, et de façon naturelle, à Corsica
Libera, mais aussi, au-delà des nationalistes, à celles et ceux, à Droite comme à Gauche, qui sont prêts à rompre clairement avec un système à bout de souffle, qui conduit la Corse dans le mur.
La Corse que nous souhaitons ne peut pas se construire seulement avec les nationalistes. Nous devons fédérer l’ensemble des forces vives de ce pays, de l’île et de la diaspora, dans une dynamique
de progrès et de construction : c’est ce que nous appelons le passage du projet nationaliste au projet national.
- 2012 sera une année d’élection. Présenterez-vous des candidats aux législatives. Serez-vous candidat à titre personnel ?
- 2012 est avant tout une année d’élection présidentielle, laquelle est la clé de voute du système politique français. Le prochain Président, ou la prochaine Présidente, devra prendre en
compte ce qui, au-delà des sigles, des conjonctures électorales, des aléas de la vie militante, est un fait historique, culturel et politique incontournable: le peuple corse existe. Cette
existence doit être reconnue juridiquement et se traduire par un statut politique adapté, à l’instar de ce qui est déjà en œuvre dans d’autres pays ou régions européens. En ce qui concerne les
législatives, Femu a Corsica sera bien sûr présent. La désignation des candidats n’est pas encore fixée et le sera dans les semaines à venir.
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