C’est sur des airs d’opéra que le théâtre municipal de Bastia fêtera le 8 octobre le 30ème anniversaire de sa réouverture. Pour l’occasion, il a fait peau neuve et s’offre une belle affiche avec des artistes insulaires et internationaux sur fond de souvenir et d’émotion. Un désir de mémoire que nous explique Francis Riolacci, adjoint au maire, délégué à la Culture.
C’était en 1981. Le théâtre de Bastia renaissait de ses cendres au son de la Traviata de Verdi et sous la baguette de Robert Girolami, chef d’orchestre et enfant de la ville. Détruite en
1943 par les bombardements allemands, cette scène, créée en 1879 par M. Scala, était un haut lieu de l’art lyrique.
Trente ans après, c’est paré d’atours tout neufs que le théâtre, rénové pendant l’été, s’offre un époustouflant anniversaire avec au programme les grands airs qui ont fait sa réputation et donné
à Bastia son statut de cité lyrique. En première partie, des extraits de Carmen, le plus grand succès de Bizet, notamment le fameux Prélude et l’Air de Don José. Suivis
par l’Ouverture de La vie parisienne et deux extraits des contes d’Hoffmann, les deux livrets les plus joués d’Offenbach. Bien sûr du Mozart avec l’Ouverture des Noces de
Figaro et du Puccini avec deux airs de La Tosca. L’Intermezzo du Cavalleria Rusticana de Mascagni clôt ce premier opus. Le second est entièrement consacré à un hommage à un
compositeur cher à la ville : Giuseppe Verdi avec deux extraits du Nabbuco, l’Ouverture et Va Pensiero, le magnifique Chœur des Esclaves, suivis des Airs du
Rigoletto. Pour conclure, six extraits de La Traviata, l’opéra mémorable de la réouverture, symbole d’une renaissance si longtemps attendue.
« A l’occasion de cette réouverture, nous voulions une soirée d’émotion artistique et marquer le coup pour que ce concert soit un événement, qu’on s’en souvienne comme on se souvient de celui
de 1981, qu’il soit une étape importante de la vie du théâtre », explique Francis Riolacci.
Un désir de mémoire
Autre souvenir, autre symbole. C’est le même chef d’orchestre, Robert Girolami, qui officie encore trente ans après. Il dirigera le même orchestre Philarmonique National de Sibiu (Roumanie) et
ses 50 musiciens, accompagnés des 50 choristes de la même Chorale Corse-Joie et des mêmes Chœurs lyriques de Cremona, qui étaient, tous, à l’ouverture en 1981.
« Je suis très ému de revenir. C’est un retour et en même temps un recommencement car c’est un concert original. Une mémoire de ce théâtre sera représentée sur scène sous forme d’opéra
», renchérit Robert Girolami.
Souvenir toujours pour la soprano bastiaise, Michèle Canniccioni, tête d’affiche d’un plateau composé du ténor Florian Laconi, du baryton espagnol Javier Franco et d’Anne-Marie Grisoni.
« Je suis très heureuse de chanter dans ma ville. J’ai toujours très peur, mais c’est beaucoup d’émotion et de joie. C’est beaucoup plus difficile de chanter devant un public qui vous a connu enfant et qui ne me connait pas en tant qu’artiste. C’est une mise à nu», avoue la Soprano, qui va interpréter pour la première fois La Traviata. Les deux Bastiais ont travaillé à pied d’œuvre, tout l’été, pour préparer ce concert. La municipalité a consenti un effort financier à la hauteur de l’événement. Selon l’adjoint au maire, la volonté de la ville est manifeste et l’engouement du public incontestable. Le concert de cette soirée d’ouverture est pratiquement complet. Il ne reste que quelques places.
Francis Riolacci : « La programmation victime de son succès ».
- Qu’avez-vous rénové ?
- Nous avons rénové les 831 fauteuils, les moquettes, les tentures murales, effectué tout un ensemble de travaux d’amélioration intérieure sur tout ce qui touche au confort et à la sécurité. Par
exemple, les matériaux des moquettes ont été choisis en fonction de leur qualité acoustique, les fauteuils sont ignifugés, des diodes sur les marches permettent une meilleure orientation. La
rénovation était très attendue par le public. Je suis certain qu’il appréciera les choix faits.
- Quels seront les temps forts de la saison 2011-2012 ?
- Il y a beaucoup de moments importants. Nous avons programmé des pièces de théâtre : Colombe de Jean Anouilh avec Anny Duperey en novembre, Hamlet avec Philippe Torreton et Kramer contre Kramer
avec Frederic Diefenthal pour le seul mois de janvier, Tartuffe avec Claude Brasseur en mars, Henri IV avec Jean-François Balmer en mai. En musique et danse : le ballet argentin Che Malambo,
Piertragalla ou encore la comédie musicale Footloose.
- On reproche au théâtre sa politique d’abonnement qui fait que les non-abonnés ont du mal à voir un spectacle car toutes les places sont déjà prises ?
- La programmation municipale est un peu victime de son succès. Donc, cela nous oblige à réfléchir à un équilibrage différent de la saison. Mais il est faux de dire que le théâtre est toujours
plein, il a certes un taux de remplissage important. L’orchestre, qui compte 400 places environ, est très souvent complet. Mais en balcon, il reste toujours des sièges disponibles. Néanmoins, on
n’imagine pas un théâtre sans abonné. Mais on peut trouver des solutions.
- Quelles solutions ?
- Il faut savoir qu’une représentation coûte plus cher en Corse que sur le continent car les budgets sont grevés par des frais importants de transport et d’hébergement. Une troupe de théâtre, qui
vient jouer à Bastia, reste trois jours sur place contre deux jours maximum sur le continent où les frais de transport sont moindres. C’est la ville qui assume cette charge financière. Si nous
n’avions pas ces frais supplémentaires, nous pourrions multiplier les représentations. Il faut néanmoins réfléchir à la possibilité de doubler quelques spectacles dont nous savons qu’ils vont
être demandés par le public. Si nous arrivons à le faire, nous résoudrons le problème des pics d’affluence.
- A combien s’élève le budget de fonctionnement du théâtre ?
- Il s’élève à 1,2 million d’euros tout compris, dont la moitié est consacrée aux dépenses artistiques et 500 000 euros aux dépenses salariales concernant 15 à 20 emplois.
- Quelle est la part des recettes réalisée par la vente des billets et la part de subvention de la ville ?
- Les recettes propres du théâtre sont de l’ordre de 20 à 25 %, selon les années, le reste est assumé par la ville. C’est une charge financière importante, mais nous sommes ravis d’offrir ce
service au public.
- Le théâtre de Bastia postule pour devenir une scène nationale. Qu’est-ce que cela va changer ?
- Il va s’enrichir de nouvelles missions et de nouvelles capacités aussi bien artistiques que professionnelles. Aujourd’hui, il est essentiellement un lieu de diffusion. C’est déjà une bonne
chose puisque il permet aux Bastiais et à d’autres de venir apprécier le spectacle vivant, rencontrer des artistes et connaître des auteurs. C’est une mission importante, mais un théâtre au sens
plein est aussi un lieu de création d’œuvres avec des compagnies. Donc la labellisation de scène nationale va nous conduire à ces missions-là qui nous permettront de déployer de nouveaux atouts
pour la ville.
- Sera-ce de la création locale ?
- Locale ou d’autres horizons avec des créateurs qui viendront sur Bastia. Ce label va enrichir l’offre culturelle et ne se fera pas au détriment de la diffusion. Il y aura plus de
représentations. Nous pouvons d’autant mieux avancer sur ce chemin que nous possédons un outil qui a de grandes capacités : le théâtre compte non seulement la grande salle, mais aussi de nombreux
espaces qui peuvent être dévolus à ces missions nouvelles. Par exemple, la salle des Congrès peut être aménagée en deuxième salle de théâtre. Ce lieu pourra également développer d’autres
disciplines comme la danse et la musique. Nous appelons à la créativité des artistes.
- Quand serez-vous fixés ?
- Le label s’obtient à partir de la qualité du projet présenté et mis en œuvre. On ne labellise pas au préalable, on labellise après vérification. Nous avons reçu un à-priori favorable,
l’encouragement et le soutien des autorités qui peuvent y participer, notamment l’Assemblée régionale, opérateur incontournable, et l’Etat lors de la venue du ministre de la Culture. Nous sommes
sur la bonne voie.
Propos recueillis par N.M.
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