Le poids des ans ne semble pas avoir de prise sur Daniel Herrero. Le plus emblématique de nos rugbymen est toujours le même. Crinière blanche au vent, bandana rouge vissé sur le crâne, barbe rebelle, chemise à carreaux, aux couleurs « rouge et noir » du RC Toulon , jeans très « jun's », il débarque au festival du vent de Calvi.
Avec la franchise et la sensibilité qui le caractérise, l'ancien 3e ligne répond aux nombreuses sollicitations. On le retrouve dans plusieurs conférences programmées par Festiventu, aux micros de nos confrères, à la télévision...
La demande est si forte qu'il arrive a en oublier ses rendez-vous. Mais, tout s'arrange à l'heure de l'apéro, autour d'une bonne Pietra et d'un gobelet de cacahuètes.
Le temps de se remémorer quelques souvenirs, de demander des nouvelles d'amis communs, et c'est l'heure de répondre aux questions pour les lecteurs internautes de Corse Net Infos.
Avec Daniel Herrero, pas de langue de bois, que des vérités savamment dosées et de la tendresse pour ceux qu'il aime.
- Vous êtes devenu un fidèle du festival du vent
- Effectivement, je dois en être à 7 ou 8 participations. J'étais là pour le 10e anniversaire et il était donc logique d'y être pour le 20e. J'aime ce festival au sens que ça porte, aux gens qui l'impulse, le structure, l'anime. C'est un festival citoyen et convivial. J'ajouterais que c'est un joli et bon moment jamais anodin.
- La Corse vous est également familière
- Tout à fait, je suis venu plusieurs fois en tant que joueur ou entraîneur, en vacances, à festiventu... et j'y compte de vrais amis. Et puis, mon beau-frère Christian Cauvy est à Bastia XV.
- Sur quoi portait le débat que vous avez animé vendredi?
- Sur le sport : un levier pour le développement durable des territoires. Il y a 35 millions de personnes qui pratiquent une activité sportive, dont 17 millions sont licenciés. La pratique sportive contribue-t-elle au développement économique et social et à la valorisation d'un territoire ? Cette réflexion permettra de réorienter le sport pour le XXIe siècle vers une pratique durable. Avec Isabelle Autissier, marraine du festival et d'autres intervenants, nous avons longuement débattu sur le sujet.
- Votre sentiment sur la France à la dernière coupe du monde de rugby
- C'était une coupe du monde aventure, très étrange, pour les coquelets de l'équipe de France. Aventure très bouleversante. On a eu droit à un tour de chauffe piteux, rarement dans le bon. Des surprises colossales dans la gestion du groupe et dans la conception des hommes. Ils sont arrivés détendus avant d'être très vite tendus. Deux défaites en poule dont celle contre le Tonga qui va laisser des traces terribles. Piteux ou décadant, le jeu produit a été d'une grande faiblesse. Contre le Tonga ce fut le syndrome du fond du seau. Et malgré ça on passe. Certains comme le Samoa, l'Ecosse ou le Tonga sont restés au "frigo" alors qu'ils méritaient autant que nous d'y être.
- Et puis il y a eu cette seconde phase
- Les Anglais n'avaient pas grand chose à proposer. De ce fait ça nous a posé aucun problème. Avec plus d'expérience et de l'engagement ça suffisait. C'était bon sur le plan moral, inquiétant sur celui du rugby. On se retrouve en ½ tout ça grâce à une seule mi-temps. Ensuite on est retombé dans le piteux contre les Gallois. On gagne couvert d'anathèmes. Le monde entier nous a offensé. Ils ont été piteux mais ils ont gagné sans tricher. En fait dans ce match nous n'avons pas gagné, ce sont les Gallois qui ont perdu. Le rugby de France est retombé dans le seau. Le monde du rugby nous accable ».
- Et puis il y a eu cette finale
- On joue contre le meilleur du monde, chez lui, dans ses terres, devant un peuple qui attend ça depuis des lustres. Et pourtant, les Français vont produire une finale avec de la créativité, du volume, de la vaillance. C'était le meilleur des bleus et nous pouvions gagner. Sûrs d'eux, les Black se sont mis à douter. Avec la défaillance du buteur et la blessure de leur ouvreur, l'équipe s'est retrouvée envahie par l'angoisse.. Très vite elle s'étrique, elle manque tout. Les français blessés dans leur culture et offensés ont retrouvé leur rugby et on produit un jeu de qualité. Franchement ils méritaient de gagner car ils étaient les meilleurs. Cette sublime finale propulse notre rugby. L'honneur, l'histoire, tout est sauvé. Pour les spectateurs, la ½ finale nous accable. On leur laisse le ballon et on les laisse s'épuiser. C'est piteux, vilain mais recevable. Contre les Black on décide de garder la balle pour éviter l'asphyxie.
- Marc Lievremont?
- Sérieux, modeste, pas un grand flamboyant pour communiquer. Quand il a pris le groupe il est parti avec des intentions de volume de jeu. Au fil des ans celui-ci est devenu de plus en plus sobre jusqu'au moment de devenir pauvre.. On sait aussi que dans un groupe qui vit ensemble durant sept semaines, il y a un haut risque d'implosion. En communiquant plus de 24 heures avec les médias dans cette coupe du monde, il a exposé la vie de son groupe. Il a s'en doute été un peu marginalisé vers la fin. Ce qui est certain, c'est qu'il a beaucoup souffert de la pâture, de la curée.
- Son successeur?
« Je n'ai pas d'opinion. Ce qui est sûr, c'est qu'il prend une équipe qui est vice-championne du monde et qu'il faudra tenir le rang.
- Le RC Toulon?
« J'ai dit que je ne m'exprimerais plus dans les médias sur Toulon et je n'ai pas changé d'avis »
- Dans un de vos ouvrages vous aviez mis en garde des risques du professionnalisme dans le rugby. Votre sentiment aujourd'hui?
- Aujourd'hui avec le professionnalisme, les mentalités ont changé. Les valeurs fortes du rugby c'était sa morale, sa décence, son estime, son jeu de solidaire, du partage, du don du sacrifice, c'était un jeu de figures et peu de stars. Le professionnalisme a changé le monde, Sa mission était de passer une belle jeunesse. A l'époque on faisait un ou deux clubs, aujourd'hui on en fait sept ou huit. L'argent a transformé les mentalités. Mais cela étant, le rugby peut être encore beau et ceux qui le pratique sont bons ».
Propos recueillis par Jean-Paul LOTTIER
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Hervé Somnard (dimanche, 30 octobre 2011 09:34)
J'ai bien aimé, salut Daniel, à très bientôt j'espère tous les trois réunis à Calvi ou ailleurs autour d'une bonne table toujours portés par la passion du rubgy, la passion de l'aventure humaine... Amitiés. Hervé