Deuxième et dernier jour du procès des violences graves qui ont clôturé la manifestation du 4 avril 2009 à Bastia. Les dernières plaidoiries ont pris un tour plus politique et émis des doutes sur la réalité du préjudice subi par la totalité des 55 parties civiles qui réclament des dommages et intérêts, pas toujours justifiés. Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 6 décembre à 14 heures.
Mercredi matin, les avocats, qui achevaient les plaidoiries de la défense, ont replacé le procès sur un terrain plus politique, à peine effleuré hier par leurs confrères. Politique d’abord par le contexte qui entourait la manifestation du 4 avril 2009 avec les revendications fortes des jeunes prévenus qui protestaient contre les violences policières constatées lors d’une précédente manifestation de soutien à Yvan Colonna.
Le procès de l’enquête
Politique ensuite avec la visite éclair à Bastia, dès le lendemain des incidents, de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, qui s’était rendue au chevet des membres des forces de
l'ordre blessés.
Politique encore avec les propos de la ministre dénonçant la « lâcheté de ceux qui mettent en avant des jeunes dans les manifestations et la radicalisation de ceux qui se sentent en position de
faiblesse ». Fustigeant « des violences inadmissibles commises par une poignée d'individus dont le but est d'attaquer tous les symboles de l'Etat », la ministre avait, sans le nommer, montré du
doigt le mouvement nationaliste Corsica Libera, qui avait appelé à la manifestation.
Politique toujours avec l’enquête qui, selon Me Rosa Prosperi, « a été commandée par Michèle Alliot-Marie et n’a pas été menée comme elle doit être menée ». L’avocate de trois prévenus, également
membre de Corsica Libera, va souligner les divergences entre les descriptions faites par les policiers des casseurs qui les ont blessés et les jeunes assis sur le banc des accusés.
Politique enfin lors du procès lui-même où, de l’accusation à la défense, tout le monde louvoie entre justification et dédouanement. Au contraire de Me Gilles Simeoni qui plaidera uniquement sur
le droit ou de Me Lucien Felli qui contournera soigneusement la question, Me Rosa Prosperi s’aventure, elle, sur le terrain politique pour mieux l’exorciser. « Si la politique est rentrée dans le
prétoire par le biais de l’enquête, ce n’est pas de leur fait », dit-elle en montrant ses clients, « les conséquences pour eux seront lourdes ». Et d’insister : « Quand la politique rentre dans
le prétoire, la justice en sort ». L’absence de soutien nationaliste affiché aux prévenus et l’apparition furtive de deux leaders de Corsica Libera, dont Jean-Guy Talamoni, à l’audience hier
après-midi, renforcent l’impression de malaise politique autour de ces dramatiques évènements.
Des préjudices non prouvés
Me Prosperi a également et surtout mis en doute la réalité des blessures de certains membres des forces de l’ordre, du préjudice qu’ils estiment avoir subi et des dommages et intérêts réclamés en
conséquence. Elle montre que l’agent du Trésor ne fait état que de 17 blessés, alors que 55 personnes se sont constituées partie civile, dont 9 seulement possèdent un certificat médical. L’agent
du Trésor exige, par exemple, le remboursement de 35 000 euros de salaires versés à un policier qui, suite aux évènements, a bénéficié d’un arrêt de travail pendant un an. Or ce policier, dans sa
déposition faite le 6 avril, soit deux jours après les incidents, explique qu’il n’a subi aucun préjudice. L’avocate, qui plaide la relaxe, demande donc au tribunal que les parties civiles
apportent la preuve matérielle du préjudice subi.
La question est d’importance puisque elle sous-tend les montants des réparations financières qui pourraient être débattus en procédure civile si les prévenus sont condamnés.
Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 6 décembre à 14h.
Le 23 décembre, trois autres prévenus, mineurs au moment des faits, comparaîtront pour cette même affaire.
N. M.
Écrire commentaire