Le Président de l’Office des transports a rencontré les élus locaux lors du 3ème Congrès des maires de Haute Corse pour une séance d’explication de la problématique des transports insulaires. Elaboration d’une nouvelle DSP maritime, négociations avec Air France, mise en place d’une SEM pour les chemins de fer, nécessité de l’intermodalité, arrêt du projet autoroutier… Pour Corsenetinfos, Paul-Marie Bartoli revient sur les points chauds du secteur qui font l’actualité. Interview
- Qu’allez-vous faire après la décision judiciaire qui remet en cause la DSP maritime actuelle ?
- Cette décision peut être lourde de conséquences. Nous sommes en train de faire analyser le jugement par des juristes. Nous allons nous battre pour mettre sur pied une nouvelle architecture des
transports maritimes avec une nouvelle délégation de service public et de nouvelles obligations. Nous espérons le faire dans la sérénité et le consensus. Ce n’est pas évident, mais nous pouvons y
arriver. En matière de transport maritime, les Corses sont attachés au service public car, hors du service public, il n’y a point de salut. Aucun armateur au monde ne viendra se positionner sans
subvention, sur ces lignes pour assurer le service de manière fiable.
- Vous venez d’annoncer que le temps imparti ne sera pas suffisant.
- Le jugement stipule de mettre fin à l’amiable à l’actuelle DSP à partir du 1er septembre 2012. Nous pourrons y arriver. D’ici là, nous aurons produit un nouveau cahier des charges qui va
sous-tendre la nouvelle DSP. Il devrait être prêt au printemps mais, dans un souci de transparence, nous avons décidé de donner le temps à l’ensemble des compagnies, qui souhaiteraient se porter
candidate, de se préparer à répondre à ce nouveau cahier des charges. Nous ne ferons probablement pas l’économie d’une nouvelle convention transitoire avec les actuelles délégataires de service
public. Ceci, pour qu’il n’y ait pas de procédure sur le délai que nous aurions laissé aux candidats éventuels.
- Cette décision juridique, les débats sur la nouvelle DSP et l’accord d’entreprise pour prévenir la grève, annoncent-ils un nouvel avis de tempête sur les ports insulaires
?
- Je crois qu’un esprit de responsabilité va régner maintenant sur le personnel de l’ensemble des compagnies. Les directions aussi doivent être responsables et ne pas avoir une politique à
géométrie variable. Si chaque compagnie maritime, qui dessert la Corse, a un véritable projet d’entreprise, on peut éviter les conflits à répétition qui nuisent à la qualité de service et à
l’idée même de service public. Tous les acteurs en sont conscients et vont agir dans le même sens. Je ne fais pas preuve d’optimisme béat. Il y aura certes encore des soubresauts, mais nous
pouvons arriver à travailler avec un peu plus de sérénité.
- Vous n’excluez pas la possibilité d’une compagnie maritime corse ?
- Je n’exclus rien. Pour autant, on ne peut pas bâtir une compagnie régionale, surtout au niveau maritime, du soir au lendemain. On verra bien comment évoluera la société. Il n’est pas exclu que,
pendant le laps de temps de la nouvelle DSP qui durera probablement 12 ans, la CTC réfléchisse très sérieusement à l’idée de mettre sur pied une compagnie régionale pour mieux maîtriser les
transports maritimes. Sous réserve que cette compagnie régionale soit économiquement viable et financièrement possible et performante. Il n’est pas question de perdre de l’argent.
- Ce qui suppose des partenariats avec des sociétés privées ?
- Oui, comme la SEM que nous venons de mettre en place dans le ferroviaire avec la SNCF, ou celle avec Air France dans l’aérien. Mais la maîtrise appartient à la CTC. C’est dans l’intérêt de la
Corse d’avoir, aussi un jour, une compagnie régionale maritime. Ce n’est pas un sujet tabou.
- Comment se passent les négociations avec Air France dans l’aérien ?
- Elles se passent bien. Nous allons faire un bout de chemin, Air France aussi. C’est notre opérateur historique qui a un partenariat très fort, solide et loyal avec notre compagnie régionale.
Tout le monde conviendra qu’il est nécessaire d’aboutir à un accord dans le cadre de la DSP en cours. Ce que Air France ne fera pas, Air Corsica le fera. Nous trouverons une solution.
- Faut-il s’attendre à une hausse du prix du billet, notamment sur Paris ?
- Non, pas pour les résidents. Au contraire ! Nous ne voulons pas de hausse du tarif résident, je pense que nous allons trouver un accord là-dessus.
- Le congrès des maires vient de voter une motion de soutien au personnel d’Air France qui attend d’être titularisé. Le fort soutien des élus ne pèse-t-il pas sur les négociations en
cours ?
- Comme il appartient aux compagnies maritimes d’avoir un projet d’entreprise, il appartient à Air France d’avoir une gestion des ressources humaines qui soit beaucoup plus respectueuse du droit
du travail. Air France doit mesurer le chemin qu’il lui reste à parcourir à ce niveau-là pour trouver un terrain d’entente avec les organisations syndicales représentatives, mener une vraie
négociation et se projeter sur du long terme. On ne peut pas occulter l’aspect social, même s’il est vrai qu’il ne faut pas alourdir les coûts d’escale.
- Autre sujet brûlant, l’adoption de la SEM ferroviaire a été chahutée par une partie de l’opposition ?
- Le débat a été digne. Chacun a exprimé son point de vue. Il n’y a pas eu de vote contre le projet de la SEM que nous sommes en train de mettre en place. Les négociations avec les deux syndicats
représentatifs, le CTC et la CGT, se passent très bien, nous travaillons en confiance. Nous allons là aussi aboutir à un accord sur le statut social des salariés au début de l’année 2012.
- L’intermodalité, dont vous avez abondamment parlé aujourd’hui, est-elle réalisable ?
- C’est une nécessité. On ne peut pas travailler l’aérien, le maritime et le ferroviaire séparément. En tant que propriétaires des infrastructures portuaires et aéroportuaires et du réseau ferré,
nous avons l’impérieuse obligation de travailler l’intermodalité, les maillages entre les trois secteurs pour rendre notre politique de transport cohérente.
- Les maires vous ont interpellé sur l’autoroute Bastia-Bonifacio, arrêté brutalement à Vescovato. Le projet est-il définitivement enterré ?
- Si, pour l’instant, en l’état actuel des finances de la CTC, il est hasardeux de promettre la poursuite des travaux, ce dossier ne sera pas enterré ou abandonné, pour autant. Je ne sais pas à
quelle date les travaux pourront reprendre, mais les études vont se poursuivre. Les dossiers vont être finalisés. Cet axe routier doit aller jusqu’à Bonifacio, mais nous nous heurtons à un
problème de financement. Tant que ce problème n’est pas résolu, il est évident que nous ne pourrons pas mettre en œuvre ce projet qui est pourtant vital pour l’économie insulaire.
Propos recueillis par N.M.
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