La Société des sciences historiques et naturelles de la Corse organise son colloque annuel vendredi et samedi au conseil général de la Haute-Corse et à l'auditorium de la Citadelle de Bastia. Le thème retenu? "De l'historiographie de la Corse : sources anciennes revisitées et sources inédites". Un colloque préparé par Janine Serafini, conservateur honoraire du patrimoine et cheville ouvrière de la Société des sciences, en collaboration avec Damien Broc, doctorant en histoire du Moyen Âge à l'université de Corse. L'Enseignant au sein du Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (R.A.S.E.D.) de Balagne nous en dit un peu plus sur la manifestation
- Qu'est ce que l'historiographie ?
- L’historiographie est tout simplement la façon d’écrire l’histoire. Le colloque des 25 et 26 novembre prochains qu’organisent la Société des sciences et la Franciscorsa se donne précisément
pour objectif de réfléchir à la manière de traiter l’histoire de la Corse : de nouveaux gisements documentaires et de nouvelles approches des sources peuvent, en effet, considérablement enrichir
la vision que nous avons de notre passé.
- Est-ce que comme l'historiographie française l'historiographie corse a été affectée par la crise des années 1970?
- Les années 1970 en Corse ont été marquées par un vigoureux réveil culturel et identitaire. Deux innovations institutionnelles majeures en ont découlé. Elles ont stimulé comme jamais la
recherche scientifique en général et l’histoire en particulier. D’une part, l’ouverture de l’Université de Corse, en 1981, a permis de former pour la toute première fois dans l’île des chercheurs
en histoire. D’autre part, la Collectivité territoriale de Corse, issue des lois de décentralisation de 1982 et 1991, a été dotée de larges compétences, notamment dans le domaine culturel. Elle a
pu ainsi subventionner l’édition de nombreux ouvrages historiques - monographies locales, thèses, éditions de documents anciens, inventaires de sources - qui ont renouvelé profondément la
bibliographie corse.
- Quelles sont, s'il y en a, ses particularités ?
- Ecrire l’histoire de la Corse n’est pas chose aisée. Deux difficultés majeures se présentent. D’une part, pour les périodes antérieures à 1450, les sources documentaires sont particulièrement
maigres. Aussi la Corse du Moyen Âge central demeure-t-elle encore dans la pénombre. D’autre part, la majorité de la documentation concernant la Corse d’avant 1768 se trouve à Gênes. D’où un
problème d’accessibilité aux sources, lié au coût économique des déplacements dans la cité génoise. Fort heureusement, le Père André-Marie a pu microfilmer un million de documents génois,
aujourd’hui accessibles à tout un chacun à la Franciscorsa à Bastia.
Par ailleurs, les historiens ont progressivement changé de regard sur le passé de leur île. Pendant longtemps, l’histoire de la Corse a été essentiellement écrite sous l’angle des grands
événements politiques et des grands personnages. Mais, depuis une trentaine d’années environ, les historiens ont davantage porté leur attention sur l’économie, la société et la culture.
- Le colloque de la Société des Sciences annonce des sources anciennes revisitées et des sources inédites : vous pouvez nous en dire un peu plus?
- Ce colloque vise à ouvrir des perspectives nouvelles, de trois manières différentes. D’abord, certains contributeurs s’interrogeront sur la façon dont l’histoire de la Corse a été écrite et
traiteront, en particulier, du mauvais usage des sources : je pense ici à l’instrumentalisation de la documentation voire à sa falsification. D’autres intervenants donneront des interprétations
nouvelles de documents déjà connus. D’autres, enfin, mettront en lumière des gisements documentaires qui gagneraient à être exploités (archives familiales, livres de comptes génois, sources
judiciaires, notariales et consulaires etc.). Au total, nous aurons un colloque riche, diversifié, qui abordera de nombreuses périodes, de la Préhistoire au XXème siècle.
- Votre sentiment sur la Société des Sciences, alerte centenaire, qui continue ses activités de plus belle?
- La Société des sciences a fêté, en effet, son 130ème anniversaire en 2010. Elle a publié, à ce jour, 733 numéros et des milliers d’articles. Malgré cette longévité, les menaces planent
sur l’avenir : les jeunes générations montrent moins d’intérêt qu’autrefois pour les revues d’érudition. En outre, l’austérité budgétaire dans les collectivités locales a des répercussions sur
l’équilibre économique des associations telles que la nôtre. Dans ce contexte, la Société des sciences cherche à toucher un plus large public. Pour cela, elle a développé une nouvelle revue,
appelée "Corse d'hier et de demain", grâce au concours financier de l’Université de Corse. Cette publication permet aux doctorants et aux docteurs de l’Université de faire connaître leurs
recherches. Son format - plus grand que celui du Bulletin - et de riches illustrations rendent cette revue très attractive.
Le programme du colloque
Vendredi 25 novembre (Salle de réunion du Conseil général de Hte-Corse)
8h45- Allocutions d'ouverture par le Président du Conseil général de la Haute-Corse et par le Président de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse.
Modérateur : Francis Beretti
9h15 : La vallée de Regino préhistorique et protohistorique (Balagne, Haute-Corse), historique des recherches, relecture des sources et perspectives. (Jean Graziani)
9h40 : Les faux Delfini du XVe siècle ; notables ruraux et souci de noblesse à la fin du XVIIIe siècle. (A. Franzini)
10h05 : Tutte le robbe a Bastia del Magnifico Antonio Maria Chiavari, vicario generale della Corsica, redatte prima di morire (1589). !Aldo Agosto)
11 heures : Les Corses émigrés en Maremma, d'après les registres des notaires de Piombino (c. 1475 - c. 1525). (Damien Broc)
11h25 : Prêtres génois en Corse. L'exil des ecclésiastiques à l'époque moderne. (Elena Taddia)
11h50 : Chronique de Marc'Antoine Ceccaldi : la "pax" et la "concordia". (Antoine Marie Graziani)
Après-midi 25 (Salle de réunion du Conseil général de Hte-Corse)
Modérateur : Jean-Pierre Fontana
14h15 : A propos de la Corse et du Risorgimento : vulgate irrédentiste et instrumentalisation des sources. (Francis Pomponi)
14h40 : Retour sur l'historiographie corse et ses problèmes. Une œuvre inachevée : le corpus critique des sources. (Alain Venturini)
15h05 : Perspectives de recherche à partir des archives de l'Enregistrement. (Jean Christophe Liccia)
16h15 : Touranjon, archiviste de la Corse de 1891 à 1916. (Dominique Devaux)
Samedi 26 (Auditorium du musée de Bastia)
Modérateur : Victor Serafini
9 heures : Les pâles lumières d'un évêque de Sagone : la Corse, l'éducation, la foi dans la pensée de Pier Maria Giustiniani. (Eugène Gherardi)
9h25 : L'apport des archives privées à l'histoire politique : l'exemple de Louis Costa, « le notaire rouge ». (Vanessa Alberti)
9h50 : La “paume” de la discorde ; rhétorique du discours pamphlétaire : l' “Ajaccio” vendicata dall'accusa di cospirazione contro l'impero francese d'Alexandre Colonna d'Istria. (Christophe
Luzi)
11 heures : La Corse au XIVe siècle, vue par les sources aragonaises et la chronique de Giovanni della Grossa. (Philippe Colombani)
Mmes Evelyne Gabrielli, Vannina Marchi Van Cauwelaert et M. Antoine Laurent Serpentini, ne pouvant être présents, leurs communications : « Les comptes des fabbriche » (E. Gabrielli), «
Les sources judiciaires de la Banque de Saint-Georges » (V. Marchi) et « Archives notariales et archives consulaires à l'époque moderne: potentialités et utilisations » (A. L. Serpentini) seront
publiées dans les actes du colloque.
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