Lors de son assemblée générale, ce dimanche, à Corte, Inseme per a Corsica a présenté sa feuille de route pour 2012 et son ambition de construire un programme participatif de gouvernance en fédérant bien au delà de la sphère nationaliste et autonomiste. Condamnant globalement les dérives de la société corse tout en refusant de se laisser entraîner dans une polémique politique suite à la revendication mortifère du FLNC, le mouvement de Gilles Simeoni a réaffirmé haut et fort son « choix exclusif de l’action démocratique ».
Il y avait du monde, ce dimanche, à Corte pour l’assemblée générale d’Inseme per a Corsica.
Les militants s’étaient déplacés nombreux, de tous les coins de l’île, pour écouter les élus territoriaux de l’autre pilier de Femu a Corsica présenter le bilan d’un an d’action politique,
adopter une motion d’orientation générale et définir la feuille de route pour 2012.
Un rapport de forces obligé
Comme les conseillers territoriaux issus du PNC, dimanche dernier, les élus d’Inseme n’ont pas été tendres avec la Présidence Giaccobbi, accusée d’hégémonisme et de pratiques peu
démocratiques. « On a en face de nous un système qui verrouille tout, dont on connaît les pratiques et qui conduit la Corse à la ruine, un système prêt à s’allier avec n’importe qui
pour nous empêcher de faire notre travail. Dans les commissions, nous sommes parfois les seuls opposants », dénonce Hyacinthe Vanni.
Pour enfoncer le clou, à sa suite, et en langue corse, Mattea Lacave renchérit : « Les conditions de travail sont particulières. Nous sommes dans une gouvernance de type vertical où
l’exécutif propose et nous, on ne peut qu’approuver. Notre espace d’intervention est très étroit et limité. Nous faisons des pas en avant parce que nous nous battons et parce qu’ils ne peuvent
pas faire autrement que de travailler avec nous».
L’occasion pour Gilles Simeoni de rappeler la contribution déterminante de Femu a Corsica sur trois revendications historiques nationalistes, devenues les trois dossiers majeurs de la mandature :
le foncier, la co-officialité de la langue et le transfert de la compétence fiscale, premier pas du transfert de la compétence législative. Et d’en montrer les limites à des militants qui, comme
ceux du PNC, s’inquiètent de la non-concrétisation du travail effectué et d’une possible dérobade de la majorité territoriale au moment de la réponse finale : « Nous n’avons pas d’autre choix
que de peser par un rapport de forces politique sur la décision finale qui existe ». Le leader d’Inseme trace deux voies : s’assurer l’adhésion du peuple par la légitimité des urnes et
intensifier, au besoin, le combat militant.
Faire de la politique autrement
Pour capitaliser l’aspiration au changement issue du dernier scrutin territorial, la motion d’orientation générale, votée à l’unanimité, propose de construire un programme participatif de
gouvernance en allant à la rencontre de la population, en fédérant le plus largement possible toutes les bonnes volontés, quelque soit leur couleur politique, et en définissant ensemble un choix
de société. Gilles Simeoni définit une feuille de route claire : s’appuyer sur la démarche de Femu a Corsica, l’élargir et la renforcer, proposer une plateforme stratégique large aux autres
nationalistes et aux forces de progrès à condition « qu’elles aient rompu clairement avec le système claniste et clientéliste ».
Une façon, selon Jean Giambelli, de « faire de la politique autrement » en opposant « à la haine et aux logiques mortifères », la raison et l’espoir. « Nous avons le devoir et la
responsabilité politique et morale d’offrir d’autres perspectives à notre jeunesse. Les échéances prochaines sont importantes, même capitales. Après, il sera peut-être trop tard ».
L’objectif est donc de « passer du nationalisme au national », c’est-à dire de dépasser le cadre étroit d’une famille politique pour « construire une nation ». Pour cela, une
nécessité clairement affichée : gagner les prochaines élections territoriales : « La prise de responsabilité en 2014 n’est pas un objectif, c’est un devoir assumé », assène Jean-Félix
Acquaviva. Assurant les militants de la victoire en 2014, le leader d’Inseme insiste, ensuite, sur le fait que cette victoire ne sera possible que si les Nationalistes sont capables de susciter «
un mouvement large, puissant, qui aura su mobiliser autour d’un projet national ».
Des motifs d’espoir et d’inquiétude
Cependant, le chemin reste long et semé d’embûches. Rien n’est acquis. Et Gilles Simeoni va s’attacher à l’expliquer aux militants. Listant, tour à tour, les motifs d’espoir et d’inquiétude, il
va clairement affirmer que « Nous n’avons rien gagné. Si demain, nous arrêtions de nous battre, de chercher à convaincre le plus grand nombre, les mécaniques infernales sont toujours là. Nous
sommes obligés d’être des sentinelles vigilantes ».
S’en prenant à l’Etat et au « caractère inamendable du système claniste », qui, selon lui, opposent un refus total à toute avancée politique sur la Corse, le leader nationaliste, très
applaudi, se fait virulent : « L’Etat nous combat pied à pied. L’Etat manœuvre. L’Etat divise. L’Etat endort. C’est une politique de fond, quelques soient les gouvernements et les ministres.
La constante de la politique de l’Etat est de nier la volonté de changement du peuple ».
Remarquant qu’aucun candidat à l’élection présidentielle ne parle de la Corse, ne dit « pas un mot sur rien », il réaffirme l’intention des Nationalistes d’interpeller les
présidentiables sur deux piliers essentielles : le transfert du pouvoir législatif et la reconnaissance juridique du peuple corse.
Une situation tragique
Enfin, ne pouvant faire l’impasse sur les évènements tragiques de ces dernières semaines, Gilles Simeoni va longuement commenter les inquiétantes dérives de la société corse. Revenant sur la
spirale infernale des assassinats, il va expliquer le silence de sa formation politique suite à la revendication d’un meurtre par le FLNC, à la fois par une prudence responsable « Nous nous
sommes gardés de toute déclaration tapageuse. Les mots ont un sens et un poids, particulièrement dans cette société ». Et par des choix politiques clairement définis dès le départ : «
Nous avons fait le choix de l’action démocratique, un choix éthique et politique, dicté par ce qu’est aujourd’hui notre société. Nous voulons pour ce pays un chemin de paix. Nous le montrons
dans notre comportement, dans notre pratique politique, au quotidien ».
Répondant à sa mise en cause directe par certains de ces adversaires politiques, Gilles Simeoni n’admet pas « nous faire donner des leçons par des gens qui ont de la violence une lecture
sélective. Pour ces personnes, il y a des morts acceptables et d’autres qui ne le sont pas. Nous ne choisissons pas entre les drames, ni entre les morts ». Pas plus qu’il admet « se
faire délivrer des brevets de démocratie par des représentants de l’Etat, adossés à deux siècles de violence d’Etat ». Et l’élu nationaliste de rappeler les hauts faits d’armes de l’Etat en
Corse et de suggérer au préfet Strodza qui appelait récemment chaque Corse à faire son examen de conscience : « Nous y sommes prêts. Nous l’avons fait. Mais les examens de conscience ne sont
pas seulement pour les indigènes, mais valent aussi pour les préfets et pour l’Etat ! ».
N. M.
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