Bastia vient de se voir renouveler le prestigieux label de Ville d’art et d’histoire, décroché en 2000. Ce label récompense la politique de valorisation et de sensibilisation du potentiel historique et culturel, mise en œuvre par la Direction du Patrimoine depuis plus d’une décennie. Partie de rien, Bastia fait, aujourd’hui, figure de modèle à suivre. Explications de Jean-Baptiste Raffali, Délégué au Patrimoine, Michel-Edouard Nigaglioni, Directeur du Patrimoine, et Caroline Michel, Animatrice de l’architecture et du patrimoine, qui, avec passion et détermination, travaillent à rendre à l’ancienne capitale de la Corse la place patrimoniale qui lui revient.
Obtenir le label de Ville d’art et d’histoire n’est déjà pas chose aisée. Seules 130 villes françaises peuvent s’en enorgueillir. Le conserver n’est pas acquis. Il faut repasser l’examen tous les
dix ans, prouver la constance de l’effort accompli. Mais faire figure de modèle, d’exemple à suivre, non seulement en Corse, mais sur le continent et même en Europe, est une performance d’autant
plus appréciable que le patrimoine, à Bastia, est une affaire récente.
Un potentiel inexploré
Son histoire ne commence qu’en 1989, au moment où, de simple composant des affaires culturelles, il devient une délégation propre. En 1997, une Direction est mise en place avec Fernande
Maestracci, comme directrice. Pendant trois ans, celle-ci constitue le dossier de classement de Bastia aux Villes d’art et d’histoire et arrache le label.
« On s’est aperçu que le patrimoine ne consistait pas seulement à donner un coup de badigeon à la chaux aux églises ou à restaurer l’orgue au coup par coup. Bastia, cité baroque, foisonne
d’éléments intéressants. Elle compte 30 ou 40 clochers, c’est une concentration presque exceptionnelle pour une ville de 40 000 habitants. Il a fallu d’abord inventorier, commencer à sauvegarder,
puis mettre en place un programme de rénovation et de restauration selon le besoin, l’urgence ou la valeur de l’élément à sauver, et enfin faire de la diffusion, de la communication, des
expositions et des publications » explique Jean-Baptiste Raffali, délégué au Patrimoine.
La manne européenne
Sous la houlette du nouveau directeur, Michel-Edouard Nigaglioni, Bastia bénéficie d’une manne financière inespérée, originale et exceptionnelle.
Classée Objectif 1 du programme européen URBAN, la ville réussit à faire financer par le FEDER (Fonds européen de développement régional) des opérations patrimoniales, des restaurations d’églises
et même d’œuvres d’art en argumentant que le patrimoine n’est pas seulement un élément de décor, mais un élément majeur de développement touristique, économique, social et culturel, urbain.
Faisant valoir que restaurer une église ou un immeuble, aider à la rénovation du patrimoine bâti privé, des façades ou des cages d’escaliers génère des retombées aussi bien économiques que
sociales et culturelles importantes, des commerces, de la mixité sociale, du développement du centre ancien et de l’amélioration des abords, Bastia est la seule ville du programme européen à
obtenir ces fonds pour financer des projets patrimoniaux. Les villes italiennes ne les ont pas obtenus, l’Europe a refusé. « Les autres villes ont réussi à faire financer des autoroutes de
désenclavement ou des centres culturels dans des quartiers défavorisés. Nous avons démontré que nos quartiers défavorisés étaient le centre ancien, qu’il fallait y développer de la culture, de
l’économie et du social à l’aide du patrimoine », précise Caroline Michel, animatrice de l’architecture et du patrimoine.
Un conseil omniprésent
La restauration de l’église Saint-Jean Baptiste, la transformation du couvent San Angelo en Maison des associations et la restauration de la façade de la cathédrale Sainte Marie sont financées
jusqu’à 50 % par l’Europe.
A partir de là, le patrimoine devient omniprésent dans la politique de la ville qui, consciente qu’il représente son image de marque, demande un conseil patrimonial sur l’ensemble des opérations
qu’elle mène.
« Toute opération à Bastia, que ce soit de renouvellement urbain ou la construction d’un parking, a toujours cette visée patrimoniale. C’est pour cela que nous avons une implication avec tous
les services de la ville, même avec les affaires scolaires pour faire de la médiation. Nous sommes en permanence consultés. Par exemple, nous faisons partie de la commission d’amélioration de
l’habitat, nous donnons notre avis sur des couleurs de façade, sur la conservation, sur l’attribution de subventions à un syndic qui refait un immeuble », poursuit Caroline Michel.
Le chef de file de Chorus
Les pays européens se montrent intéressés par cette expérience inédite, innovante et l’utilisation faite de l’argent reçu.
En 2006, Bastia devient chef de file d’un programme européen : CHORUS, qui a pour objectif la régénération physique du tissu urbain autour du patrimoine culturel. Elle explique sa démarche au
sein du programme URBACT. Ce réseau européen de 14 villes, comprenant notamment Tolède, Naples, Cracovie et Belfast, échange des expériences sur la thématique du patrimoine culturel comme outil
de développement des centres anciens.
« Précurseur au niveau patrimonial avec le patrimoine omniprésent dans la politique de la ville, précurseur au niveau régional en étant la première ville corse à être membre d’un réseau
national de ville d’art et d’histoire, Bastia devient une icône internationale », se réjouit Caroline Michel.
Une ville à découvrir
Et ce travail porte ses fruits. Le regard du public et des touristes sur la ville change. « C’était une ville qui ne savait pas qu’elle était belle et intéressante, on la voyait comme une
ville de travail, industrieuse, un port et un aéroport. Le touriste arrivait et filait dans des villes reconnues comme Bonifacio ou Calvi » raconte Marc-Edouard Nigaglioni, Directeur du
patrimoine.
Bastia doit donc se forger une image de ville patrimoniale, rappeler qu’au 17ème et 18ème siècle, elle était une capitale. C’est pour cela qu’elle compte tant d’églises, un palais des
gouverneurs, des maisons de notables avec des bibliothèques imposantes, etc. « Il a fallu l’expliquer aux Bastiais. Jusqu’à la création de la Direction du patrimoine, ils rentraient dans une
église et la trouvaient jolie. De quand datait-elle ? Le beau tableau, la belle statue, qui en était l’auteur ? A quelle époque ? On ne savait pas. Il a fallu, pendant ces dix ans, éplucher les
archives, documenter, sortir les dépliants, les catalogues et les guides », se remémore Marc-Edouard Nigaglioni.
Aujourd’hui, le pari commence à être gagné. Les touristes ont de plus en plus tendance à réserver leur dernier jour ou leurs deux derniers jours de vacances pour visiter Bastia avant de prendre
le bateau, ce qui n’était pas le cas avant. L’intérêt prend de l’ampleur, servi par les évènements. Le Tour de France cycliste, qui passe par Bastia, point de départ de la deuxième étape, devrait
donner à la ville et à son patrimoine une vitrine mondiale.
N. M.
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aiaccinu (lundi, 12 décembre 2011 08:38)
très bel article des toques de photos et le label pour Ajaccio c'est pour quand?