Canal+ a annoncé jeudi le lancement d'une nouvelle production pour la télévision, Les anonymes - Un' pienghjite micca (ne pleurez pas en corse) de Pierre Schoeller, une fiction sur les membres du commando condamnés pour l'assassinat du préfet Erignac, tournée à partir de fin janvier en Corse et à Paris.
Nouveau téléfilm, sujet à débats en perspective, pour Canal+. La chaîne cryptée vient d’annoncer le tournage de la fiction Les Anonymes - ùn’ pienghjite micca. Du 23 janvier au 7 mars,
les équipes de Scarlett Production seront sur l’Île de Beauté pour tourner l’une des fictions françaises événements de 2013.
Sur le papier, ce film de 120 minutes racontera l’histoire du groupe dit des « Anonymes », qui a été condamné pour l’assassinat du préfet Erignac le 6 février 1998 à Ajaccio. Basé sur
« des faits avérés, recoupés par différentes sources », la fiction reviendra en particulier sur « les arrestations, aveux, rétractations, les 96 heures de garde à vue
au sein de la DNAT (Direction nationale de l’antiterrorisme) et l’instruction judiciaire des protagonistes »
Dans son communiqué, Canal+ a tenu à ajouter que « Ce film n’a pas lieu de prendre
position sur un processus judiciaire aujourd’hui encore inachevé. De même qu’il ne saurait lever toutes les zones d’ombre qui entourent ces événements ».
Le film, qui sera tourné du 23 janvier au 7 mars en langue corse et en français et diffusé en 2013 sur Canal+ « aura valeur de témoignage Il aura valeur de témoignage sur une vérité
parcellaire et bouleversante », a ajouté la chaîne.
Didier Ferrari, Jean-Philippe Ricci, Nathanaël Maïni, Cyril Lecomte, Karole Rocher, Mathieu Amalric et Olivier Gourmet figurent au casting du film Les Anonymes - Un' pienghjite micca.
Le réalisateur Pierre Schoeller a réalisé récemment L'exercice de l'Etat avec Olivier Gourmet, présenté dans la sélection Un Certain Regard au festival de Cannes et sorti en salles en octobre dernier, qui suit un ministre pris dans le tourbillon du pouvoir.
Une question orale à l'assemblée de Corse
La perspective de ce tournage avait amené, lors d'une récente session de l'assemblée de Corse, Christine Colonna a interpeller lors des questions orales Paul Giacobbi en ces termes.
Voici le texte de cette question telle qu'elle avait été posée au président du conseil exécutif :
Réécrire l’histoire…
"A chaque fois il y aura polémique. A chaque fois il y aura les pour et les contre, les enthousiastes et les mécontents, les puristes de la liberté d’expression et de création
cinématographiques et les autres, éternels paranoïaques incapables de s’auto analyser collectivement. Nous donc.
Il y a eu le « long dimanche de fiançailles » « le prophète », « mafiosa »…. il s’agissait là finalement de pures fictions, adaptations innocentes pour les concepteurs et réalisateurs, vision
orientée prenant le chemin de la stigmatisation pour d’autres.
On écrit tout de même depuis quelque temps l’histoire à notre place …
Quand la prétendue fiction s’attaque aux faits réels, en effet, à cette histoire que nous avons vécue tous ici de plus ou moins près, les choses sont définitivement différentes et nous
avons, aussi, au sein de cette assemblée notre mot à dire.
Si la très mal nommée « affaire des paillottes » n’est circonscrite qu’à l’idée simpliste d’un préfet, successeur d’un précèdent assassiné, qui perd ses repères républicains et moraux au
point de se commettre dans un incendie de paillotte c’est au mieux, une erreur de perception, au pire un mensonge au regard de notre histoire collective. Ou encore une volonté politique
sournoise. Faire l’impasse, pour un sujet pareil, sur le contexte politique de l’époque et sur la réalité des faits n’est pas acceptable au seul argument de la liberté de créer… la prestation
magnifique de C.Mallavoy n’y pourra rien changer et je ne veux même pas parler ici de la caricature dénoncée par beaucoup, des personnages qui entourent le « héros tragique » du film.
Qui accepte de nier l’évidence d’une affaire d’Etat visant, après l’assassinat d’un de ses plus hauts représentants en corse, à rétablir l’ordre par tous les moyens dans cette île prend
une décision artistique lourde de sens au regard de l’Histoire. Le préfet B. Bonnet n’est pas un homme qui a « perdu la tête », il était en mission. L’ « homme qu’il fallait là où il
fallait » a échoué et les donneurs d’ordre l’ont abandonné à sa propre caricature. Une fiction qui occulte cet aspect des choses ne dit pas la vérité et en écrit une tronquée, à l’inverse
de ce qui est souhaité si l’on veut bien s’engager sur des chemins de paix…
Une autre fiction fera parler d’elle bientôt, celle produite par canal+ intitulée « les anonymes ». Notre collectivité participe à son financement et c’est donc à double titre que je
m’exprimerai sur le sujet. Cette histoire là n’est tout d’abord pas finie : il y a une procédure toujours en cours un dossier à l’examen pour la seconde fois, devant la Cour de Cassation,
éventuellement un prochain procès ou alors dans 2 ou 3 ans, un recours examiné par la Cour Européenne.
Autant dire, là aussi, qu’une fiction réduite à l’intensité dramatique qui a pu surgir entre les protagonistes de l’affaire lors de leur garde à vue, une fiction écrite sur la seule base des
procès verbaux de police est trop réductrice pour être honnête… et vous comprendrez qu’elle est inappropriée au regard non seulement de l’histoire mais aussi de la procédure en cours contre un
homme qui affirme être innocent et qui l’est toujours à ce stade, au regard de la loi.
Les amateurs de cinéma pourront rêver de « fictions politiques » à la Costa Gavras, Oliver Stone ou Ken Loach ou aux films italiens de la grande époque, genre « Cadavres Exquis » …
L’histoire de la Corse mérite en tout les cas ce niveau d’approche cinématographique car elle s’est écrite politiquement tout au long de ces années et non pas au travers de parcours
individuels sortis de nulle part, aux vagues ressorts dramatiques.
Cela n’a pas trompé le dernier réalisateur pressenti pour la réalisation des « anonymes », Eric Zonca, qui s’est finalement retiré du projet.
Une approche partiale, hors contexte, des évènements, est suspecte et dangereuse car elle banalise des faits qui ont en réalité une toute autre portée : quid des rapports
conflictuels depuis 40 ans entre la Corse et la France ? quid des affaires d’Etat qui ont jalonné notre histoire récente ? … quid des juridictions d’exceptions ? On ne peut pas faire comme
si tout cela n’avait pas existé…
Rappelez-vous que si des voix ne s’étaient pas élevées, la CORSE n’aurait jamais figuré dans les livres d’histoire comme le 1er département français libéré lors de la guerre
39-45…
Alors soyons vigilants. Nous pensons que les « évènements » de ces 40 dernières années sont en train d’être réécrits de manière à les rendre anecdotiques avec l’objectif très clair
dédouaner l’Etat français de ses responsabilités.
De ce côté ci, du coté de la Corse, nous avons fait collectivement le travail de remise en question et nous devons veiller à ne pas nous laisser déposséder de cette histoire qui est la
nôtre."
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Carlos Laguinda (vendredi, 13 janvier 2012 06:01)
J'ai hâte de voir pour me faire une idée, pour ce film. Il se peut que ce soit un bon film, mais on nous a habitué à tant de navets, dès lors que cela tourne autour de la Corse, que l'on ne sait plus à quel saint se vouer.
Ceci dit, je le verrais avec beaucoup de curiosité.
U Palatinu (vendredi, 13 janvier 2012 18:37)
Je pense que le film sera à voir, qu'il soit bon ou mauvais.
Après tout, il est toujours très intéressant de voir comment les histoires vraies, en l'occurence, l'Histoire, est adaptée dans les oeuvres cinématographiques. Surtout lorsqu'il s'agit d'histoires non encore totalement élucidées (saura-t-on un jour toute la vérité ? Je me le demande).
U Palatinu (vendredi, 13 janvier 2012 18:57)
Bon...
Maintenant qu'il y a deux avis positifs (dont le mien, je ne m'en dédouane pas), nous attendons au moins un avis négatif, histoire de faire contrepoids et de susciter le débat.
Cocolitoferidea (samedi, 14 janvier 2012 14:55)
De toutes manières, et c'est triste pour le réalisateur du film, un tel sujet aussi polémique nécessite un traitement qui risque de fâcher aussi bien l'une ou l'autre des parties prenantes, que ce soit les partisans de la théorie de l'innocence et ceux de la théorie de la culpabilité.
Ce sera un véritable travail d'équilibriste qui attend le réalisateur.
Carlos Laguinda (dimanche, 15 janvier 2012 16:07)
C'est sûr, chère Cocolitò que tous les nostalgiques de la CFR auront leurs attente, et les nationalistes (ou même simplement "corsistes") auront les leurs, et qu'il sera difficile de contenter tout le monde.
J G (dimanche, 22 janvier 2012 06:25)
un drame encore trop douloureux pour être interprété à la légère . la CTC à mon humble avis fait preuve de trop de légèreté en le subventionnant .
michèle casalta (mercredi, 25 janvier 2012 13:27)
La question orale de Christine Colonna à L'Assemblée de Corse, dresse un constat pertinent et désespérant à la fois. Quand cesserons-nous de donner le bâton pour nous faire battre, et même de financer le cinéma des "artistes" du pouvoir? Caution cinématographique l'excellent Pierre Schoëller (inconscient ou trop bien payé?). Scénario de Pierre-Erwan Guillaume (mercenaire de l'écriture tv) et Eric Pelletier (journaliste à l'Express) dont les articles et chroniques sur les différents procès ressemblaient à un mixage entre les dépêches de l'AFP (la voix de son maître)et les réquisitoires des avocats généraux.
Un pienghjite micca! si le film sent la daube...
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