Le deuxième jour du procès d'assises concernant l'assassinat d'Ange Albertini à Biguglia, le 23 mars 1999, a poursuivi l'audition des témoins et des experts. La question essentielle, qui a agité les débats, fut de déterminer si le prévenu Pierre Philippe Donsimoni a tiré le coup mortel. Les experts ne concluent pas. Le Président Macoin a provoqué la surprise en demandant aux enfants de la victime leur sentiment sur la culpabilité du prévenu.
Qui a tiré le coup de feu mortel qui a coûté la vie à Ange Albertini, le 23 mars 1999, dans le restaurant La Paëlla à Biguglia ? Est-ce, comme le prétend l'accusation, Pierre-Philippe Donsimoni
qui, lui, nie toute implication dans ces tirs, expliquant que l'arme lui a été fournie, après les faits, par Constant Guagnini ? Ce dernier, récusant avoir possédé l'arme, a été mis hors de cause
par la reconstitution, vue sa petite taille qui ne correspondait pas à celle du tireur, évaluée par les témoins directs du drame. L'ordonnance de son non-lieu a été prononcée à titre posthume en
2010.
Une arme encore « chaude »
Une certitude : l'arme saisie, le 9 avril 1999 à 22h30, dans les mains du prévenu, pris en flagrant délit de hold-up du bar L'Olmu à Migliacciaro, est bien celle qui a tiré les deux coups
mortels. Dans le barillet, se trouvent les deux douilles percutées qui correspondent aux balles retrouvées dans le corps de la victime et quatre balles enrayées. Le prévenu déclare que le
pistolet est dans l'état où Constant Guagnini lui a remis en lui certifiant que l'arme n'était pas « chaude », c'est-à-dire qu'elle n'avait pas servi. Interrogé sur le fait qu'il n'ait
pas nettoyé l'arme, le prévenu répond : « Je n'avais pas l'intention de faire du mal, la preuve est que j'ai été interpellé sans un coup de feu».
Des traces de poudre
L'autre question, qui fait débat, concerne neuf particules de poudre prélevées sur la cagoule blanche portée par le prévenu au moment de son interpellation. Celui-ci affirme que ces traces sont
dues au fait qu'il a essuyé son pistolet avec la cagoule et l'a enveloppé à l'intérieur. Selon un des experts, les deux hypothèses sont valables : la cagoule a autant pu être contaminée par
l'utilisation de l'arme à feu que par l'opération décrite par le prévenu. Toute arme à feu, ayant été testée avant sa mise en vente, est forcément polluée par des particules de poudre même si
aucun autre tir n’est effectué.
Si l'absence de particules sur le sweat et les chaussures dont était revêtu le prévenu lors de son arrestation est un bon point pour la défense, elle ne l'exonère pas pour autant. Selon l'expert,
la mauvaise conservation des vêtements pouvant en être cause. D'autant que Jean-Louis Pietri, compagnon d'enfance et de braquage de Pierre-Philippe Donsimoni, soutient avoir vu deux armes à feu
dans la maison de celui-ci quelques temps avant le drame, possession contestée par le prévenu.
Des rumeurs troublantes
L'audition de Jean-Louis Pietri, un temps entendu dans cette affaire, a jeté un trouble dans les débats. Des rumeurs sur une suspicion de racket dont aurait été victime Ange Albertini accusent le
témoin et introduisent un doute qui profite à l'accusé.
Ces rumeurs, transmises au juge par la famille de la victime, pourraient expliquer les délais de l'instruction. " L'explication de ce délai est simple. La justice a tâtonné et a douté. Les
charges ne sont pas aussi accablantes qu'on voudrait nous le faire croire. Trois juges d'instruction se sont succédé. Il y a eu discussion et renvoi ", estime l'avocat de la défense, Me
Jean-Sébastien De Casalta.
Ces rumeurs désignant un autre coupable sont du pain béni pour la défense, qui ne se prive pas d'exploiter le filon et d’insuffler aux jurés l’idée que le meurtrier n’est peut-être pas celui
qu’on leur demande de juger. Pour la partie civile, Me Angeline Tomasi parle "d'un magma de ragots et de rumeurs".
Une étrange question
Le président Macoin demande alors, un peu étrangement et à mots couverts, aux deux enfants de la victime leur sentiment sur ces rumeurs et ce qu'ils attendent de ce procès. Le fils, Gilles,
témoin du meurtre de son père, saisi par la question, bredouille « la justice » et son incompréhension.
Peu satisfait de ce mot de « justice », là où il attendait visiblement le mot « vérité », le président insiste et insiste encore, rejoignant, dans son insistance, ses magistrats
instructeurs et leurs longues hésitations. Après un moment de flottement, la réponse de Julie Albertini survient claire et forte : " ça fait douze ans, on n'en pleut plus. Nous voulons que
justice soit faite. Nous ne dénonçons personne. Mais il y a des choses difficiles à entendre. Il y a eu un mort. Mon père n'est pas monté au ciel tout seul".
A la suspension de séance suivante, dans les couloirs glacés, ouverts à tous les vents du Palais de Justice, la famille de la victime, abasourdie, s’interroge : « Est-ce normal que
leprésident de la Cour d’assises pose une telle question ? ».
Un incident, en fin d'audience, oppose le procureur Francis Battut à l'autre avocat de la défense, Me Jean-Louis Seatelli. Malgré la bonne volonté du président Macoin de calmer le jeu, les
échanges s’enveniment.
Les débats se poursuivront, ce mercredi, avec l'examen de la culpabilité de l'accusé dans les deux tentatives de braquage commis les 6 et 10 mars 1999 contre deux bars : Le Saint-Michel à Borgo
et l'Affacada à Prunelli-di-Fium'orbu et par les plaidoiries des parties civiles.
N. M.
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