C'est un drame familial sur fond de violences conjugales, de drogue et d'alcool qui est jugé, depuis ce mercredi matin, à la Cour d'assises de Bastia. Le 1er février 2009 à Lupino, Ange-Gabriel Lekikot est tué d'une balle en pleine tête par sa belle-mère. Accusée de crime avec préméditation, Marie-Ange Luigi risque la perpétuité. Le procès durera trois jours.
Pourquoi Marie-Ange Luigi a-t-elle tué son beau-fils, Ange Gabriel Lekikot, d'une balle en pleine bouche le 1er février 2009 ? Pourquoi cette mère de famille, considérée comme exemplaire et non
violente, a-t-elle commis ce geste mortel ? C'est la question à laquelle devront répondre les six jurés de la Cour d'assises de Bastia, présidée par Philippe Hoareau, après trois jours de
débats.
Retour sur les faits
Le 1er février 2009, Ange Gabriel Lekikot est retrouvé, par sa mère, mort sur son canapé, une balle en pleine bouche. Ne constatant aucune effraction, la police cible l'entourage et conclut, le
soir même, à la culpabilité de sa belle-mère, Marie-Ange Luigi, un témoin l'ayant croisé dans l'escalier menant à l'appartement de la victime au moment des faits. La douille de la balle mortelle
a, ensuite, été retrouvée dans la voiture de la prévenue.
L'enquête établit que, le jour du drame, Marie-Ange Luigi se rend dans l'appartement de la victime, très inquiète pour sa fille qu'elle veut protéger d'une relation qu'elle juge dangereuse. La
discussion dégénère rapidement avec Ange-Gabriel Lekikot, qui se moque de l'handicap de la prévenue et l'humilie. Celle-ci retourne chez elle, prend un fusil de chasse, revient dans l'appartement
et finit par tirer sur la victime, qui, un peu plus tard, meurt d'une hémorragie.
Avec ou sans préméditation
Deux thèses s'affrontent : la thèse de l'accusation, donnée par l'arrêt de mise en accusation de la Cour d'assises, estime que le meurtre a été commis avec préméditation. La prévenue est allée
chercher une arme et une cartouche, a averti ses proches qu'elle allait tuer Ange Lekikot et fait feu sur lui alors qu'il était assis sur son canapé. Elle aurait tiré parce qu'elle aurait été
blessée, humiliée, par les insultes de la victime.
La thèse de la défense, portée par Me Gilles Simeoni et Me Cynthia Costa-Sigrist, rejette la préméditation et argumente que la prévenue, épuisée, excédée, est allée chercher l'arme du crime pour
impressionner la victime sans aucune intention de tirer. Le coup serait parti accidentellement dans un moment de peur et de rage.
Des co-accusés
À côté d'elle, sur le banc des accusés, Michel Campretti, son ex-époux, père de la compagne de la victime, et Ange, son fils, comparaissent, libres, pour ne pas l'avoir dénoncée. Le fils est, en
plus, poursuivi pour complicité, ayant aidé sa mère à essuyer les munitions et à les jeter dans la nature. Ils sont, tous deux, défendus par Me Jean-Michel Mariaggi. Le ministère public est
représenté par Benoît Couzinet, la partie civile par Me Linda Piperi et Me Sébastien Sebastiani.
Une maltraitance chronique
Niant dans un premier temps les faits qui lui étaient reprochés, la prévenue finit par expliquer qu'elle a voulu protéger sa fille, Marie-Hélène, présentée comme fragile psychologiquement, sous
l'emprise de la drogue et de l'alcool, des violences que lui auraient fait subir son compagnon. Ayant elle-même été maltraitée dans son enfance par son père et, ensuite, par ses compagnons
successifs qui souffraient de problèmes d'alcoolisme chronique, l'accusée, de son propre aveu, voulait éviter à sa fille de vivre la même chose qu'elle. Ne supportant pas de voir celle-ci devenir
une épave, outrée du comportement de son gendre, elle aurait tenté, en vain, de la soustraire à l'influence qualifiée de néfaste de la victime.
Une mère exemplaire
Dans cette première matinée de débats, l'audition des témoins proches de la prévenue décrivent, tous avec une belle unanimité, une femme " bonne mère, aimante, qui a le cœur sur la main, très
gentille, très généreuse, très dévouée, très serviable, franche et droite". Tous les témoignages insistent sur le caractère "exemplaire" de cette mère de cinq enfants et expriment leur
stupéfaction et leur incompréhension sur son geste fatal. "C'est la meilleure mère que l'on puisse avoir sur terre", précise son autre fille. "Elle ferait n'importe quoi pour ses
enfants", poursuit un de ses ex-compagnons. " Je suis tombé des nues ", raconte son frère, résumant ainsi le sentiment commun.
N. M.
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