Les avocats d’Yvan Colonna ont saisi, pour la deuxième fois consécutive, la Cour de cassation pour annuler le troisième procès du berger de Cargese, accusé d’avoir participé à l’assassinat en 1998 du préfet Claude Erignac. La Haute Chambre ayant déjà cassé le procès en appel, une nouvelle annulation sera d’autant plus difficile à obtenir que jamais deux cassations successives n’ont été prononcées en matière criminelle et qu’une jurisprudence récente ferme certaines portes.
Le 30 juin 2010, l’arrêt avait fait l’effet d’une bombe. A la surprise quasi-générale, la Cour de cassation avait annulé, pour des raisons de forme, la condamnation à perpétuité assortie d’une
période de sûreté de 22 ans d'Yvan Colonna pour l'assassinat en 1998 du préfet Claude Erignac.
Une première cassation
A l’époque, l’iniquité affichée, lors de ce deuxième procès, par la Cour d'assises spéciale de Paris composée uniquement de magistrats professionnels, avait été si scandaleuse que la chambre
criminelle de la Cour de cassation, qui juge la forme et non le fond, ne pouvait que la sanctionner. La défense avait soulevé pas moins de 15 vices de procédure, dont le manque d'impartialité du
président Wacogne, la non-motivation des arrêts d'assises ou encore l'atteinte à la présomption d'innocence. Mais c'est sur un point anecdotique, concernant l'audition d'un expert, que le verdict
a été cassé, provoquant la tenue d’un troisième procès qui s’est soldé par une troisième condamnation d’Yvan Colonna à la perpétuité, mais sans peine de sûreté.
Dès l’énoncé du verdict, le 20 juin 2011, la défense avait annoncé son intention de se pourvoir, une deuxième fois, en cassation.
Un second pourvoi
Cette deuxième procédure a tout d’une gageure. Quelque soit sa pertinence, elle sera beaucoup plus difficile à obtenir. Et, si elle aboutit, ce sera une première car jamais deux cassations
successives n’ont été prononcées dans un procès criminel en appel.
Consciente de l’enjeu, la défense d’Yvan Colonna a donc concentré son argumentaire sur les moyens les plus forts et décidé d’écarter certaines irrégularités comme la présence à l’audience d’un
huissier ou d’un journaliste du Monde qui devait témoigner.
Ce nouveau pourvoi, également présenté par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, ne soulève donc que six points litigieux de procédure.
Les gardes à vue en question
Le premier concerne les gardes à vue et l’impossibilité, selon la Cour de cassation, de condamner un prévenu sur la base de déclarations recueillies dans le cadre d’une garde à vue qui ne
respecte pas les règles du procès équitable. Or, les seuls éléments mettant en cause Yvan Colonna sont les déclarations, récusées depuis, de ses coaccusés et de leurs épouses en garde à vue et
obtenues dans des conditions qui, selon la défense, « ne seraient pas conformes à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
La réserve de la Haute Cour
Ce moyen très sérieux risque d’être torpillé par un tout récent arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 14 février dernier qui restreint la remise en cause des gardes à
vue. Cet arrêt stipule qu’un tiers ne peut pas se prévaloir des gardes à vue d’autres personnes. La Cour d’appel de Rennes, qui avait retenu l’argument, a été désavouée. En clair, cela signifie
que la défense d’Yvan Colonna ne peut remettre en cause que la garde à vue de son client, pas celles des autres accusés et de leurs épouses. La Haute juridiction vient donc de fermer une porte,
que, seule, peut rouvrir la Cour européenne qui n’émet pas de telle réserve.
Une lettre suspecte
Le deuxième moyen de cassation s’attaque à la prétendue lettre de menaces envoyée par Yvan Colonna à Pierre Alessandri et dont l’authenticité n’a jamais été prouvée. Une photocopie, rédigée
en corse, dont l’original n’a pas été fourni, a été transmise par le directeur central de la police judiciaire, Christian Lothion, qui a refusé de donner le nom de son informateur. La Cour de
cassation, saisie par la défense, avait alors estimé que la provenance indéterminée du document ou son caractère prétendument frauduleux ne suffisait pas à l'écarter. Les avocats du berger de
Cargèse considèrent que cette lettre, acceptée et produite au procès, a façonné et pollué les débats. Le fait que les magistrats n’aient pas retenu cet élément incriminant dans leur motivation de
la condamnation n’enlève rien à son influence.
Des motivations non conformes
Les troisième et quatrième moyens portent sur la motivation du verdict, que la défense estime non conforme au droit et à ce qu’elle avait demandé. Elle souhaitait, comme le lui permet le droit
européen, une motivation qui soit une réponse à des questions posées, obligeant les magistrats à préciser le raisonnement juridique qui les a conduit à prononcer ce jugement.
Or, la Cour d’assises spéciale, qui n’a pas à motiver sa décision, a néanmoins décidé de le faire, mais en ne produisant qu’une simple feuille d’explications qui écartent les questions de la
défense. Cette feuille n’est, selon la défense, qu’une suite d’éléments à charge sans aucun élément objectif justifiant la culpabilité et sans aucun élément à décharge. De plus, en se limitant à
mettre en forme l’intime conviction des jurés, elle viole, toujours selon la défense, le secret du délibéré et serait contraire aux règles du droit français.
Aucune décision d’appel n’ayant encore, à ce jour, été motivée, la décision de la Cour de cassation sur ces points litigieux devrait faire jurisprudence.
Majorité simple ou au 2/3
Le cinquième moyen interroge sur les règles du scrutin lors du délibéré, c’est-à-dire le nombre de magistrats suffisant pour voter la culpabilité d’un accusé. Dans une cour d’assises spéciale et
un crime terroriste, la majorité simple est suffisante, alors que dans une cour d’assises avec jury populaire et un crime de droit commun, la majorité des 2/3 est nécessaire. La défense demande
au nom de quoi peut-on instituer une distinction entre les deux crimes.
Le sixième et dernier moyen dénonce les atteintes à la présomption d’innocence manifestées par les représentants de l’Etat, qui selon la défense, « démontrent l’absence de tout caractère
équitable de cette procédure dès son commencement ».
Deux autres procès en appel
Le mémoire de la défense, contenant ces six moyens, a été déposé au mois de janvier dernier. La réponse du Parquet Général et des parties civiles devrait suivre. L’audience de cassation ne
devrait pas se tenir avant la rentrée.
Deux hypothèses sont envisageables. Soit, la Cour de cassation casse, une nouvelle et dernière fois, la condamnation et renvoie l'affaire devant une troisième cour d'assises d'appel. Soit, le
pourvoi en cassation est rejeté, Yvan Colonna peut encore former un recours devant la Cour européenne.
En marge de cette décision, se tiendront, à Paris, deux procès en appel. La plainte en diffamation publique déposée par Frédéric Veaux contre Me Gilles Simeoni sera jugée le 20 septembre, le
Directeur central adjoint du renseignement intérieur (DCRI) ayant obtenu le dépaysement de l’affaire. Cinq personnes soupçonnées d’avoir aidé Yvan Colonna durant ses années de cavale seront
rejugées les 18, 19 et 25 octobre devant la Cour d’appel de Paris.
Nicole MARI
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U Palatinu (samedi, 03 mars 2012 16:53)
Que voulez-vous que je vous dises ? On verra bien ce qu'il en ressortira, mais quoi qu'il en soit, j'espère sincèrement qu'un jour, toute la lumière sera faite sur cette grave affaire qui n'a fait souffrir que trop de monde.
Roger Gruner (lundi, 23 janvier 2017 04:02)
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