Président du pôle de l'économie sociale et solidaire (ESS) du candidat François Hollande, Thierry Jeantet était l’invité du 1er Forum de l’ESS organisé à l’ADEC de Bastia. Directeur général d’Euresa, un groupement économique européen rassemblant 11 mutuelles et coopératives d’assurance et 25 millions de sociétaires, ce militant est également l’auteur de plusieurs ouvrages. Pour Corse Net Infos, il explique pourquoi l’économie sociale est une alternative d’avenir au capitalisme.
- Qu’est-ce que l'économie sociale et solidaire ?
- Ce sont d’abord des valeurs : la libre initiative collective, une gestion démocratique avec 1 personne, 1 voix, une juste répartition des excédents, un système de propriété, à la fois, privé et
collectif, et, bien sûr, la solidarité. Cela se traduit en coopératives, en mutuelles, en associations et en fondations.
- Pourquoi dites-vous que ce type d’économie a un passé mais surtout un avenir ?
- Depuis plusieurs années, une série de crises très graves démontre la fatigue, voire l’échec du système qui était dominant jusqu’ici. S’y ajoutent une crise sociale, une fragilité des
entreprises et la mise à mal de l’environnement. L'économie sociale et solidaire ne doit pas être un système dominant, mais un système qui doit prendre toute sa place dans une biodiversité bien
comprise parce qu’il assure une stabilité des entreprises qui sont plus durables, plus respectueuses des territoires et plus proches des gens. Ces entreprises sont créées par la société civile
qui s’organise. L'économie sociale répond donc a toute une série de préoccupations extrêmement actuelles. C’est pourquoi je pense qu’elle est au début de son avenir.
- Quelle est sa faiblesse ?
- Sa principale faiblesse, aujourd’hui, est d’être trop discrète, trop silencieuse. Il faut qu’elle devienne visible, qu’elle se montre de façon à ce que les jeunes, les créateurs d’entreprise ou
d’activité s’en emparent. Il faut qu’elle sorte du bois.
- Que reste-t-il à faire ?
- Il faut renforcer les moyens et les financements. L’Etat doit en faire un partenaire à part entière et non un partenaire obligé. Les collectivités territoriales et locales aussi. Ce partenariat
commence à se mettre en place, à s’organiser sérieusement au niveau des territoires avec les Chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS), avec des incubateurs et des Fabriques
d’initiatives.
- Pourquoi avez-vous accepté d’être président du pôle de l'économie sociale et solidaire du candidat François Hollande ?
- Parce qu’il est important que l’Etat prenne mieux en compte l'économie sociale et en fasse un véritable partenaire. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’élaboration d’une loi de
programmation permettant d’appuyer son développement. Nous voulons également que la future banque publique d’investissement, que nous proposons, oriente une partie de ses financements vers
l'ESS.
- Le développement de l'économie sociale va-t-il de pair avec la paupérisation de la société ?
- Pas seulement. L'économie sociale a toujours cherché des solutions pour lutter contre toutes les formes de pauvreté, ce qui est d’abord la responsabilité de l’Etat. Mais elle est, de manière
beaucoup plus large, un modèle de développement à dimension sociale et aussi économique. De très grandes entreprises de l'ESS débordent, heureusement, les frontières dans tous les domaines :
agricole, bancaire, assurance, etc. C’est très important parce que cela signifie qu’il est possible de créer des entreprises d’envergure qui sont gérées autrement, dans un esprit démocratique,
social, de respect de l’environnement et avec une gouvernance différente de celle des entreprises traditionnelles.
- Et cela, dans les pays capitalistes, les plus riches du monde ?
- Aux Etats-Unis, au Japon, en France, de grandes entreprises d'ESS présentent, dans des secteurs différents, un modèle qui est en compétition avec le modèle capitaliste traditionnel. L'économie
sociale se développe aussi dans des pays très divers : des pays en voie de développement, notamment africains et asiatiques, ou des pays qui sont en développement accéléré comme le Brésil.
Propos recueillis par Nicole MARI