Les deux leaders de Femu a Corsica, Gilles Simeoni et Jean Christophe Angelini, viennent d’officialiser leur candidature à l’élection législative de juin prochain dans, respectivement la 1ère circonscription de Haute-Corse et la 2ème circonscription de Corse-du-Sud. Elu territorial et conseiller municipal de la ville de Bastia, Gilles Simeoni explique, à Corse Net Infos, la nécessité de ces candidatures pour mieux défendre les intérêts de la Corse, son choix de la 1ère circonscription et sa volonté d’œuvrer pour une évolution constitutionnelle.
- Pourquoi vous présentez-vous aux législatives ?
- Nous voulons porter un message collectif à l’échelle de la Corse parce que cette élection s’inscrit dans une séquence politique importante qui a commencé avec les municipales de 2008. Elle
s’est poursuivie avec les territoriales de 2010 où il y a eu un véritable mouvement de fond de la société corse avec le score de Femu a Corsica et des nationalistes en général qui ont totalisé 36
% des voix. Ceux, que le scrutin avait de très peu placé en tête au soir du 2ème tour, avaient la responsabilité historique d’apporter une réponse forte au message que les Corses avaient envoyé,
celui de l’attente et de l’espoir d’un changement très profond. Cet espoir ne s’est pas concrétisé. Le conclave de Venaco est resté sur une configuration politique traditionnelle. Nous avons pris
du retard. Il faut tirer les leçons et agir pour que, la prochaine fois, ce soit possible.
- Est-ce, dans ce contexte, que s’inscrit votre candidature ?
- Oui. Les législatives arrivent au moment où nous avons engagé, à l’assemblée de Corse, des débats de fond qui sont la reprise de thèmes forts, fondateurs de notre démarche, notamment la
question du foncier, le statut de résident, la co-officialité de la langue et le transfert de la compétence fiscale pour obtenir le régime dérogatoire issu des arrêtés Miot. Ces chantiers sont en
cours mais ne sont, pour l’instant, pas concrétisés. Nous savons, à travers le travail de la commission législative et règlementaire à laquelle je participe activement, que, pour obtenir des
réponses concrètes, positives sur ces problèmes fondamentaux, il faudra une révision constitutionnelle. On est à la veille de l’élection présidentielle qui est une élection clé dans la vie
politique française car le président est la clé de voute des institutions. La rencontre de ces deux calendriers rend décisive la période qui s’ouvre. Il fallait donc que nous soyons présents.
Tous les Corses, qui souhaitent un changement profond et que les chantiers engagés soient menés à leur terme, doivent avoir la possibilité de voter pour les nationalistes et de faire gagner les
nationalistes.
- Se présenter à une élection législative, qui est un scrutin national, est-ce cohérent avec votre stratégie politique locale ?
- C’est vrai que ce n’est pas une élection naturelle, c’est même une élection à priori difficile pour le courant d’idées que je représente. En même temps, nous devons être présents parce que les
discussions actuelles à la CTC devront nécessairement être reprises au plan législatif et constitutionnel français. Ensuite, lorsqu’on a le degré de représentativité et de légitimité qu’a
aujourd’hui la famille nationaliste, il est naturel de participer à tous les scrutins. Enfin, d’un point de vue politique et symbolique, la possibilité forte et réalisable, qu’un ou plusieurs
nationaliste soit élu député de la Corse, aurait une portée considérable et historique. C’est la garantie que les intérêts de la Corse seront les mieux et les plus fortement défendus.
- Vous aurez un poids relatif, puisque vous ne pourrez pas vous appuyer sur un groupe national d’envergure comme le fait le député sortant Sauveur Gandolfi-Scheit ?
- Sauveur Gandolfi-Scheit a été un député à l’écoute des besoins de sa circonscription sans avoir une approche partisane de son mandat. Nous avons noté son implication dans le dossier des
prisonniers politiques. Mais c’est nous, nationalistes, qui devons défendre nos idées. Le problème politique de fond est d’aller vers une réforme constitutionnelle avec la volonté de repenser la
relation entre la Corse et l’Etat et d’ouvrir un cycle de développement et d’apaisement où la Corse et son peuple soient reconnus et aient la maitrise de leur destin. Dans cette perspective-là,
le message de l’élection d’un ou plusieurs députés nationalistes a une portée qui ne pourra qu’être entendue, quelque soit la majorité au pouvoir à Paris. C’est pour cela que nos candidatures
sont légitimes.
- Pourquoi avoir choisi la 1ère circonscription de Haute-Corse ? Le choix a-t-il été difficile ?
- Non. C’est un choix logique pour trois raisons. La première est que nous voulons combattre fortement le système qui est incarné, à Bastia et dans la 1ère circonscription de Haute-Corse par la
dynastie Zuccarelli sous l’étiquette PRG, à Porto-Vecchio et dans la 2ème circonscription de Corse du Sud par la dynastie Roca Serra sous l’étiquette UMP. Ce système s’est organisé pour régner
sans partage sur la Corse depuis des décennies. La 2ème raison est la cohérence politique par rapport à la circonscription qui regroupe la ville de Bastia, grand pôle urbain historique, les
enjeux de tout le péri-urbain avec la périphérie bastiaise et les grandes communes du Sud et, enfin, la ruralité très forte dans le Cap Corse, la Conca d’Oru… Dans ces régions, des femmes et des
hommes se battent dans le domaine économique, associatif et culturel pour, et c’est la méthode que nous avons mis en œuvre dans la démarche Femu a Corsica, construire au quotidien une Corse qui
n’est pas celle de la spéculation et des résidences secondaires, mais une Corse du travail, de la relation forte à la terre, de l’agriculture, de la viticulture, etc. La 3ème raison est une
cohérence par rapport aux élections à venir. Je suis engagé, depuis de nombreuses années, dans le combat municipal pour Bastia, il n’était pas pensable que je me présente ailleurs que dans cette
circonscription.
- Est-ce à dire que votre présence aux législatives est une course de fond pour les municipales ?
- Notre présence aux législatives est, à la fois, une course de fond et un sprint par rapport à toutes les échéances politiques déterminantes des 4 ou 5 ans à venir. C’est une course de fond
parce que nous savons très bien que la Corse, dont nous rêvons et qui est possible, va se construire à l’échelle d’une génération. Il faut reconstruire du lien social, de l’économie, un pays à
genoux. En même temps, c’est un sprint car nous sommes à la croisée des chemins et qu’il y a urgence. Si nous n’arrivons pas à retrouver la maitrise de notre foncier, à engager un cercle vertueux
au plan économique, à sortir de ce système qui, comme dans le domaine des transports maritimes et aériens, est aujourd’hui à bout de souffle, si nous ne repensons pas complètement la façon de
fonctionner de la Corse dans son économie, dans son système politique, dans son rapport à son environnement européen et méditerranéen, sans parler de la culture, des inquiétudes de la jeunesse,
du chômage, etc, ce sera, ensuite, trop tard.
- Pourquoi avoir mis autant de temps à déclarer une candidature que tout le monde savait certaine ?
- Dans les autres échéances électorales, nous nous sommes présentés beaucoup plus tard. Beaucoup de candidats dans d’autres familles politiques et dans d’autres circonscriptions ne sont toujours
pas officiellement déclarés. Il faut aussi donner un sens politique profond à notre candidature même si le scrutin législatif est uninominal. Notre démarche n’a de sens que si elle est
collective, ouverte, rassembleuse et portée par le grand nombre. C’est la raison pour laquelle ma candidature dans la 1ère circonscription est au cœur de ma façon de concevoir la politique. Je
pense véritablement qu’il faut construire des espaces larges, de convergence où travaillent ensemble des forces vives qui ne sont peut-être pas toujours d’accord sur tout mais qui sont d’accord
sur la façon de faire, sur la philosophie et les valeurs qui sous-tendent l’engagement politique et sur des objectifs fondamentaux.
- Vos deux principaux concurrents sont entrés beaucoup plus tôt en campagne et occupent déjà bien le terrain, ne craignez-vous pas d’être pénalisés ?
- Nous ne sommes pas entrés en campagne au sens traditionnel du terme, au sens de la réalité de la vie politique corse. Nous ne serons jamais sur le même terrain qu’un Jean Zuccarelli qui utilise
à plein les moyens de l’Adec et son poste de président de l’Adec pour faire sa campagne, y compris dans le recrutement. Il utilise à plein l’appareil municipal et les moyens de la CAB dans
laquelle nous ne sommes pas représentés parce qu’on nous en a exclus délibérément. Nous ne serons jamais sur ce terrain et nous ne voulons pas y être. Sur le terrain des idées et de l’engagement,
notamment social, associatif, culturel et le combat politique pour la défense des intérêts collectifs de ce peuple, nous sommes perpétuellement en campagne. Donc, nous ne craignons pas le
retard.
- Vos deux principaux concurrents s’affrontent déjà durement avec des propos violents. Pensez-vous que cette campagne sera difficile ?
- Le système politique corse traditionnel est un système objectivement violent. Sa violence ne procède pas des termes qui peuvent être échangés pendant une campagne électorale, mais de la
violence du chantage à l’emploi, du mépris pour les gens et du renoncement permanent à défendre les intérêts collectifs de ce pays. C’est une violence historique qui, malheureusement, continue de
peser et même pèse plus que jamais. Notre campagne sera basée sur le respect total des gens, de nos concurrents et de ceux qui partagent leurs idées. Le respect de l’autre dans la société corse
est indispensable. Nous ferons une campagne de conviction, de générosité et d’enthousiasme parce que notre démarche agrège toutes les générations, les militants historiques et des gens qui, hier
encore, ne partageaient pas forcément nos idées mais qui ont envie de construire, à égalité de droits et de devoirs, cette Corse dont nous rêvons. Nous sommes heureux d’y être, nous avons envie
de convaincre par la force de nos idées et par le travail au quotidien. Ce sera la boussole de notre action dans cette campagne.
- Pensez-vous être au 2ème tour ?
- Notre objectif est de gagner. Nous pensons être au 2ème tour et tout faire pour qu’il y ait un député nationaliste au Palais Bourbon.
- Il reste deux autres candidatures de Femu a Corsica à pourvoir. Pourquoi n’ont-elles pas été pourvues en même temps ?
- Face à l’attente sur nos deux candidatures, il fallait clarifier les choses. La semaine prochaine, nous allons interpeller publiquement les candidats à l’élection présidentielle, notamment ceux
qui sont pressentis pour être au 2ème tour. Nous allons leur poser des questions sur leur vision du rapport entre la Corse et l’Etat, leur demander s’ils ont la volonté de s’engager dans la
recherche d’une solution politique de fond. Puis, nous présenterons les candidatures dans les 4 circonscriptions.
- Les présidentiables ne se soucient pas de la Corse et ceux qui en parlent ne sont guère favorables aux orientations que vous souhaitez. N’est-ce pas inquiétant ?
- C’est vrai que c’est un élément d’inquiétude car, traditionnellement, la question corse était partie prenante du débat présidentiel. Aujourd’hui, elle en est singulièrement absente à deux
exceptions près. Eva Joly est venue en Corse et a tenu un discours courageux. Mélenchon, qui est également venu, a tenu des propos ultraconservateurs. Ce n’est pas avec un candidat de ce type que
nous réussirons à trouver des réponses pertinentes pour la Corse. Notre responsabilité est de faire que le futur président de la République sache que, dans les grands chantiers de son mandat
présidentiel, il y aura la nécessité de trouver une solution à la question corse et que cette solution impliquera nécessairement une forte volonté politique et une évolution
institutionnelle.
- Certains élus de droite se disent favorables à une coalition droite/nationalistes pour les prochaines territoriales. Comment réagissez-vous à ces propos ?
- Nous en prenons acte. Nous n’excluons, à priori, personne, parce qu’exclure est aux antipodes de ce qu’il faut faire pour la Corse. Nous avons toujours été clair. Nous ne sommes pas là pour
servir de force d’appoint à la droite ou à la gauche. Nous avons des idées fondamentales par rapport à des dossiers que nous considérons comme prioritaires. Au cœur de notre démarche, il y a la
volonté de défendre les intérêts collectifs du peuple corse. Nous disons à la droite, comme à la gauche : mettons-nous autour d’une table et essayons de quantifier les points d’accord. Si ces
points d’accord sont suffisants dans un cadre clair, nous pouvons mettre en place des contrats de mandature avec la droite ou la gauche, dès lors qu’ils sont publiquement défendus et validés par
le peuple.
Propos recueillis par Nicole MARI
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