Pour le député sortant, président de l'exécutif, la nouvelle mandature législative sera décisive pour l’avenir de la Corse. Il explique, à Corse Net infos, que le premier travail sera de définir les contours de l'autonomie constitutionnelle de la Corse dans la République. Et affirme que François Hollande est tout à fait ouvert à une évolution institutionnelle à condition qu'elle vienne de la CTC et qu'elle soit consensuelle.
- Vous venez de faire votre bilan. Qu'est-ce que vous auriez du faire que vous n'avez pas fait ?
- J'aurais du parler encore plus fort et plus net, s'agissant de la crise. J'aurais du publier plus de travaux, mais ce n'est pas toujours aisé parce que les journaux nationaux ne prennent pas facilement les opinions qui sortent de l'orthodoxie du moment. Par exemple, en janvier 2008, j'ai envoyé, au journal Les Echos, un article intitulé "La fin d'un monde" qui décrivait le mécanisme de la crise financière telle qu'elle était déjà et surtout telle qu'elle allait mettre fin à certaine visionéconomique du monde. Les Echos n'ont pas accepté l'article en disant que ce n'était pas vrai, que ça n'allait pas se passer comme ça. J'ai eu tort de ne pas insister. Mon opinion n'était pas originale, beaucoup de gens la partageaientdans le monde, mais pratiquement pas en France. On ne va jamais assez loin, ni assez fort dans l'expression de son opinion.
- Sur la Corse, que comptez-vous faire que vous n'avez pu faire ?
- Sur la Corse, je crois avoir abordé à peu près tous les sujets. Le vrai travail, à engager dès le début de la prochaine mandature, concernera l'évolution du statut de la Corse, le nouveau pouvoir à donner à la Corse, la place de la Corse dans la Constitution de la République et la définition des contours de l'autonomie constitutionnelle de la Corse dans la République. Jusqu'à présent, on n'a fait qu'en parler, il va bien falloir aller dans le concret. Cela dépend beaucoup de nous, de notre capacité à dégager au sein de l'assemblée territoriale une position consensuelle. Alors, ce sera plus facile de l'aborder au plan national où il y a toujours des réticences à aller plus loin, à dessiner une place originale au sein de la République.
- Le candidat que vous soutenez, François Hollande, a opposé un Non clair et net à toute évolution institutionnelle de la Corse ?
- Ce n’est pas du tout ce que j’ai compris du discours de François Hollande et des conversations que j’ai eues avec lui. Il dit que l’essentiel, dans un premier temps, est de travailler sur les questions concrètes du développement de la Corse. C’est aussi d’aller au fond des dispositions actuelles pour les utiliser complètement. Il sait que l’Assemblée de Corse travaille et prépare des propositions et il a dit, de manière très claire et publique, dans son discours d’Ajaccio, que, si la CTC demande de nouveaux pouvoirs, nous en parlerons et il sera très positif.
- Il a quand même dit qu’il ne voulait pas de nouveau statut pour la Corse !
- Non. Pas du tout. Il n’a pas dit ça. Il a dit simplement qu’il ne voulait pas imposer de Paris un nouveau statut et que si nous voulons des évolutions, nous n’avons qu’à lui présenter des propositions. C’est différent ! François Hollande, Président de la République, sera dynamique sur cette question.
- Ce sera donc plus facile avec lui ?
- Ce ne sera
pas facile, ni à gauche, ni à droite, car il faut un
consensus national. Nous entrons dans un domaine constitutionnel, il faut
une majorité des
3/5ème qui est
très difficile à obtenir. Il faut d’abord arriver à convaincre les siens et les autres de l’importance de ces questions. Le meilleur moyen est d’arriver, d’abord, à nous convaincre
nous-mêmes pour présenter quelque chose de cohérent de manière consensuelle. Regardez ce qui s’est passé sur le PADDUC, qui est une révolution dans le
droit.
- En quoi est-ce une révolution ?
- La loi sur le PADDUC est complètement originale. Quand elle dit que le PADDUC sera d’application directe en l’absence de PLU, c’est une chose qui n’existe nulle part ailleurs. Il n’y a pas de schémas régionaux ailleurs qui s’appliquent directement à la place du PLU, ils ne peuvent qu’influencer. Le schéma traditionnel exclut toute tutelle d’une collectivité sur une autre. Il y a d’autres dispositions originales dans le PADDUC, pourtant elles ont été acceptées et votées à l’unanimité du Sénat et de l’Assemblée nationale parce que la CTC avait su être, elle-même, consensuelle. Si le projet avait donné lieu à un combat entre nous, on n’aurait pas convaincu, même en étant majoritaire, la représentation nationale.
- Mais le PADDUC ne touche pas, de la même manière qu’une autonomie politique, le cœur de l’Etat jacobin !
- Si. Il y a eu un grand débat au Conseil d’Etat pour savoir s’il était constitutionnel ou non. Et nous aurons sur la Corse de grands débats car des élus, à gauche comme à droite, sont encore extrêmement jacobins. Le discours de François Hollande, indépendamment de la Corse, est un discours de nouvelle étape de la décentralisation. Il fait un sort spécifique à la Corse, au delà de ce qui est prévu en national, puisqu’il dit qu’il est prêt à accueillir les propositions de la CTC si elles sont consensuelles. En même temps, il prévoit la territorialisation de l’impôt, ce qui est une évolution considérable, et de nouveaux pouvoirs pour les collectivités territoriales et surtout pour les régions. Il sait très bien que la Corse est un cas particulier, qu’on ne peut pas la traiter comme on traite le Limousin.
- On dit pourtant les socialistes très prudents sur la question du statut corse depuis qu’on lui impute la défaite de Lionel Jospin au 1er tour de la présidentielle. Quel est votre sentiment ?
- Non. Les choses se feront de manière très différente. Lors des débats, auxquels j’ai pris part à l’époque à la CTC, sur le devenir des institutions de la Corse, l’erreur, que nous avons commise, a été d’avoir les tenants d’une vision et les tenants d’une autre vision qui s’affrontaient. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Il est clair qu’au sein de la CTC, on est là pour forger un consensus. Si on ne forge pas un consensus au sein de la CTC, il est évident qu’on forgera encore moins un consensus au sein de la représentation nationale. Si, en revanche, on sait forger un consensus, il sera plus facile de le forger dans un mouvement général de décentralisation dans lequel la Corse va demander une place très particulière, comme l’Alsace a déjà commencé à le faire.
- Mais comment réaliser un consensus quand vos alliés ultra-jacobins, au sein de la CTC, ne partagent pas votre point de vue et sont hostiles à toute évolution institutionnelle ?
- Je n’ai pas compris ça du débat au sein du Conseil exécutif. Il y a sur ces questions un profond consensus. Au sein de l’Assemblée, il y a des différences de sensibilités tout à fait légitimes. Mais on sent bien des évolutions sur tous les bancs. Cela ne veut pas dire que tout le monde est d’accord pour tout, mais cela veut dire que le mouvement est clairement établi et qu’il nous appartiendra de réaliser le consensus. J’ai, c’est vrai, une position plus audacieuse, plus avancée que d’autres. J’insiste beaucoup sur le fait que les questions relatives à la Corse, qui a sa place au sein de la République française, sont des questions d’ordre constitutionnel.
- Pourquoi ?
- Parce qu’en pratique, vous ne pouvez pas, sur la base de la Constitution de la République telle qu’elle est aujourd’hui,régler les problèmes relatifs à l’organisation du statut fiscal de la Corse, même en ce qui concerne les droits de succession qui sont une question relativement urgente, ni trouver les solutions pour définir la place de la langue corse qui passe par la reconnaissance de sa co-officialité. Vous ne pouvez pas régler l’établissement des normes législatives,qui requiert une attention particulière pour la Corse, sans aborder des questions constitutionnelles. C’est mon opinion, mais c’est une opinion qui commence à passer au sein de la CTC et aussi au plan national. J’ai été très frappé, lors des débats sur le PADDUC, que mes propos n’entraînent pas de réactions très vives, bien au contraire.
- Ce scrutin a-t-il un enjeu particulier ou n’est-ce qu’un scrutin comme un autre dans la continuité ?
- Il a peut-être un enjeu particulier dans la mesure où est en jeu la question de l’avenir de la Corse. Il est certain que si j’étais battu, compte tenu des positions qui sont les miennes, cela donnerait probablement un coup d’arrêt ou du moins serait la manifestation d’une opposition à ce que les choses changent un peu dans le statut de la Corse. Ce n’est pas pour autant une élection d’une importance capitale.
Propos recueillis par Nicole MARI
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pistu 2b (lundi, 02 avril 2012 11:08)
Habile, Habile, Monsieur Paul!