Candidat de Femu a Corsica dans la 2ème circonscription de Corse du Sud pour les élections législatives de juin prochain, Jean Christophe Angelini part grand favori à la conquête d’une circonscription très disputée où s’affrontent des caciques de tous bords. L’élu territorial et conseiller général du canton de Porto Vecchio explique, à Corse Net Infos, l’enjeu politique et local de ce scrutin qui pourrait faire de lui le 1er nationaliste à siéger au Palais Bourbon.
- Quel est l’enjeu de votre candidature aux prochaines législatives ?
- L’enjeu, c’est de gagner parce que la circonscription est désertée par le député sortant, qui est relativement présent à Paris, mais totalement absent du terrain. Il y a des cantons dans lesquels il retourne d’une campagne à l’autre, mais qu’il ne voit pas durant les cinq années de son mandat. C’est aux antipodes de ma vision de la politique qui est la disponibilité, la proximité et le travail, toutes valeurs qui sont très étrangères au comportement du sortant. Fort de ce constat et d’une analyse précise des besoins, des attentes, des problèmes et des préoccupations de mes concitoyens, j’ai décidé d’être candidat. D’autant qu’il y a, en parallèle, un contexte global avec l’élection présidentielle et la nécessité d’inscrire la question corse dans les priorités de la prochaine majorité parlementaire et du prochain gouvernement. La nécessité d’ouvrir un espace de dialogue avec Paris et de représenter, au niveau le plus élevé possible, nos concitoyens qui sont en attente, non pas seulement de questionnements, mais de réponses et de solutions.
- Les législatives sont un scrutin national, alors que vous êtes plus axés sur des scrutins locaux. Qu’apporterez-vous en tant que député ?
- Un député a, certes, un rôle important dans l’hémicycle parce qu’il légifère, mais il a également un rôle fondamental auprès des siens. Ce n’est pas parce que le centre de gravité de son pouvoir propre est à Paris que son centre de gravité personnel ne va pas être dans sa circonscription. Pour moi, un député représente un territoire avec d’autres champs de compétences, d’autres prérogatives, mais il est avant tout l’émanation d’un lieu, d’une population et d’un certain nombre d’attentes particulières. De ce point de vue-là, le bilan du député sortant est véritablement catastrophique.
- Que pourrait bien réellement changer l’élection d’un député nationaliste ?
- Un député est l’interlocuteur d’une majorité parlementaire et d’un gouvernement et a un rôle moteur à jouer dans l’évolution politique globale en faisant entendre une voix particulière. Il y a eu les Accords de Matignon, trois statuts particuliers en 25 ans, l’échec du référendum de 2003, on parle depuis des années de pouvoir législatif et règlementaire. La Corse ne peut pas rester en l’état. L’élection d’un ou plusieurs députés nationalistes changerait radicalement la donne dans l’île et serait de nature à faire progresser plus rapidement notre projet politique fondé sur l’émancipation, l’autonomie et l’apaisement global de la situation.
- Si vous êtes élu, comment vous inscrirez-vous dans une assemblée où vous ne pourrez pas vous appuyer sur une majorité pour faire passer vos propositions ?
- Cette question est relative dès l’instant où une volonté et une énergie sont au service d’un projet. Le député sortant a été président de la CTC, député de la circonscription, maire de Porto Vecchio, à l’entendre, premier ami du Président de la République en Corse. Il était UMP au moment où l’UMP dirigeait la CTC et le gouvernement, avait la majorité au Sénat, à l’Assemblée nationale, etc. Son bilan est nul. Un député, qui a une force de conviction, peut faire bouger les lignes et faire évoluer les positions. C’est à ça que je vais m’attacher d’autant qu’il n’est pas certain que je serais dans une opposition frontale avec la prochaine majorité parlementaire. On verra comment les lignes bougeront et quelle sera notre position si les électeurs décident de nous porter à ce niveau de responsabilité.
- Cela signifie-t-il que vous vous adosseriez à un groupe national ou à une majorité ?
- Il n’est pas interdit de le penser. Nous avons, au plan national et européen, au PNC et à Femu a Corsica, des partenariats avec Europe Ecologie. Nous avons mené des discussions en 2007 avec le PS et des formations politiques nationales, plutôt à gauche, mais pas seulement. Des relais ont permis, au fil des années, d’avoir le seul député européen de Corse, François Alfonsi. Ils peuvent, demain, permettre à nos députés d’avoir une portée et un impact beaucoup plus importants que ce que l’on peut imaginer aujourd’hui. C’est pourquoi tout dépend de la force de travail, du projet, de la volonté du député et de notre capacité à tisser des réseaux. Et là-dessus, faites-nous confiance !
- Un sondage vous donne gagnant à 42 % en triangulaire. Vous partez grand favori ?
- Une triangulaire déjà, c’est difficile à obtenir. Je pense plutôt que le 2nd tour se jouera sur un face à face entre des hommes et des projets. Je reste très prudent. Ce que je considère avec sérieux, c’est la dynamique sur le terrain depuis le jour où j’ai déclaré ma candidature. Pour moi, c’est le meilleur des baromètres.
- Justement, à chaque élection, vous fissurez un peu plus la citadelle Rocca Serra. Pensez-vous que, cette fois-ci, c’est jouable ?
- C’est plus que jouable. Mais je ne m’inscris pas dans une opposition frontale et personnelle avec Camille de Rocca Serra. Lui et moi incarnons très clairement deux visions antinomiques de la politique dans nos projets et dans nos comportements. Ceci dit, je respecte l’homme, ses idées et je n’ai pas de conflit personnel avec lui. Je ne cherche pas à le chasser du pouvoir. Ce qui m’intéresse, c’est de porter un projet, de défendre des idées, d’être utile en ayant les moyens de réaliser des choses. Camille de Rocca Serra cumule, depuis près d’un siècle, un certain nombre de pouvoirs et de prérogatives qui n’ont pas amené, loin s’en faut, le mieux-être escompté. Ceux qui l’ont précédé avaient néanmoins une action et une empreinte sur le territoire, lui n’en a aucune. Il faut redonner à la politique ses lettres de noblesse dans la circonscription.
- Paul Marie Bartoli a fait ses comptes et est sûr d’être élu ? Qu’en pensez-vous ?
- Je ne fais pas de compte, je ne suis pas dans une logique de calcul ou de boutique, je suis dans une dynamique et un combat politiques. Je ne sais pas si je serais au second tour et je ne suis pas propriétaire des voix qui se sont portées sur mon nom tout au long des années écoulées. Je trouve un peu présomptueux et rapide d’annoncer aujourd’hui que l’on sera au second tour et, par extension, de solliciter un soutien. La déclaration de candidature de Paul-Marie Bartoli ouvre un prisme qui va de la gauche au courant indépendantiste, ce qui ne me paraît pas d’une grande cohérence politique. Nous verrons, au soir du premier tour, qui, de ceux qui calculent et de ceux qui font campagne sur le terrain, l’emportera.
- Justement, Paul-Marie Bartoli compte sur votre soutien au second tour en retour de celui que la gauche vous a apporté aux cantonales…
- J’ai beaucoup de respect pour Paul-Marie Bartoli avec qui j’ai de très bonnes relations. Mais il était candidat aux dernières Territoriales avec Emile Zuccarelli, qui ne m’a apporté aucun soutien aux cantonales. J’ai un accord politique et une profonde amitié avec Jean-Charles Orsucci, qui se cristallisent et s’incarnent dans Bonifacio 21 dont les militants du PNC sont membres fondateurs et conseillers municipaux adjoints. Nous avons également des relations politiques avec Europe Ecologie et le PS, d’où la présence d’Emmanuelle de Gentili et de Jean Louis Luciani à mon meeting. Ce n’est pas le même cas de figure avec les soutiens d’Emile Zuccarelli. J’ai des relations et des accords politiques avec certains, je n’ai pas à renvoyer l’ascenseur à d’autres.
- Quel est le poids respectif de la droite, de la gauche et des nationalistes dans la circonscription ?
- C’est difficile à dire. Au second tour des Territoriales, les deux listes nationalistes, Corsica Libera et Femu a Corsica, sont la première force politique de la circonscription en nombre de voix, devant la droite et loin devant la gauche. Au vu du bilan de la majorité territoriale et de ce que devient la droite, je ne vois pas comment nous aurions pu perdre en influence. Je pense même que nous avons gagné en influence et en crédibilité. Nous le vérifierons en juin prochain.
- Votre candidature n’est-elle pas aussi un entraînement pour des scrutins plus locaux ?
- Pas du tout. Mais une élection en appelle toujours une autre. Au plan local, je poursuis un parcours depuis dix ans, qui s’est traduit par une présence aux municipales et aux cantonales de plus en plus payante. Avec Gilles Simeoni, nous sommes, à la fois, dans des parcours locaux et plus généraux, mais pas dans des carrières. Nous sommes vraiment au service de la population et d’un projet. Notre façon de vivre la politique convainc de plus en plus de monde. Nous parvenons à faire bouger les lignes puisque des gens de droite, de gauche, du centre, d’autres horizons nationalistes nous rejoignent pour cristalliser autour de nous une offre alternative. Notre objectif est d’arriver aux responsabilités partout où nous le pourrons pour servir les gens à travers l’exercice du pouvoir.
- Vos bons scores électoraux correspondent-ils à une lame de fond ou, comme le prétendent vos détracteurs, à des coups politiques conjoncturels ?
- Nos détracteurs peuvent chercher à se rassurer à peu de frais, mais ça ne changera rien. L’ADN du mouvement nationaliste, c’est de transformer en profondeur la société dont il est issu. Et ce changement passe par le terrain électoral et institutionnel. J’en suis heureux car c’est une stratégie que je privilégie depuis l’origine. Les résultats des dernières années ne sont pas le fait du hasard. Nous sommes, en effet, dans une lame de fond et une dynamique profonde, puissante, qui peut être freinée, parasitée, mais pas stoppée. Notre candidature aux législatives s’inscrit dans la continuité de cette dynamique qui se poursuit, s’amplifie et appelle de prochaines victoires.
- Pensez-vous que la société corse est prête pour le changement ?
- Elle est prête. Il suffit de voir les débats de fond à la CTC. L’étude de faisabilité d’une compagnie maritime régionale adoptée à la quasi-unanimité. Le principe de co-officialité de la langue corse voté à une large majorité. Le consensus pour maintenir les dispositions essentielles des arrêtés Miot. La mise à l’étude du statut de résident… Ces fondamentaux de notre combat sont, aujourd’hui, tombés dans le domaine public, tout le monde s’en réclame. Elle est là notre vraie victoire ! Quand nos idées deviennent les idées du plus grand nombre, c’est déjà gagné ! A partir du moment où le combat des idées est en passe d’être gagné, la traduction électorale suit naturellement. Ce n’est pas la peine de presser le pas ou de précipiter les choses. Soyons au rendez-vous, et les choses viendront naturellement. Nous avançons sûrs de nos convictions et de notre capacité à convaincre. Nous avons raison d’être optimiste.
Propos recueillis par Nicole MARI
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