Dans un essai fort documenté et aux solides argumentations, le journaliste Jean-Michel Verne retrace, sur un mode nerveux et en moins de 250 pages, le démontage d'un formidable réseau de corruption et trafic d'influence comme de détournement de fonds publics et de blanchiment de fonds douteux. Un réseau qui a fait main basse notamment sur un pactole par essence du genre nauséabond. Les déchets ménagers de l'agglomération marseillaise et des communes limitrophes des Bouches-du Rhône.
Le livre offre une synthèse de l'enquête conduite par la JIRS de Marseille à partir d'une lettre anonyme déposée le 2 Février 2009 sur le bureau du procureur de la République Jacques Dallest. Bien plus qu'une lettre anonyme, il s'agit en fait d'un réquiitoire contre Jean-Noël Guérini, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône.
Moins d'un an après les élections houleuses de 2008, la dite lettre trace un portrait peu amène d'Alexandre Guérini, le frère du Président. Elle
donne à entendre qu'Alexandre s'est largement servi du poids politique de Jean-Noël pour développer ses propres affaires et, pire encore, suggère qu'au-delà d'un simple débordement il y a une
véritable entente fraternelle!
D'une lettre à l'esprit
Conduit par un vrai journaliste d'investigation,- Jean-Michel Verne a été le directeur-adjoint de la rédaction du quotidien corse 24 Ore- , ce livre a pour premier mérite d'avoir synthétisé et
clarifié une affaire servie au public comme un feuilleton à l'américaine aux multiples rebondissements concomitants à l'avancée d'une procédure toujours en cours. Une affaire qui aura eu des
retombées jusqu'en Corse où ont été mis à jour, ici et là, des détournements de fonds publics transitant par des sociétés écran implantées dans les Bouches-du-Rhône et qui sont très sérieusement
soupçonnées d'avoir permis le blanchiment de fonds publics détournés dans la région marseillaise en usant des mêmes mécanismes au profit, encore et toujours, des mêmes personnages aussi troubles
que louches.
Deuxième mérite de ce livre, l'éclairage précis de ce montage à la fâcheuse tendance maffieuse et nécessairement fort complexe puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de se jouer du fisc - en toute
légalité, excusez du peu - mais aussi de contourner les dispositions prises pour contrer les filières de blanchiment de l'argent sale. Ce montage s'articule sur un réseau transfrontalier de
sociétés écrans et de comptes bancaires à l'étranger pour "recycler ses prises". Afin de les assurer, il développe une trame locale de connivences plus ou moins infiltrées dans les appareils de
décision que sont les appareils économiques, politiques et même crapuleux.
Des appareils qui, par ailleurs, sont moins cloisonnés ou moins étanches entre eux qu'il n'y paraît.
La complexité même de pareils montages avait justifié la création en Octobre 2004 des Juridictions Inter-Régionales Spécialisées (JIRS) qui regroupent des magistrats du Parquet et de
l'Instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Dans l'affaire traitée par Jean-Michel Verne, c'est la JIRS de Marseille
qui a hérité de ce dossier aux multiples ramifications.
Au-delà de ses mérites, ce livre suscite néanmoins un malaise tant il paraît difficile de faire la part non du vrai et du faux mais tout au moins des informations strictement journalistiques et
de celles pouvant relever de la violation du secret de l'instruction. Ce livre, qui ne s'en tient qu'aux faits sans les noyer de commentaires, pose une fois de plus la question des relations
forcément complexes entre le souci d'informer et celui de ne pas entraver, par des révélations hasardeuses, la marche d'un appareil judiciaire nécessairement lent. Ceux qui sont à l'origine de
cette marche ne tiennent guère à ce que leurs efforts s'effondrent sur un vice dde procédure.
Or, ainsi que l'attestent les billets publiés dans son blog , Jean-Noël Guérini, dont l'immunité parlementaire n'a été levée que le 5 Mars, fait reposer sa défense sur la violation du secret de
l'Instruction comme il met en avant la présomption d'innocence et en faisant valoir sa sérénité de président du conseil général des Bouches-du-Rhône.
Face à la presse, il n'a de cesse de proclamer son innocence et vitupère contre l'instrumentalisation de cette affaire par ses ennemis politiques. Où placera-t-il ce livre qui l'accable ?
M. C.
Le livre est depuis le 22 mars 2012 dans toutes les librairies. Prix 18,90 euros