C'est entouré d'une gauche bastiaise apparemment réunifiée que Jean Zuccarelli, candidat aux élections législatives de juin prochain pour le PS et le PRG, a officiellement présenté son suppléant, Francois Orlandi, maire de Tomino et conseiller général du canton de Capo Bianco. Un suppléant, comme une union, que l'on n'attendait pas dans cette 1ère circonscription de la Haute-Corse très disputée où le candidat de gauche devra affronter un député sortant UMP grand favori et un challenger nationaliste qui a le vent en poupe.
C'est une belle photo de famille. L'image est d'autant plus belle qu'elle n'était pas acquise, ni au moment de l'investiture commune des instances nationales PS et PRG au mois de décembre dernier, ni dans les semaines qui suivirent, tant l'amertume des socialistes était palpable. Et pourtant, jeudi matin, ils étaient tous présents, derrière le candidat officiel, Jean Zuccarelli, qui, dans un restaurant du Vieux Port, présentait son suppléant, Francois Orlandi, maire de Tomino et conseiller général du canton de Capo Bianco.
Tous, des plus réfractaires aux plus fidèles : le premier secrétaire fédéral du PS Laurent Croce et sa fille Emmanuelle de Gentili évincée de l'investiture, le maire de Bastia Émile Zuccarelli et François Tatti, un des prétendants à sa succession, Alex Alessandrini et les élus municipaux PS et PRG, le président du Conseil général Joseph Castelli, des conseillers généraux et des maires de gauche de la circonscription dont Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l'association des maires de Haute-Corse, etc.
L'ombre du patron
Alors, oubliées les rancœurs et les ambitions qui fâchent ? Se sont-elles, comme par magie, noyées dans les impératifs de la campagne électorale ? Peut-on croire à un véritable front uni derrière Jean Zuccarelli ?
La réponse est, peut-être, à chercher du côté de l'exécutif de l'assemblée de Corse et de son président qui a, de toute évidence, imposé à sa majorité une union à marche forcée. C'est également son ombre que l'on peut deviner derrière la présence de François Orlandi, que l'on n'attendait pas en suppléant et qui, dit-on, se serait fait tirer l'oreille avant d'accepter d'endosser le rôle. Mais ce proche de Paul Giacobbi s'est, comme ses collègues bastiais ou ceux de la 2ème circonscription de Corse du Sud, plié à la stratégie électorale du véritable patron de la gauche corse qui affiche son intention de réaliser le grand chelem aux législatives.
Les présidentielles d'abord
Et Jean Zuccarelli peut bien, d'entrée de jeu, se féliciter du "soutien essentiel de François Orlandi dans ce combat qui, de ce jour, est le nôtre" et des fédérations du PRG et du PS. Mais la bataille pour les législatives ne commencera officiellement qu'après le 7 mai, le candidat et son suppléant entendent d'abord s'investir pour François Hollande. "Nous avons la certitude que la France et, plus particulièrement, notre île ont besoin au plus vite du vrai changement dont est porteur notre candidat à la présidence de la République. Ensuite, nous ferons campagne pour lui donner une majorité àl'Assemblée nationale et permettre à la Corse et à la 1ère circonscription de Bastia de bénéficier pleinement de ce changement initié en 2010 avec l'arrivée de la gauche aux responsabilités à la région".
Haro sur le sortant
Et si Jean Zuccarelli envisage ce combat avec "confiance et détermination", c'est qu'il est sûr, non seulement de la victoire de la gauche à la présidentielle, mais aussi des dommages collatéraux que, selon lui, ne manquera pas d'occasionner le bilan de Nicolas Sarkozy sur le candidat Sauveur Gandolfi-Scheit. "Le député sortant est co-responsable du bilan de Nicolas Sarkozy. Il a été un soutien constant et actif de sa politique. Il a voté les lois dont nous payons aujourd'hui le prix : le chômage, l'insécurité, le déficit extérieur abyssal, une dette colossale qui nous vaut le chantage des marchés. Cette responsabilité, il va falloir l'assumer". Une charge nationale contre le grand favori du scrutin législatif dans la circonscription tant il est difficile d'attaquer son bilan local.
Priorité à la sécurité
Sûr également de sa victoire dans le sillage de celle de son champion présidentiel, Jean Zuccarelli affirme avec force qu'il sera "le député d'un état responsable qui assumera ses missions régaliennes devant les assassinats qui se répètent, la hausse de la délinquance, les attaques envers les élus qui menacent la démocratie".
Il affiche ses priorités : en premier lieu, " la sécurité en demandant le renforcement des moyens de la police, de la gendarmerie et de la justice". Il se veut également "le député du service public et du développement économique" et soutenir "une Corse qui produit et se vend à l'extérieur pour permettre à la jeunesse de travailler et de vivre chez elle".
La parole de la Corse
Enfin, ses deux principaux adversaires, l'UMP Sauveur Gandolfi-Scheit et le nationaliste Gilles Simeoni ayant fait, de la défense des intérêts de l'île, leur cheval de bataille, Jean Zuccarelli ne pouvait rester à la marge. Il assure donc qu'il sera, lui aussi, "le défenseur de la Corse", qu'il portera "sa parole à l'assemblée nationale" et fera "respecter son image et son identité". Une manière également de prendre ses marques par rapport à un héritage familial très jacobin face à un électorat de plus en plus sensible à la fibre corsiste.
Un suppléant corsiste
De ce point de vue-là, le choix de François Orlandi, comme suppléant, parait tout à fait judicieux. Se désignant lui-même comme "un homme de gauche surtout engagé pour la Corse", le maire de Tomino veut être "le pilier corsiste de cette candidature".
Membre de l'exécutif de la CTC, il s'inscrit dans le droit fil "de la politique progressiste initiée par Paul Giacobbi" et justifie son engagement dans cette campagne par le fait que Jean Zuccarelli " est unélément de base de la politique de Paul Giacobbi sur la région".
Enfin, l'élu du Cap Corse va souligner que "l'attelage" qu'il forme avec le candidat bastiais "représente ce qu'il est intéressant de développer et dans une campagne électorale, et dans une démarche politique. Jean représente une ville, un centre urbain de premier plan, et ma présence est celle de la ruralité. S'entendre et s'unir dans ce cadre-là, c'est essayer de porter encore plus fort cette parole. On a des choses à dire et à faire ensemble, la complémentarité se fait dans la diversité".
Une élection disputée
Le binôme compte donc profiter à plein de la dynamique que créerait la victoire de François Hollande pour ravir son siège au député sortant. Reste que la victoire annoncée est loin d'être acquise et que, vague rose ou pas, il sera bien difficile de déloger un Sauveur Gandolfi-Scheit qui, en l'espace d'une mandature, s'est solidement ancré sur un territoire qu'il n'a cessé de parcourir et de soutenir. Le choc du bilan national contre le bilan local pourrait bien être à l'avantage du sortant.
Sans oublier le troisième homme, Gilles Simeoni, avec lequel il faudra compter. Le leader nationaliste devrait conforter, dans ce scrutin très personnalisé, la poussée remarquable de son courant aux dernières élections territoriales et cantonales. D'autant que se dessine, en toile de fond, un enjeu fortement municipal.
C'est peu dire que ce scrutin sera âprement disputé. La campagne, déjà virulente, devrait se durcir au lendemain des présidentielles. Et permettre à chacun de prendre la mesure de son poids politique et de vérifier la réalité des soutiens affichés.
N. M.
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