Membre du bureau exécutif de Corsica Libera et candidat aux élections législatives de juin prochain dans la 2ème circonscription de Haute Corse, Petr'Anto Tomasi revient, pour Corse Net Infos, sur l'appel solennel lancé par son mouvement pour l'union des nationalistes contre la violence. Il explique la nécessité d'un sursaut collectif pour construire une autre Corse.
- Pourquoi lancer un appel solennel à l'ensemble des forces nationalistes ?
- Face à la situation de chaos et de déstructuration de la société corse, à cette spirale destructrice, nous dressons, une nouvelle fois, le constat de la faillite de l'Etat qui, non seulement a laissé, pendant des décennies, proliférer des groupes mafieux en s'occupant uniquement des nationalistes mais qui, aujourd'hui, attise les haines. Les causes de cette dérive mafieuse et de ces affrontements entre Corses, c'est-à-dire la spéculation immobilière, le trafic de drogue et la mainmise de certains groupes sur des secteurs entiers de l'économie, entraînent la Corse dans le chaos. A cette situation, nous proposons une alternative autour de propositions claires : la citoyenneté corse pour diminuer les enjeux liés à la spéculation, la création d'un organisme d'évaluation des politiques publiques et la mise en œuvre d'un code des investissements pour contrôler l'entrée de capitaux étrangers au sein de l'économie corse. Et, nous appelons à un sursaut collectif autour de la seule force qui, selon nous, est capable d'offrir cette alternative, c'est-à-dire le mouvement national.
- Cet appel signifie-t-il que la discussion est difficile entre nationalistes ?
- Nous avons des discussions plus ou moins formalisées avec les autres formations nationalistes sur certaines thématiques, dont les propositions que je viens d'énoncer et sur lesquelles il n'y a pas d'opposition. Nous pensons qu'il faut dépasser le stade du constat, franchir une autre étape et proposer une alternative concrète autour d'une déclaration commune formalisée et d'une manifestation qui matérialiserait cette alternative.
- Vos précédents appels n'ont pas trouvé d'écho chez les modérés. Croyez-vous que celui-ci aura plus de succès ?
- Nous avons rencontré à plusieurs reprises ces organisations qui n'ont pas manifesté d'opposition, ni au fait de travailler de concert, ni sur le fond du projet de Corsica Libera. Nous pensons qu'avec une trentaine d'homicides par an dans une île qui compte 300 000 habitants, la situation le commande. Ce sera, ensuite, de la responsabilité de chaque organisation d'assumer ses positions. Nous ne pouvons pas anticiper leur réponse, mais nous sommes confiants.
- Les modérés refusent toute union sans renonciation préalable à la violence. La ferez-vous ?
- Face au nombre d'homicides par an, mettre en avant l'action de la clandestinité est hors sujet. Premièrement, l'abus de la force, aujourd'hui, n'est pas du côté des clandestins, mais de l'Etat et de groupes qui font pression sur la société corse pour une mainmise sur l'économie. Deuxièmement, la priorité est de lutter contre cette violence, la seule qui opprime véritablement les Corses, celle qui endeuille, qui touche, qui fait que des mères pleurent leurs enfants, que des enfants grandissent sans leur père. La question de la clandestinité n'est pas au centre du débat politique, y compris au sein de la Commission violence de la CTC, et ne serait être un préalable à toute discussion.
- Vous reprochez aux modérés de refuser votre main tendue, mais, lors d'élections, vous ne jouez pas toujours le jeu du report des voix sur leur candidat ?
- Nous avons, par le passé, appelé clairement à voter, quand nous étions absents au second tour, pour un candidat nationaliste. Mais cette démarche ne peut pas être à sens unique. Le mouvement national doit être pluriel. Il est hors de question pour nous de fusion ou de parti unique. Pour autant, il doit être cohérent, c'est-à-dire que, sur les grands sujets, il doit, au delà de sa diversité, proposer une offre commune aux Corses. Si, lors des prochaines élections, l'un des deux courants nationalistes est absent du second tour, la dynamique commune se fera de façon naturelle. Mais, si nous continuons à parler de façon séparée en appelant à des convergences larges, ce sera moins évident.
- Pourquoi ?
- Parce qu'avant de s'ouvrir à d'autres forces, nous devons être en mesure de présenter un projet cohérent et commun du mouvement national. Face à la situation que connait la Corse, nous devons parler d'une même voix, sans pour autant mettre de côté ce qui nous sépare et nous différencie.
- Cet appel à l'union intervient juste après l'assassinat de deux nationalistes dans le Fiumorbu. Y a-t-il une relation ?
- Nous nous inclinons, d'abord, devant la douleur des familles. Il s'agit de militants nationalistes de la première heure, impliqués notamment, en ce qui concerne Jo Sisti, dans le processus du Fiumorbu à la fin des années 90. Notre appel d'aujourd'hui ne concerne pas le Fiumorbu, même si cette région est fortement touchée par les drames, mais la Corse en général, la spirale autodestructrice dans laquelle elle s'enlise. Nous faisons un constat, nous proposons des solutions. Et nous n'avons ni la vocation, ni la légitimité à commenter tel ou tel fait.
- Vous parlez de fuites organisées par la police pour créer le chaos.
- La Corse vit une situation dramatique d'affrontement entre Corses. L'Etat, par le biais de ses pouvoirs régaliens, est censé maintenir l'ordre. Au lieu de ça, il attise la haine et permet à ces affrontements de se poursuivre et de prospérer. Il faut que ces méthodes indignes d'un Etat démocratique cessent, que les Corses ne tombent pas dans ces manoeuvres insidieuses. Les Corses, de façon générale, ne sont pas exempts de responsabilité, pour autant l'Etat, qui est censé être le garant de l'ordre d'un pays, est aujourd'hui une force de désordre.
- Dans que but ?
- La politique de l'Etat, depuis des années, vise à laisser prospérer la violence en Corse par démission. Si certains groupes mafieux ont pu prospérer, c'est, d'abord, parce que tous les moyens ont été mis contre le mouvement nationaliste depuis les années 70. Ensuite, il y a un jeu malsain qui vise à assimiler nationalisme et grand banditisme. Ce que nous récusons.
- Pensez-vous que votre projet peut réellement assainir la situation ?
- Nous n'avons pas de baguette magique. Les institutions corses ne bénéficient pas des pouvoirs régaliens de police et de justice qui appartiennent à l'Etat. En revanche, nous pouvons mettre en œuvre une alternative permettant de réguler le fonctionnement de la société corse en matière immobilière. Il est avéré que la spéculation et la hausse exponentielle des prix sont à l'origine de nombreux assassinats. Nos propositions sont concrètes et sont les seules, aujourd'hui, sur la table pour lutter contre la violence.
- Vous avancez l'idée d'une manifestation. Pour quoi faire ?
- La manifestation est un moyen de matérialiser cet accord politique et de permettre à tous les Corses qui le souhaitent de s'associer de manière active à cette démarche commune, impulsée par les organisations nationalistes. Cette démarche doit être un sursaut collectif de l'ensemble des Corses pour dire : Stop à cette spirale autodestructrice ! Mobilisons-nous pour un projet commun.
- Comme remède à la violence, François Hollande et son candidat local Jean Zuccarelli proposent de renforcer la police et la justice, Nicolas Sarkosy et le préfet de région parlent de désarmer les Corses.
- Tous bottent en touche et ne traitent pas les vrais problèmes. La problématique n'est pas de renforcer les pouvoirs régaliens de police et de justice, mais d'empêcher ces services de sortir de leur rôle et d'attiser les haines. Quant à désarmer les Corses, à culpabiliser le chasseur ou la personne inscrite dans un club de tir professionnel, c'est totalement hors sujet. La solution est de sérier les causes principales de cette violence : la spéculation, la drogue et la mainmise sur certains secteurs de l'économie, et de créer les conditions pour diminuer les enjeux à travers notamment la citoyenneté corse, un PADDUC contraignant et la transparence en matière de fonds publics.
- Etes-vous inquiet pour l'avenir ?
- Nous dressons un constat de chaos. Malgré tout, il faut maintenir l'espoir et le concrétiser avec une manifestation d'ampleur et un projet qui émane des Corses eux-mêmes. Il n'y a pas de fatalité, une autre Corse est possible qui demande des actes clairs et un projet fort. Nos propositions sont soumises à débats. Nous appellerons, dans les semaines qui viennent, à ce sursaut collectif des Corses avec l'ensemble du mouvement national.
Propos recueillis par Nicole MARI
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