Le départ inexpliqué du président de l'exécutif, après sa présentation du rapport du compte administratif, son absence pendant le débat et son retour, une fois le vote clos, a déchainé les foudres de l'opposition, tant de droite que nationaliste. Autre surprise, pour la première fois depuis longtemps, le groupe de droite a eu, au moment du vote, une position de groupe et a tenu à le faire savoir.
Le compte administratif est le document comptable qui permet de faire le constat sur une année de la politique menée par l'exécutif. Il est, en ce sens, considéré, par l'opposition, comme un document plus important que le budget primitif car il met en exergue toutes les faiblesses de la gestion et permet de dégager des tendances. "Le débat sur le compte administratif n'est pas neutre. Il ne s'agit pas d'une évaluation, mais d'un exercice politique", affirme, d'emblée, Jean Biancucci, élu de Femu a Corsica.
Des taxes enfin recouvrées
C'est dire si la disparition inopinée et inédite du président de l'exécutif, juste avant le débat, a fait polémique. Paul Giacobbi avait pourtant commencé, de manière ordinaire, à présenter le rapport sur le compte administratif 2011, en se félicitant de l'excédent constaté de 22 millions € par rapport au budget primitif et de la baisse corrélative du recours à l'emprunt. Il s'est également réjoui de la stabilité du niveau d'endettement et du recouvrement rétroactif sur trois ans des taxes de transports, que les compagnies maritimes omettaient de manière récurrente de payer, et qui a permis de récupérer plus de 4,3 millions €. Les compagnies maritimes négligentes, sous la menace de l'enquête de l'Inspection générale des finances, se sont soudain empressées de régler leurs ardoises.
Puis, la présentation faite, le président de l'exécutif s'est éclipsé furtivement.
Un absence très critiquée
C'est Marie-Antoinette Santoni-Brunelli, élue du Groupe Rassembler pour la Corse, qui, la première, s'est émue de cette disparition. "C'est une attitude inacceptable. C'est la première fois que le président n'assiste pas au débat".
A sa suite, Paul-Félix Benedetti de Corsica Libera et Jean Biancucci ont exprimé leur indignation. "Nous posons des questions et nous n'avons pas de réponse. L'absence du président de l'exécutif prive simplement l'Assemblée de sa fonction qui est le débat démocratique. C'est une pratique inédite. Démocratiquement, c'est insupportable. Politiquement, c'est inacceptable", tonne, à plusieurs reprises, Jean Biancucci.
Un rapport taclé
Si l'absence temporaire de Paul Giacobbi a effectivement plombé le débat, elle n'a pas empêché l'opposition de sonner la charge contre le rapport présenté.
Marie-Antoinette Santoni-Brunelli a, notamment, dénoncé la baisse des dépenses d'investissements sur certains secteurs. "Il y a des reculs étonnants par rapport à 2010 : -64% sur la formation professionnelle, -17% sur la santé, -8 millions € sur les transports et -31 millions € par rapport à 2008-2009". Elle fustige également la baisse des dépenses d'investissements sous la maîtrise d'ouvrage de la CTC au profit de tiers. "On passe de dépenses fondamentales pour la Corse à des dépenses obligées qui ont des conséquences sur nos recettes".
Embrayant sur cette dernière question, Paul-Félix Benedetti enfonce le clou : "On est bon là où il suffit de donner un chèque et la CTC n'est plus le moteur de l'action économique".
Une logique de guichet
Imité par Jean Biancucci qui estime que "l'exécutif privilégie la logique de guichet, bien plus rentable politiquement que celle des projets. Les subventions ont augmenté de 49% par rapport en 2010". Il va, ensuite, s'attaquer au "manque de dynamisme" des recettes de la CTC et le "manque d'autonomie fiscale".
Pour l'élu nationaliste, "la gouvernance actuelle de la CTC, soit n'est pas en mesure de tenir les engagements annoncés, soit ceux-ci sont irréalistes. Pour nous, l'exécutif a adapté la structure financière de la CTC à une stratégie de gestion qui, à terme, consommera toutes nos marges de manoeuvre financière".
Jean Biancucci va ensuite demander des explications sur la flambée des dépenses liées aux personnels. "Il faudra nous expliquer comment les frais de personnels sont passés de 20 millions € en 2005 à 53 millions € en 2011. Cette tendance a singulièrement progressé depuis 2010. Il y a une augmentation de 7,69%. Le poste personnels représente 13,44% des dépenses réelles de fonctionnement. La CTC ne pourra pas supporter plus de progression dans ce domaine". L'élu de Femu a Corsica conclut : "Ce sont autant d'éléments qui renforcent nos inquiétudes sur la situation financière d'avenir de la CTC".
Un remplaçant au pied levé
En l'absence de Paul Giacobbi, c'est Paul-Marie Bartoli qui va, au pied levé, tant bien que mal, tenter de répondre aux critiques de l'opposition, bottant, la plupart du temps en touche, pour, au final, ne réussir qu'à attiser la polémique. "C'est vrai qu'il y a une baisse des investissements en maître d'ouvrage de la CTC, mais c'est très vertueux d'avoir aidé des collectivités à réaliser leurs efforts d'investissements. C'est vrai qu'il faut nous recentrer sur nos compétences et poursuivre une politique d'investissements plus dynamique, mais c'est plus facile à dire qu'à faire !" Sa réponse sur les recrutements massifs de le CTC depuis 2010 déclenchera l'hilarité de l'opposition. "Il n'y a pas de recrutements superflus, il faut bien faire fonctionner la maison".
Surprise à droite
Le vote du compte administratif a réservé une autre surprise. Pour la première fois, depuis fort longtemps, la droite s'est pliée à une discipline de groupe et le fait savoir. "Le groupe va voter de façon unanime. Comme il y a des avis partagés au sein du groupe et que nous avons décidé de faire un vote de groupe, nous avons opté pour une non-participation de notre groupe", insiste Marie-Antoinette Santoni-Brunelli.
Cette discipline de vote est quasiment un scoop, tellement elle est inhabituelle au groupe de droite qui se distingue ordinairement par des votes éclatés, pour ne pas dire incohérents, qu'Ange Santini, excédé, avait dénoncés en fin d'année 2011. Elle semble initier une nouvelle stratégie, qui, pour l'instant, cède à la facilité : la non-participation. Il sera intéressant de voir si, dans l'avenir, cette unanimité affichée survivra à une décision de vote contre un rapport de l'exécutif.
Le groupe Femu a Corsica a, comme son habitude, voté contre le rapport, imité par les élus de Corsica Libera.
Au final, le rapport a été, sans surprise, adopté.
Et, le président Giacobbi a tranquillement regagné sa place dans l'hémicycle, pour la poursuite de la session.
N. M.
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Hauteville (vendredi, 27 avril 2012 16:56)
Je crois bien que la.loi oblige le président à quitter la séance ...les élus et les grands politologues ont besoin de cours du soir
Autre ... (mardi, 01 mai 2012 09:07)
Je suis du même avis que Hauteville, Monsieur Biancucci vous devriez le savoir, inutile de vous offusquer plus que de raison.....
Cusi sia (mardi, 01 mai 2012 09:57)
Erreur. Le président de l'exécutif doit assister au débat ou se faire représenter par un vice-président. La loi l'oblige à quitter l'hémicycle avant et pendant le vote. Mais il doit assister au débat, répondre aux questions et rendre compte de sa gestion devant les élus. Là, il s'est défilé !