Cet ancien Saint-cyrien, âgé d’une cinquantaine d’années, a été ordonné évêque le 14 avril à Ajaccio pour diriger l’Eglise de Corse, sede vacante depuis le départ de Mgr Brunin pour le Havre en septembre dernier. Mgr Olivier de Germay évoque, pour Corse Net Infos, les défis de sa nouvelle charge qu’il entend affronter avec confiance et humilité sur une terre meurtrie par une violence chronique et dans un diocèse secoué par la discorde.
- Vous venez de prendre votre charge d'évêque de la Corse. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
- Je ne connaissais pas la Corse avant d'y avoir été nommé évêque. J'arrive ici dans l'humilité de celui qui a tout à découvrir, de l'étranger qui parvient quelque part et qui doit se faire accepter. En même temps, j’éprouve de plus en plus d'émerveillement devant cette île que je trouve magnifique. Je suis loin de l'avoir parcourue en long et en large. J'ai simplement fait la route entre Ajaccio et Bastia, et c'est vraiment très beau. Je suis aussi très touché par la chaleur des habitants. J'ai reçu énormément de témoignages de sympathie, de paroles de bienvenue et d'encouragement.
- Vous avez été nommé évêque spécialement pour le diocèse d’Ajaccio. Est-ce un signe important ?
- Pour moi, c'est d'abord un appel puisque ce n'est pas quelque chose que l'on choisit ou que l'on désire. Dans l'Eglise, il ne faut surtout pas être un ambitieux. Cet appel, que j'ai reçu, m'est tombé dessus un peu comme une douche froide. Mais, en même temps, il est une expérience spirituelle tellement la charge est grande et lourde. Je découvre, en ce moment, tout ce qu’elle représente. Je fais l’expérience qu’elle me dépasse, mais je crois profondément qu’elle est un appel qui vient de Dieu. Et je sais que, quand Dieu appelle, il donne la force. Je suis confiant.
- Quelle sera votre priorité en tant qu’évêque ?
- Ma priorité est de me laisser guider par l’Esprit Saint. Ce qui signifie que je n’arrive pas ici avec des priorités toutes faites. Je vais prendre le temps de découvrir le diocèse, de rencontrer les gens, de sentir quelles sont leurs attentes. Ensuite, avec d’autres, avec mes collaborateurs qui sont tous sous la conduite de l’Esprit de Dieu, nous déciderons sur quoi concentrer nos efforts.
- Vous arrivez sur une île meurtrie par une violence chronique et qui ne trouve pas la paix. Quel rôle peut jouer l’Eglise ou l’évêque dans ce contexte-là ?
- J’ai pris conscience de cette réalité depuis que je suis ici. La violence est un problème qui me touche. Elle est, d’abord, un drame parce que, à chaque fois, des vies sont brisées. C’est un drame pour les victimes, mais c’est aussi un drame pour ceux qui commettent cette violence.
Alors, que puis-je faire en tant qu’évêque ? Je ne peux résoudre ce problème à moi tout seul. Tous les Chrétiens sont concernés, mais pas qu’eux, aussi tous les hommes et les femmes de bonne volonté. Il ne suffit pas de condamner ceux qui commettent la violence, même si, parfois, il faut le faire, et peut-être que j’aurais à le faire. Je ne condamnerais pas les auteurs, mais la violence elle-même. Il faut, peu à peu, transmettre une culture de la vie et de la paix. C’est un travail à faire en profondeur dans les familles, vis-à-vis des enfants et des jeunes. Je suis impressionné de voir des jeunes passer, parfois, plusieurs heures par jour, à jouer à des jeux vidéo dont le but est de détruire et de tuer. Comment ces enfants peuvent-ils être habités par la paix, s’ils se nourrissent en permanence de cette violence ?
- Mais ce n’est pas spécifique à la Corse, c’est même un des traits dominants du monde d’aujourd’hui…
- La violence a pris une tournure particulière en Corse, liée à son histoire, à une tradition, mais le problème de fond est le même. Le cœur de l’homme est blessé. En tant que Chrétien, nous avons un message à porter. Nous croyons que le Christ est notre paix, qu’Il est celui qui vient nous pacifier intérieurement. Car, la violence n’est pas uniquement le fait des terroristes ou de ceux qui tuent, elle est dans mon cœur, dans le vôtre… Dans le cœur de tout homme, il y a une part de violence et nous avons besoin de Dieu pour faire surgir de nous ce qu’il y a de meilleur : c’est-à-dire la paix et la fraternité.
- N’est-ce pas plus difficile pour votre première charge d’évêque de venir sur cette île où prédomine ce climat de violence. N’auriez-vous pas préféré un endroit plus pacifié ?
- Oui, c’est plus difficile. Mais cela ne me fait pas peur. Les défis sont là. Ailleurs, il y a d’autres défis. Ici, il y a celui-là. Accueillons-le et, avec la grâce de Dieu, essayons de voir ce que nous pouvons faire. Dieu va nous aider à y faire face.
- Vous arrivez également dans un diocèse qui a connu la discorde et les tensions sous votre prédécesseur. Comment comptez-vous agir ?
- Je vais m’efforcer d’être un artisan de paix. Je prends connaissance de ces histoires douloureuses. Il ne faut ni les ignorer, ni les nier. En même temps, je me rends compte qu’elles ont souvent été amplifiées par des paroles. Peut-être faut-il parler moins et agir davantage ! Mon souci est maintenant de tourner la page, d’aller de l’avant. S’il y a des réconciliations à vivre, il faut les vivre. Sinon, ce n’est pas la peine de se dire disciple du Christ. Il faut s’aimer les uns, les autres car nous avons autre chose à faire qu’à nous entredéchirer. Nous sommes là pour annoncer l’amour de Dieu, il faut donc commencer par le pratiquer au quotidien.
- On dit que la Corse est une terre de foi, où les églises sont plus remplies qu'ailleurs. Est-ce votre sentiment ?
- Je sens que le peuple corse a une âme. Il est profondément lié à la foi chrétienne qui est présente, ici, depuis très longtemps. Cela se voit et se ressent. Je me réjouis de toute cette religiosité populaire qui existe, de toutes ces manifestations de foi que je trouve très belles. En même temps, je n'aurais de cesse de dire aux Catholiques de ce diocèse : ayons toujours le souci d'approfondir notre foi, notre enracinement dans le Christ. Car, si l’on veut être un croyant authentique, il faut être capable, en permanence, de se remettre en question.
- L’île et ses petits villages souffrent cruellement de prêtres. Que pouvez-vous faire contre cette crise de vocation ?
- Les prêtres ne tombent pas du ciel. Ils naissent dans des familles qui, le plus souvent, sont des familles chrétiennes. La question des vocations, c'est la question de la transmission de la foi et de la pratique de la foi. Si les gens font vivre leur foi, s’ils prient en famille, s’ils vont à la messe, des vocations naîtront. S’ils négligent d'approfondir leur foi et de la transmettre, il n'y aura plus de vocation. Tout le monde doit se sentir interpelé par cette question, et pas simplement l'évêque à qui on ne peut pas demander de sortir des prêtres de sa poche.
- Comment considérez-vous les confréries qui sont un élément important de la vie de l’Eglise insulaire ?
- Les confréries sont, pour moi, quelque chose de totalement nouveau. Là où j’étais à Toulouse, il n’y en avait pas. Donc, je découvre. Les chants sont très beaux. Les confréries sont peut-être un moyen qui nous aide à prier. Elles amènent pas mal d’hommes dans les églises. Je les prends comme une chance. J’ai eu l’occasion de discuter avec certains de leurs membres qui sont tout à fait d’accord pour que nous mettions en place une collaboration parce que nous avons besoin d’eux et qu’ils ont besoin de nous. Ils sont aussi en attente d’approfondir leur foi. Donc, je suis très confiant.
- Que la Corse soit la terre de la Vierge Marie semble vous ravir ?
- Pour moi, c’est vraiment une bénédiction que la Corse soit consacrée à la Vierge Marie, qui a une place très importante dans ma vie. Elle est celle qui nous conduit à Jésus. « Faites tout ce qu’il vous dira », dit-elle dans l’Evangile. Marie, si elle a sa juste place dans notre vie spirituelle, c’est vraiment du bonus, c’est un cadeau. Elle nous aide à grandir dans la foi.
Propos recueillis par Nicole MARI
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