Affluence publique, mercredi soir, à la séance du Conseil municipal de Bastia, au grand déplaisir du maire Emile Zuccarelli. Ce n’était pas le vote du compte administratif, ni les autres sujets à l’ordre du jour qui ont suscité une telle assistance, mais la question orale de l’opposition nationaliste sur la modification du PLU permettant le relogement de la communauté des gens du voyage dans le quartier d’Agliani. Le maire bottant en touche, la polémique a tourné court, et les habitants de ce quartier sont repartis aussi inquiets qu’à l’arrivée.
La pratique est désormais bien rodée. Chaque fois que les habitants d’un quartier de Bastia ne parviennent pas à se faire entendre de leur édile, ils n’ont plus d’autre recours que de faire appel à l’opposition nationaliste et à son leader, Gilles Simeoni, pour relayer leurs doléances et leurs inquiétudes. Au grand dam d’Emile Zuccarelli et de son équipe obligée, chaque fois, devant le déferlement médiatique, de monter au créneau.
La séance du conseil municipal de Bastia n’a pas dérogé à ce qui devient quasiment une règle et la modification du PLU concernant le chemin d’Agliani a pris, ce mercredi soir, à dix jours du premier tour des législatives, des allures de chemin de croix.
Satisfecit sur le budget
La tension, suscitée par une affluence record sur les travées publiques, était palpable dès l’ouverture de la séance, qui a débuté par l’examen et le vote du compte administratif 2011. Dans un discours parfaitement rodé et traditionnellement satisfait, Ange Rovere, le premier adjoint délégué aux finances s’est plié, comme de coutume, à la présentation du compte en se félicitant des résultats obtenus. Globalement, les dépenses réalisées se sont élevées à 63,57 millions € et les recettes à 70,14 millions €, soit, respectivement, 70% et 77% du budget 2011.
Les dépenses de fonctionnement ont atteint 44 millions €, soit 89% du budget correspondant contre 50,2 millions € de recettes, soit 101%. Ces dépenses, selon Ange Rovere, ont peu évolué et « représentent 948€ par habitant pour une moyenne nationale de 1186€. Le résultat global de fonctionnement est donc excédentaire ».
Les dépenses d’investissement ont totalisé 19,55 millions €, soit 47% du budget et les recettes, 19,93%, soit 48% du budget. Les opérations d’équipement ont réuni 15,81 millions €, soit 63% du budget correspondant. Des chiffres qui traduisent bien « la volonté constante d’entreprendre et de mobiliser des subventions tout en investissant », affirme Francis Riolacci, délégué aux affaires culturelles.
Des projets en attente
A sa suite, Michel Castellani d’Inseme per Bastia néglige le jeu habituel des chiffres pour se livrer à une réflexion sur l’usage du budget, estimant qu’il reste encore beaucoup à faire pour rendre Bastia plus attractive et y améliorer la vie sociale.
Listant les travaux qui n’ont pas été effectués et les retards pris, il insiste sur « la nécessité impérieuse pour la ville d’être, d’abord, accessible rapidement, en particulier par le trajet de la plaine orientale qui est l’axe naturel, l’axe d’avenir. Grâce aux décisions prises à l’Assemblée de Corse, l’axe va fonctionner à peu près correctement jusqu’en Casinca, mais pas au-delà ». Concernant le stationnement en centre-ville, « Il ne suffit pas d’augmenter le prix des parcmètres pour régler le problème », ajoute-t-il.
L’élu nationaliste va, ensuite, détailler les projets d’avenir indispensables au développement de la ville : « Bastia a absolument besoin de desserrer l’espace portuaire parce que la fonction portuaire est essentielle et qu’à l’heure actuelle, on travaille dans des conditions invraisemblables. Ensuite, il manque un palais des congrès, indispensable au rayonnement de la ville, et une gare routière. Ces projets structurants sont à mettre impérativement au menu du prochain Conseil municipal, qui aura lieu dans deux ans ». Une façon pour l’opposant de signifier que « cette assemblée touche à sa fin » et qu’il faudra attendre les prochaines élections municipales de 2014 et un changement attendu de majorité pour que ces projets aient une chance de voir le jour.
Dans l’immédiat, le groupe nationaliste a voté contre le compte administratif 2011, qui a été adopté par la majorité municipale.
La pression du public
Les autres points de l’ordre du jour ont donné lieu aux escarmouches habituelles, que la proximité du scrutin législatif a rendu plus vives, et à des lenteurs inhabituelles, que des esprits chagrins ont imputé à la volonté de l’équipe en place de lasser et de chasser l’assistance, venue en nombre, soutenir l’opposition sur les questions orales, traditionnellement abordées en fin de séance. Mais, le public a tenu bon. Et, sur les quatre questions orales déposées par le groupe Inseme Per Bastia concernant le maintien du refuge des animaux, les tarifs de stationnement en centre ville, la surveillance de la baignade de Ficaghjola et la modification du PLU, seule cette dernière a été examinée sous sa pression. Devant l’affluence des habitants du quartier d’Agliani concernés par cette question, Emile Zuccarelli, quoique fort mécontent, a du, en effet, se résoudre, de mauvais gré, à l’exercice.
Le refus d’Agliani
C’est que la modification du PLU concernant le déplacement de la zone UZAC d’Erbajolo vers le chemin d’Agliani, zone destinée à accueillir les populations de gens du voyage composées de gitans et de manouches, fait polémique. Ce déplacement, décidé dans l’urgence, il y a trois mois, a été imposé, de facto, tant aux gens du voyage qui refusaient de quitter la zone d’Erbajolo que certains occupaient depuis 40 ans, qu’aux résidents d’Agliani qui ne veulent pas de ces nouveaux arrivants.
Ce refus et ce mécontentement général se doublent d’un risque sanitaire du fait que le terrain proposé pour installer les gens du voyage se situe à proximité immédiate du transformateur électrique de la Carbo Sarde, sous la ligne à haute tension, sur un terrain en partie marécageux et inondable.
Gilles Simeoni, le leader de l’opposition nationaliste, va demander au maire de retirer, sans délai et sans façon, la modification du PLU envisagée et « d’engager un cycle de concertation avec toutes les populations concernées : les riverains des terrains proposés pour le relogement, ainsi que les locataires concernés par celui-ci lorsqu’il se fait en HLM. La communauté Gitane désormais éparpillée dans les divers HLM, pour résoudre les problèmes de voisinage et lui permettre de reprendre son activité économique sur un terrain mis à disposition moyennant loyer. Les manouches concernés par le projet de modification du PLU pour leur proposer, comme l’exige la loi, un terrain qui disposera des aménagements nécessaires afin qu’ils puissent y vivre dignement ».
Une enquête publique décisive
C’est Emmanuelle de Gentili, adjointe à l’urbanisme, qui tentera de déminer le terrain.
L’élu socialiste va faire état des difficultés récurrentes à régler une question, celle de loger les communautés de gens de voyage, qui empoisonne la municipalité depuis des décennies. « Malgré notre bonne volonté, il n’y a pas beaucoup de solution. Il n’y a pas beaucoup de terrains. C’est compliqué », avoue-t-elle. Justifiant la modification du PLU « pour tenir compte des évolutions et pour le mieux-être des populations », elle affirme : « On a lancé une enquête publique dont les remontées sont très importantes. Nous ne sommes pas sourds au mécontentement de la population ». S’appuyant sur cette enquête en cours, elle s’engage à suivre l’avis du commissaire-enquêteur. « Si la position du commissaire-enquêteur est négative, le dossier sera stoppé. Si la position est favorable, on ira plus loin dans la concertation. Il n’est pas possible de construire la ville contre la population » assure-t-elle à l’adresse des habitants présents que sa réponse, mi-figue, mi-raisin, ne convainc pas.
« Nous attendons le rapport du commissaire-enquêteur », conclut, en écho, Emile Zuccarelli avant de lever brutalement la séance.
Il refusera d’examiner les autres questions orales, malgré les protestations de l’opposition. « Nous vous avons transmis, en temps et en heure, une liste de questions orales. Vous n’avez pas à décider arbitrairement de ne pas les examiner. Il y a des règles et vos pratiques ! » s’insurge, en vain, Gilles Simeoni. « Attaquez-moi au tribunal administratif ! », rétorque le maire en se levant et en quittant la dalle des délibérations. Un Conseil municipal, somme toute, bien ordinaire à Bastia !
N. M.
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quella (mercredi, 30 mai 2012 21:13)
décidément, les bastiais ont quand meme la chance d'avoir des séances municipales plutot rock'n roll.... il faudrait une opposition comme celle là partout dans toutes les mairies de l'ile, la politique insulaire en sortirait plus intelligente ..
youpi (jeudi, 31 mai 2012 01:33)
Milou a un sens aigu du débat démocratique. C'est même sa priorité.
quella (jeudi, 31 mai 2012 10:24)
à chacun sa notion du "sens aigu"....