Embrun est le nœud d’un drame qui a frappé les habitants d’Isolaccio, en 1808, sous Napoléon I er. À la suite de troubles, 167 hommes et garçons du village, âgés de 7 à 90 ans sont arrêtés sur ordre du général Morand. Ils sont exilés sur le continent et incarcérés à la maison centrale de détention d’Embrun.
En quelques mois, plus de 100 d’entre eux vont y mourir. Tous auraient été enterrés dans le cimetière dit “des condamnés”, aux côtés d’autres défunts de la maison de détention, dans le quartier Sainte-Marthe. De ce cimetière, il ne reste aujourd’hui qu’un terrain privé orné d’un potager.
“Il semblerait qu’on ait honte d’en parler, mais bon dieu, qu’on en parle !”
Alors que la commune corse s’apprête à commémorer le drame, deux femmes passionnées de généalogie ont récemment découvert que leurs descendants y avaient été enterrés. Martine Baignard est l’une d’entre elles.
En avril dernier, cette habitante de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) décide de se recueillir sur la tombe de son ancêtre. Là, elle se heurte à un mur. « Quand j’ai vu le panneau “défense d’entrer”, j’ai été très choquée. Comment un cimetière peut-il être tombé dans le domaine privé ? » Celle qui n’a pourtant pas d’origine corse porte aujourd’hui à bout de bras ce qui est devenu à ses yeux une cause. Ce “devoir de mémoire” devient donc pour elle une obsession.
Elle épluche les plans du terrain, évalue les mesures… Une lettre est envoyée au Sénat et quelques jours plus tard, contact est pris avec la préfecture des Hautes-Alpes. En Corse, une association en mémoire aux victimes prend le relais.
“Mes parents m’ont toujours dit : “le cimetière a été désaffecté”»
« Il semblerait qu’on ait honte d’en parler, mais bon dieu, qu’on en parle ! » martèle Martine Baignard. Aujourd’hui, les deux descendantes réclament « l’accès au cimetière, la destruction du potager et la pose d’une plaque en mémoire des victimes sur la propriété ».
Seulement voilà, la propriétaire du terrain, Mireille Serres, ne l’entend pas de cette oreille. L’Embrunaise, qui se dit « compréhensive » quant à leur requête, refuse de poser une plaque sur son terrain. Il s’agit pour elle d’une atteinte à la propriété privée. «J’y ai grandi, j’y suis attachée. » Racheté en 1933 par sa grand-mère, le terrain « ne contenait pas de sépultures, sinon on n’aurait jamais pu l’acheter. D’ailleurs, mes parents m’ont toujours dit : “le cimetière a été désaffecté”».
L’argument ne semble pas décourager les deux descendantes pour qui « le cimetière est un lien au sacré». De son côté, la maire d’Embrun, Chantal Eyméoud, ne s’oppose pas à la pose d’une plaque commémorative - mais pas sur le terrain. « Je ne m’autorise pas le droit à l’installer sur une propriété privée. »
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thierry (samedi, 02 juin 2012 06:18)
Vous écrivez "deux femmes passionnées de généalogie ont récemment découvert que leurs descendants y avaient été enterrés." C'est leurs ascendants, non???
Sagesse (samedi, 02 juin 2012 10:26)
Il faut donner les informations à la commune pour que sur la voie publique elle signale ce lieu de mémoire...après plus de deux siècles il est difficile de demander aux propriétaires de transformer leur potager en
Mémorial .Pourquoi pas une Rue de la Corse avec un panneau patrimonial relatant cette épisode sombre de l'histoire .
Fium'orbu (samedi, 02 juin 2012 10:34)
Madame la Mairesse devrait suivre la proposition de SAGESSE ...après deux siècles il faut laisser en Paix les morts et ne pas importuner les vivants. Mais un nom de rue rappelant notre ile et un rappel de l'événement tragique sur une plaque me semble une sage solution.