La CGT maintient son préavis de grève, samedi 9 juin, sur l'escale de Bastia-Poretta pour demander le retrait de sanctions menaçant une soixantaine de salariés, la reprise des activités ATR et la révision de la grille horaire saisonnière. Le syndicat répond aux sociaux-professionnels qui crient leur raz-le-bol et au STC qui l'accuse d'avoir mal géré le conflit des Indignés. Explications, pour Corse Net Infos, d'Albert Malausse, délégué CGT-Air France.
- Pourquoi ce préavis de grève pour le 9 juin ?
- Nous faisons grève, le 9 juin, pour obtenir le retrait du jour de sanction qui a été attribué à plus de 80 agents sur les escales corses pour avoir fait un débrayage spontané d'1 heure visant à demander la reprise des activités ATR. Nous demandons aussi, et c'est le fond du problème, la reprise des coques ATR qui représentent plus du tiers de notre activité. Et, enfin, conséquence directe de la non-embauche des 45 jeunes Indignés, notre grille horaire est insupportable, nous voulons la renégocier.
- Ce jour de grève est-il vraiment nécessaire en ce début de saison touristique?
- C'est à la Direction d'Air France qu'il faut poser cette question puisque nous attendons, depuis sept mois, l'ouverture de négociations et, manifestement, Air France pratique la politique de la chaise vide. Si Air France respectait un tant soit peu les lois, il aurait du nous recevoir après le dépôt de notre préavis de grève, lundi dernier, à 11h32. Or, nous n'avons eu aucun contact de qui que ce soit à la Direction d'Air France.
- Les sociaux-professionnels jugent cette nouvelle grève, intolérable. Que leur répondez-vous ?
- Il faut relativiser la situation. Nous sommes prêts à rencontrer les sociaux-professionnels. Qu'ils ne se trompent pas de cible ! Ils cassent souvent du sucre sur notre dos, mais nous sommes les véritables défenseurs du service public. Ils auraient du monter au créneau bien plus tôt dans la saison pour vérifier le nombre de lignes qu'Air France a supprimé, suite à sa volonté de ne même pas embaucher un seul CDD pour la saison estivale. Il y aura une perte sèche pour le monde de l'hôtellerie, c'est certain ! Mais, ce n'est pas du fait d'un mouvement social de la CGT, c'est la direction d'Air France qui applique une politique suicidaire pour la Corse.
- Combien de lignes saisonnières ont été supprimées ?
- Il y en avait 8 en 2011, il en reste 3 en 2012, 5 ont été supprimées. L'année dernière, les lignes fonctionnaient d'avril à octobre. Cette année, elles fonctionnent du 1er juillet au 31 aout et juste le samedi.
- Doit-on s'attendre à d'autres mouvements de grève pendant la saison ?
- A chaque préavis, suffit sa peine ! Notre but est de passer l'été le plus sereinement possible et qu'il y ait le maximum de monde qui vienne en Corse, ce n'est pas de perturber, ni de fragiliser un peu plus l'économie insulaire. Notre but est d'ouvrir des négociations et de stopper cette politique menée par la direction d'Air France.
- Que répondez-vous au STC qui vous accuse d'avoir mal géré le conflit des Indignés?
- Nous ne nous permettons jamais de juger le comportement d'un syndicat ou d'une action syndicale en cours, quelque soit le syndicat à l'initiative de cette action. Les propos du STC nous font très mal parce qu'ils sont diffamatoires et mensongers. Ils bafouent des mois de lutte auprès des personnels. Puisque le STC avait fait le choix de ne pas épauler les Indignés, au moins qu'il ait la dignité de se taire et de ne pas porter des accusations mensongères.
- Comment expliquez-vous les propos du STC ?
- Peut-être que les prétentions de certains dirigeants du STC effacent toute limite. Ils sont prêts à tout pour aboutir à l'hégémonie du syndicat STC, y compris de manipuler les gens, voire de diffuser le mensonge.
Propos recueillis par Nicole MARI
Les Indignés n'apprécient pas les propos du STC
Fin mai, le STC avait taclé la CGT sur sa gestion du conflit des 45 Indignés, estimant que la grève avait bloqué la situation et empêché la tenue de négociations sur la proposition d'Air France de délocaliser les emplois. Des propos que les Indignés n'ont pas du tout appréciés, comme l'expliquent deux d'entre-eux à Corse Net Infos.
ndignés, ils l'ont été pendant toute la durée du long et dur conflit social et judiciaire qui, pendant 148 jours dans les halls des aéroports de Bastia-Poretta et d'Ajaccio-Campo d'ell'Oro, les a opposés pacifiquement à Air France pour faire valoir leurs droits.
Indignés, ils le sont restés après que la Cour d'appel de Bastia, balayant négligemment neuf victoires consécutives et neuf condamnations d'Air France, les a déboutés de leur demande de réintégration dans l'entreprise tout en reconnaissant le bien-fondé juridique de cette demande.
Indignés, ils le sont encore aujourd'hui devant les propos du STC, Sindicatu di i Travagliadori Corsi, qui accusent la CGT d'avoir mal géré le conflit et d'être responsable, par son attitude jusqu'au boutiste, du fiasco judiciaire et du chômage de 45 jeunes Corses. Le STC estimant, par ailleurs, que les Indignés auraient du accepter la proposition de la direction de délocaliser certains emplois.
La division syndicale
En marge de la conférence de presse donnée par la CGT sur le maintien de son préavis de grève du 9 juin, les Indignés présents ont laissé échapper leur colère.
"Il faut bien dire une chose : les gens qui nous ont soutenus sont tous dans cette pièce. Ces gens-là ont été avec nous, ont dormi avec nous", rétorque Anthony en montrant les responsables CGT d'Air France présents.
Se réjouissant néanmoins de "l'impact positif" des propos du STC qui "nous remettent sur le devant de la scène", il s'insurge contre les manoeuvres du syndicat nationaliste visant à "Essayer de diviser des forces syndicales qui sont, déjà, malheureusement, trop faibles. C'est un contre-pouvoir insuffisant. Pour preuve, l'échec de notre procédure. Si le contre-pouvoir avait été plus important, je suis convaincu que nous n'aurions pas eu ce résultat. Si on avait réussi à rassembler toutes les sections syndicales, le mouvement serait monté en puissance, le résultat aurait été bien différent".
Des propos attristants
Il se dit "attristé" que de tels propos "affaiblissent en Corse, ce contre-pouvoir essentiel que sont les syndicats. Il ne faut pas que le STC court après une petite victoire médiatique".
A sa suite, François, un de ses collègues Indignés, ne mâche pas ses mots : "Le STC tire des conclusions et dit : il fallait faire ci, il fallait faire ça... alors qu'il ne s'est jamais intéressé à notre situation, qu'il ne nous a jamais proposé une aide. C'est hypocrite. Il n'y a que la CGT qui nous a épaulés, du début à la fin. Lui ne nous a jamais approché. Je ne comprends pas".
Le refus de l'exil
Expliquant que les Indignés n'ont jamais eu de propositions officielles d'Air France, il ajoute : "Cette proposition a été faite oralement, le 8 décembre, au moment de la médiation, pour gagner du temps. De toute manière, nous ne pouvions pas accepter cette proposition. La direction d'Air France a fait l'erreur de nous présenter des contrats illégaux, je ne vois pas pourquoi on devrait s'exiler".
Et puis, il s'étonne de cette étrange critique du STC : "Un syndicat corse qui ne se préoccupe pas des travailleurs corses et qui accepte de les envoyer sur le continent ! C'est quoi ! C'est le représentant des patrons français d'Air France !".
Anthony enfonce le clou : "Il faut bien se mettre dans l'idée qu'un départ sur le continent, ce n'est pas pour cinq, voire même dix ans, c'est un départ définitif. Si on quitte l'escale de Bastia, c'est pour toujours. A-t-on envie de partir pour toujours de notre île ? Moi, non !"
L'espoir de la cassation
Les Indignés apprécient d'autant moins la polémique que l'après-conflit n'est pas simple.
" Nous touchons un chômage très bas et nous cherchons du travail, mais la saison est déjà bien entamée, il n'y a plus de travail car nous nous y sommes pris trop tard. Mais au moment où il fallait postuler, nous étions en procédure", précise Anthony.
Alors que vont-ils faire ? "Pour cet été, il nous reste le travail au black dans le tourisme et dans le bâtiment".
Mais, le chapitre Air France n'est pas clos pour autant puisque les Indignés se sont pourvus en cassation et gardent l'espoir que la justice reconnaisse leur bon droit. " Il y a plusieurs points de cassation et il y a aussi l'espoir de la pression politique, le virage à gauche du gouvernement qui s'est fortement engagé sur l'emploi. J'ai confiance", conclut Anthony, qui refuse de ne pas y croire. Affaire à suivre.
N. M.
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