Très souvent sollicitée, surtout en période estivale, mais mal connue, la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), association composée de bénévoles, a présenté au grand public, lors des journées de la mer organisées par la DDTM à Bastia, son fameux bateau rouge et sa mission première : le sauvetage des personnes en danger de mer. Explications, pour Corse Net Infos, de Grégoire Bézie, patron de la vedette de sauvetage SNSM 132, Enseigne de vaisseau Jean Ramelli II.
- Quelle est votre mission ?
- Les Sauveteurs en mer, la SNSM, est une association dont le rôle est d’assurer la sauvegarde de la vie humaine en mer. Pour cela, elle dispose de 13 stations SNSM disséminées autour de la Corse et d’une flotte de bateaux composée de différents types de vedettes. A la demande du CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) basé à Ajaccio, qui dirige tous les secours en mer, et du SDIS (Service départemental d'incendie et de secours) qui dirige, à terre, toutes les casernes de pompiers, elle va choisir un moyen pour aller sur une opération donnée. Ce peut être un remorquage, une évacuation sanitaire à bord d’un cargo, un hélitreuillage, une recherche d’apnéiste comme, malheureusement ce fut le cas il y a deux jours, etc.
- Vous êtes une association. Etes-vous bénévoles ?
- Oui. Le principe de la SNSM en France est d’être basé sur une association composée de bénévoles. Il peut y avoir un bureau qui emploie quelques salariés, mais, sur une station régionale comme la station de Bastia, nous sommes tous bénévoles, que ce soit le président, le patron de l’embarcation, le trésorier et tous les équipiers. Nous sommes, pour l’essentiel, des actifs exerçant un métier. Quand nous sommes disponibles, nous pouvons rejoindre la vedette et partir sur une opération.
- Combien l’association compte-t-elle de bénévoles ?
- Nous sommes 21 sur la station SNSM de Bastia dont 16 embarqués, c’est-à-dire des gens qui ont fait assez d’exercices pour être opérationnels. Il faut être six pour amarrer la vedette de 1ère classe. Sur deux autres vedettes à coque verte, ancrées l’une à Macinaggio et l’autre à Bonifacio, l’équipage doit théoriquement être au nombre de 8. Même si la règle maritime est de six personnes à bord, nous allons, quand même, appareiller si nous ne sommes que 4 ou 5, mais au dessous de 4, c’est déraisonnable de partir sur une situation de sauvetage.
- Ne risquez-vous pas votre vie sans que ce soit votre métier ?
- Non. Je ne dirais pas que nous risquons notre vie. D’abord, nous nous entraînons toute l’année et nous essayons de limiter le risque, de le réduire presqu’à zéro avec un souci permanent de sécurité individuelle et collective. Ensuite, cette démarche obéit vraiment à une notion de service public, d’aide à la personne et de volonté de rendre service. Les opérations ne sont pas toujours compliquées. Les appels viennent souvent de gens qui tombent en panne, qui manquent d’expérience et font preuve de maladresse, parfois aussi de gens qui ont méprisé la difficulté de la navigation ou qui ne s’y connaissent pas. En aucun cas, nous sommes confrontés à des opérations dangereuses. Elles peuvent être compliquées, mais elles ne doivent pas être dangereuses.
- Et si elles sont dangereuses, que faites-vous ?
- Les opérations ne sont jamais dangereuses parce que nous avons appris à appréhender ces moments-là. Nous essayons de faire que la moindre situation soit déjà connue pour qu’il y ait le moins possible d’inconnues qui rendent l’opération compliquée, voire dangereuse. Dans certains cas, la vedette ne peut pas appareiller parce que les conditions de vent et de mer sont trop mauvaises, parce que l’équipage nécessaire, six personnes sur ce bateau, n’est pas réuni ou qu’il n’est peut-être pas aguerri à la situation donnée. Le CROSS décide, alors, d’envoyer d’autres moyens. L’idée est de ne pas s’exposer à un accident, mais d’intervenir sur une situation délicate le plus sereinement possible sans en rajouter. C’est une question d’expérience.
- N’avez-vous jamais connu de situations dangereuses ?
- Non. J’appartiens à cette unité depuis 2004, j’en suis le patron depuis 2010, je n’ai jamais connu de situation dangereuse parce qu’on s’astreint à bien s’entraîner. Des situations difficiles, oui. Des dangereuses, non.
- On parle beaucoup du prix que coûte un sauvetage pour le contribuable. Est-il entièrement gratuit pour la victime ?
- La Convention de Hambourg régit les sauvetages de la vie humaine de façon gratuite. L’acte de sauver une personne est un acte gratuit. En revanche, l’assistance et le sauvetage des biens peuvent être payants. A la SNSM, nous le faisons payer car il est couvert par les assurances. C’est une façon d’amortir nos opérations.
- En Corse, la saison estivale est-elle, pour vous, la plus dure ?
- Oui. Du fait d’une activité plaisance plus importante, l’essentiel des sauvetages s’effectue pendant l’été. A Bastia, elle reste, quand même, moindre par rapport à d’autres ports de Balagne ou du Sud. Nous faisons environ 15 interventions par an, nous en avons déjà fait 4 ou 5 cet hiver, dont une le 31 décembre dernier. Depuis 2009, il y a une diminution des interventions due à la baisse de la plaisance que l’on attribue directement à la crise. Moins de plaisanciers louent des bateaux et fréquentent les côtes.
- Intervenez-vous plus sur des locaux ou sur des touristes ?
- En dehors de la saison estivale, nous intervenons plus sur des locaux. Mais, pendant l’été, les sauvetages concernent principalement une population touristique étrangère, surtout italienne. Ont-ils la même météo que nous ? Je ne sais pas. Mais, chaque fois, ils se font surprendre par le mauvais temps ! Les touristes français, généralement, se font surprendre parce qu’ils ne connaissent pas le bateau sur lequel ils naviguent et qu’ils ont loué ou le connaissent mal. Souvent, il y a un skipper ou seulement une personne qui sait naviguer à bord et, lorsque les conditions de mer se durcissent, il ne peut compter que sur sa paire de mains pour l’aider. Les situations deviennent alors vite problématiques et génèrent du stress, mais il n’y a pas de vraie détresse, juste un besoin d’assistance.
- Quelles sont les plus grandes imprudences que commettent les plaisanciers ?
- Les gens sous-estiment complètement le fait de naviguer en mer, notamment en famille avec des enfants. Il peut faire très chaud pendant la journée, on peut très vite se déshydrater. Lorsque les parents font la fête, le mélange ambiance de fête, alcool, paysages paradisiaques et conditions de mer peut faire que, parfois, les plaisanciers maîtrisent mal ou appréhendent mal les risques et la situation peut vite tourner à la galère. Il ne faut surtout pas sous-estimer la mer, quelque soit la zone de navigation. Les eaux et les côtes sont merveilleuses, mais un bateau n’est, en aucun cas, comparable à une voiture que l’on gare sur un parking, on tire le frein à main et tout va bien. Un bateau, même au mouillage, c’est compliqué !
- La Méditerranée est-elle plus ou moins dangereuse que d’autres pour naviguer ?
- Les mers ne sont pas pareilles. Je suis originaire de Saint-Malo et je serais très embêté si, demain, je devais rentrer à la SNSM de Bretagne parce que je ne connais pas la mer là-bas, ni les conditions de mer, ni les côtes… Par exemple, en Bretagne, par un vent donné, la mer sera plus courte ou plus longue. La Méditerranée a des caractéristiques proches des conditions océanographiques avec des fonds très importants dès 500 mètres, alors qu’en Bretagne, il faut faire des kilomètres pour arriver à trouver les mêmes fonds. Cela ne génère pas du tout la même mer.
- Faut-il donc bien connaître l’endroit où l’on navigue ?
- Oui. Si nous sommes très forts en sauvetage, c’est que nous connaissons notre zone et nous la pratiquons tous les jours. L’équipe de Bonifacio est très compétente sur sa zone, mais sera certainement moins compétente sur la nôtre. Et nous, nous serions encore plus perdus sur la leur qui est encore plus particulière que la nôtre. Pour être un bon sauveteur, il faut bien connaître son bateau, les manœuvres et l’environnement autour.
- Quels conseils donneriez-vous aux plaisanciers en ce début de saison ?
- Regarder la météo. Garder les gilets à portée de mains parce que des gilets au fond d’un coffre de bateau ne servent à rien lorsque les conditions deviennent difficiles. Et puis, surtout, il faut à bord une radio VHF, le canal d’appel est le 16. Le téléphone mobile n’est pas suffisant car, dès qu’on s’éloigne trop des côtes, il n’a plus de portée. Le moyen d’appel des secours en mer reste la VHF et il ne faut pas hésiter à appeler. Enfin, un bateau, un voilier ne coule pas, il faut rester dessus même si ça bastonne durement. On a connu des infortunes de mer où les gens avaient quitté leur bateau, en panique totale, pour se réfugier dans le radeau de survie, on les a retrouvés morts ou on ne les a jamais retrouvés mais on a retrouvé le bateau. Le meilleur abri du marin, c’est son bateau.
Propos recueillis par N.M.
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SNSM Bastia (lundi, 11 juin 2012 08:11)
Merci ..