Avec 3 députés UMP élus sur 4, la Corse a, comme pour les présidentielles, confirmé qu'elle était une terre bien ancrée à droite. A contre courant du vote national qui a donné une large majorité au Président Hollande et une assemblée qui a basculé à gauche, elle s'inscrit donc dans la lignée du scrutin précédent où Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen avaient fait la course en tête.
La droite en force
La victoire est d'autant plus belle qu'elle était loin d'être acquise, deux ans après la déroute des territoriales qui avait laissé la droite insulaire, déchirée et en lambeaux. Et ce n'est pas le spectacle de ses divisions internes qui pouvait faire parier sur sa résurrection. Et pourtant, à l'exception nette de la 2ème circonscription du Nord, elle retrouve une position de force qui, non seulement stoppe la spirale de l'échec, mais est de bon augure pour les prochaines échéances électorales.
Si la réélection du député sortant, Sauveur Gandolfi-Scheit, dans la 1ère circonscription de Haute-Corse, semblait acquise, celle de Camille de Rocca-Serra, que l'on pressentait dans la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, depuis son score inattendu du 1er tour, est un retournement spectaculaire de situation. Mais la victoire la plus inattendue est celle de Laurent Marcangeli, dans la 1ère circonscription d'Ajaccio, qui bat, a l'arraché, le député de gauche sortant et maire de la ville, Simon Renucci. Elle est le fort symbole du renouveau et de l'union de la droite.
La performance des modérés
Autres gagnants de cette élection, malgré les apparences : les nationalistes modérés. C'était déjà une gageure pour les deux leaders de Femu a Corsica d'être présents au secondtour d'une élection nationale. Mais ils on fait mieux, ils ont réalisé des scores très importants dans un scrutin qui ne leur est traditionnellement pas favorable, même s'ils n'ont pas réussi à concrétiser, par l'obtention d'un siège, la dynamique qui les porte. Les partisans de Gilles Simeoni ne s'y sont pas trompés et ont fêté avec éclat sa seconde place si âprement gagnée et qui offre de belles perspectives pour les échéances à venir.
L'échec de la gauche régionale
A l'inverse, la gauche régionale est la grande perdante de ce scrutin national. La vague rose, qui déferle sur le continent, ne touche pas l'île. A l'exception claire de Paul Giacobbi qui écrase son adversaire et renforce sa position dans la deuxième circonscription du Nord, l'union PS-PRG-Front de gauche a subi, partout ailleurs, un cinglant revers. Eliminée dès le 1er tour à Porto-Vecchio, elle est en mauvaise posture à Ajaccio et en queue de peloton à Bastia où elle détient pourtant tous les pouvoirs : municipaux, départementaux et régionaux. Elle ne pourra pas faire l'économie d'une remise en question de ses positionnements et de ses dissensions internes. La question, désormais, est de savoir si cette réprimande électorale aura des conséquences sur la marge de manoeuvre de l'exécutif territorial et ses projets de réforme.
N. M.
Sauveur Gandolfi-Scheit : "Ma priorité de député, les arrêtés Miot"
- Que vous inspire votre ré-élection ?
- C'est une belle élection et, malgré cette triangulaire, j'étais confiant dès le début, vu le travail qui a été fait. Je tiens à dire que ce qui s'est passé, l'autre soir, à Lupino est inadmissible : c'est le retour de la momie. Le film était nettement plus important que Brice de Nice. Finalement, je considère que Jean Zuccarelli a été le Brice de Nice, le Brice de Bastia qui attendait, sur la plage de l'Arinella avec sa planche de surf, la grande vague rose qui n'est jamais venue et qui n'arrivera jamais.
- La vague en Corse a été bleue. Est-ce, pour vous, une satisfaction supplémentaire ?
- Absolument. Comme je l'ai dit, ces derniers temps, il était important qu'il y ait un front de députés insulaires. Nous sommes trois députés UMP sur quatre, mais je pense que nous travaillerons aussi avec Paul Giacobbi parce que nous avons tout intérêt à le faire. Le travail, qui a été réalisé ensemble par les députés des DOM-TOM, malgré qu'ils soient de gauche, d'extrême-gauche et de droite, a été considérable. Si nous voulons faire la même chose en Corse, il faut travailler tous ensemble sur le plan insulaire, chacun reprenant ses idées sur le plan national.
- Vous attendiez-vous à gagner avec 3000 voix d'avance ?
- Oui. C'est exactement l'écart de 2007. Je pensais même faire un peu plus. Malheureusement, il y a eu une triangulaire. Sans quoi, j'aurais gagné avec 5000 ou 6000 voix d'écart. Tout le monde préconisait que ce serait difficile. Mais, sur le plan insulaire, ils n'ont pas compris, Jean Zuccarelli tout particulièrement, que la droite est largement majoritaire en Corse qui a voté contre le projet de François Hollande à 60%.
- Quelle est votre analyse de votre score sur Bastia ?
- En 2007, j'avais fait plus, mais il y a eu une déperdition de voix avec la triangulaire. Le volume de voix de droite à Bastia est bien supérieur à mon score d'aujourd'hui. Les voix, qui sont parties ailleurs, viennent de chez nous.
- Quel va être votre premier acte en tant que député ?
- Mon premier acte sera la priorité pour la Corse de proroger les arrêtés Miot, comme l'avait proposé Nicolas Sarkozy, le 13 avril dernier, lorsqu'il est venu à Ajaccio. Il avait préconisé la prorogation des arrêtés Miot jusqu'en 2017 et, pourquoi pas, les conserver tout en travaillant sur une fiscalité adaptée en Corse afin que nous n'ayons plus besoin de prorogation et de dérogation. Nous devons avoir un statut fiscal particulier.
Propos recueillis par Nicole MARI
Les autres réactions
Jean-Michel Canazzi, suppléant de Sauveur Gandolfi-Scheit, UMP, 1ère circonscription de Haute-Corse :
"C'est la victoire d'un homme, ce n'est pas celle d'un parti, ce qui la rend encore plus belle. C'est la victoire de Sauveur Gandolfi-Scheit. Avec l'appui de certains, de l'ex-président du Conseil exécutif Jean Baggioni, des communes du Sud, de Borgo avec Mme Natali, nous avons construit quelque chose de fort. Nous avons bien résisté sur Bastia, compte-tenu de la belle percée de Gilles Simeoni, que je félicite. On a même progressé au 2nd tour puisqu'on gagne 400 voix. J'en suis heureux car cela veut dire qu'il y a du potentiel à Bastia et qu'il va falloir l'exploiter."
Gilles Simeoni, Femu a Corsica, 1ère circonscription de Haute-Corse :
"D'un point de vue conjoncturel, nous avons perdu cette élection à Bastia et à Porto Vecchio. Donc, il y a un peu de déception. Mais, si on prend du recul et qu'on se situe dans une perspective plus globale, ce qui s'est passé, ce soir, est quand même quelque chose d'extraordinaire. Ce qui explique notre joie collective. Notre résultat est exceptionnel d'un point de vue qualitatif et quantitatif. Il y a une progression extrêmement forte qui nous fait arriver en tête dans beaucoup de communes rurales. A Bastia où, pour la première fois, nous franchissons de très loin la barre des 4000 votants. Le différentiel de voix avec l'actuelle majorité municipale ne cesse de se réduire de façon chronique et accélérée à chaque élection depuis quelques années. En fait, plus de 60 % des Bastiais ont clairement dit, par leurs votes, qu'ils ne voulaient plus de la majorité municipale actuelle de Mr Zuccarelli. Au delà, l'analyse politique globale montre bien, à travers le score de Jean Christophe Angelini à Porto Vecchio et de Jean Batti Arena et moi-même à Bastia, qu'un mouvement profond irréversible se met en marche dans la société corse. Notre ligne stratégique va nous permettre de changer profondément les choses dans ce pays. C'est, à la fois, une ligne de fidélité aux fondamentaux de notre combat et de volonté d'ouverture permanente aux forces vives de ce peuple pour construire une alternative à Bastia à un système qui a ruiné cette ville, qui ruine la démocratie, et au niveau de la Corse parce que nous pensons que ce pays mérite mieux que le sort médiocre qu'il connait alors qu'il a tout pour réussir".
Jean Batti Arena, suppléant de Gilles Simeoni, Femu a Corsica, 1ère circonscription de Haute-Corse :
"J'ai d'abord une pensée pour tous ceux qui ne sont plus là aujourd'hui pour leur faire partager cette victoire parce que, même si c'est une seconde place, pour nous, c'est une victoire. Etre devant le descendant de la dynastie Zuccarelli, c'est vraiment historique, surtout sur la 1ère circonscription de Haute-Corse. Nous pensons donc à ceux qui ne sont pas là pour partager cette victoire, ceux qui sont partis il y a quelques années, et ceux qui sont toujours sur Paris, incarcérés. Sur Bastia, nous faisons un score historique en franchissant la barre des 4000 voix, nous sommes à peine à 800 voix des Zuccarelli, sachant qu'il ne représente plus que 39 % des voix, donc demain tout reste possible pour 2014."
Jean Zuccarelli, PS-PRG, 1ère circonscription de Haute-Corse :
" Je suis partagé par un sentiment mitigé, à la fois, la satisfaction de voir la gauche majoritaire à l'Assemblée nationale et donc la possibilité pour François Hollande de mettre en oeuvre son programme avec ses résultats bénéfiques attendus. La satisfaction, alors que c'était ma première élection uninominale, d'obtenir un résultat très honorable sur la 2ème circonscription. L'élément important est que je sois nettement en tête à Bastia devant mes deux concurrents et bien davantage encore sur l'UMP. En revanche, j'ai un regret : la Corse ne comptera qu'un seul député de la majorité nationale et territoriale pour porter la voix de la Corse. Je félicite Sauveur Gandolfi-Scheit pour sa réélection. Je suis déterminé à m'engager au service des Bastiais et de la Corse. Je souhaite être au plus proche des réalités du terrain. Nous allons nous employer à préparer les prochaines échéances avec confiance et sérénité. Je suis très confiant."
Paul Giacobbi, PS-PRG, 2ème circonscription de Haute-Corse :
"Je suis heureux que les électeurs et les électrices aient pu librement voté malgré une compagne très désagréable. En face, il y avait la vacuité, remplacée par la calomnie."
Stéphanie Grimaldi, UMP, 2ème circonscription de Haute-Corse :
" Comment, alors que la Corse entière a démontré qu'elle reste fidèle à ses convictions exprimées lors des présidentielles et qu'elle a voté à droite, peut-il y avoir un score pareil, sur une seule circonscription, pour un député de gauche ! C'est bien ce que j'ai dit : il y a un système clientéliste, en l'occurrence le président de l'exécutif de la CTC et le président du Conseil général de Haute-Corse qui est son suppléant."
Laurent Marcangeli, UMP, 1ère circonscription de Corse du Sud :
" Ce fut une campagne magnifique. Je salue mon adversaire car la démocratie s'est exprimée. C'est une majorité courte, mais une majorité tout de même. C'est la victoire du peuple contre toute attente, contre tous les systèmes. C'est la victoire du renouveau et de tous les espoirs. Beaucoup de travail reste à faire. J'essaierais de me montrer digne de la tâche qui est la mienne pour représenter cette circonscription et la Corse. Cette victoire n'est en rien une fin, elle est un commencement. Nous sommes au début du chemin, mais nous sommes sur le bon chemin."
Simon Renucci, Corse Social Démocrate, 1ère circonscription de Corse du Sud :
"Je suis triste pour mon équipe, mais serein. On avait dit dans les meetings qu'il fallait empêcher Simon Renucci de respirer, ce soir, on lui a coupé la respiration. Nous avons été battus par le Président du Conseil général et par les conseillers généraux urbains. La mobilisation n'a pas été suffisante pour retourner la situation. Le système de la CAPA n'a pas fait voté, comme on l'a prétendu. Les Corses ont choisi. Certains, qui avaient voté pour nous au 1er tour, ont changé d'avis. C'était une chance historique pour Ajaccio. Nous allons continuer à nous battre. Nous sommes sur le chemin de la paix. Nous gagnerons les prochaines. Nous sommes confiants."
Camille de Rocca Serra, UMP, 2ème circonscription de Corse du Sud :
" C'est le résultat d'une belle campagne que j'ai mené honnêtement et avec conviction face à un adversaire qui a plutôt cultivé l'ambiguité. Cela n'a pas payé, même s'il a bénéficié des reports de voix considérables des autres candidats du 1er tour. J'étais très serein. C'est le résultat aussi d'une équipe autour de moi, de jeunes qui m'ont donné énormément d'énergie. C'est à eux que je dédie cette victoire qui ouvre pour moi des perspectives nouvelles. Le résultat de Porto-Vecchio me conforte. Il y a un an, j'étais arrivé derrière. Là, je suis devant. J'ai regagné le terrain perdu. C'était important. Maintenant, je sais ce qu'il me reste à faire pour l'avenir."
Jean Christophe Angelini, Femu a Corsica, 2ème circonscription de Corse du Sud :
"La vie politique est ainsi faite de victoire et d'échec. J'ai assumé les victoires, j'assume la défaite. Il y a eu deux raisons à cette défaite. La première est que c'est une élection nationale qui est très difficile pour notre famille politique face à un député sortant soutenu par l'ensemble des machines du système établi. On nous a posé des tas de questions sur notre positionnement. La deuxième est qu'on n'a pas eu la clarté attendue sur le report des voix, des gens n'ont pas voulu jouer le jeu jusqu'au bout. Je ne veux pas minimiser ce qui s'est passé aujourd'hui. Mais, j'avais fait 5 % des voix en 2002 quand je me suis présenté pour la première fois, 15 % en 2007 et je fais 47 % en 2012. Avec cette progression, on peut envisager sereinement des lendemains meilleurs. D'autant qu'il n'y a jamais eu de nationaliste au 2nd tour des législatives. Femu a Corsica a marqué dans cette élection des points décisifs. Il y a incontestablement un vent porteur qui n'est pas encore arrivé à bon port, mais le combat continue. Dès demain matin, nous allons reprendre le combat pour de prochaines victoires."
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