De longue date, les vignerons ont constaté qu’à partir d’un même cépage, des mêmes pratiques de production et de vinification, ils pouvaient produire des vins différents selon que leur vendange était issue de telle ou telle parcelle : c’est l’origine de la prise de conscience de « l’effet terroir ». Le terroir, grâce à la conjonction de trois facteurs, le sol, le climat et les pratiques viticoles, est l’élément fondamental permettant d’imprimer au produit qui en est issu, à la fois originalité et typicité.
Identifier et comprendre les composantes du terroir, les délimiter dans l'espace, promouvoir les pratiques viticoles compatibles avec une plus grande qualité des vins… sont autant de thèmes qui
ont réuni la semaine passée à Dijon puis Reims, près de 200 scientifiques et professionnels de la filière vitivinicole, soit 25 nationalités différentes, au IXème Congrès International des
terroirs vitivinicole. Depuis sa première édition en 1996 (Angers, France), ce congrès scientifique pluridisciplinaire organisé tous les deux ans autour de la notion de « Terroir viticole" a pris
un essor international considérable comme en témoigne la tenue de cet événement en Italie (1998 et 2010), en Espagne (2000), en France (2002 et 2006), en Afrique du Sud (2004), et en Suisse
(2008).
La Corse sélectionnée pour ses travaux
Cette année la Corse, à travers le partenariat scientifique CRVI-ODARC-BRGM y était représentée, sélectionnée pour ses travaux sur l'expression sensorielle du Vermentinu (vin blanc) dans les terroirs de l'AOC Corse-Calvi.
En effet, depuis 2002, avec le soutien financier de la Région et de l’Etat, un programme d’étude est mis en oeuvre par le CRVI de Corse, l’ODARC et le BRGM pour comprendre le potentiel d’originalité offert par les terroirs insulaires pour chacun des 3 principaux cépages utilisés (Vermentinu, Niellucciu, Sciaccarellu) et y adapter les pratiques vitivinicoles.
Le principe est de délimiter, sur la base d'informations morphologiques, climatiques et pédologiques les contours des terroirs tels que construits par la géographie. Dans une seconde étape, sur tous les terroirs où cela est réalisable, on récolte et on vinifie selon une méthode standardisée puis on caractérise le vin obtenu à partir de trois approches complémentaires : la dégustation par un jury professionnel, l'analyse physico-chimique du vin et l'analyse des composés aromatiques. L'analyse des caractéristiques des vins obtenus permet de comprendre le potentiel d’originalité offert par le terroir et permet d'y envisager les pratiques viti-vinicoles les plus adaptées à son expression dans les vins. Plusieurs années de répétition du protocole sont nécessaires pour comprendre les relations entre terroir et qualité du vin. Ce type de travaux est en cours sur 6 territoires AOC viticoles et après cinq années d'expérimentation, on dispose aujourd'hui de résultats intéressants et opérationnels sur celui de l'AOC Corse-Calvi.
Importante collection de données pédologiques
Les travaux présentés se sont distingués par l'importante collection de données pédologiques issue des travaux de la SOMIVAC puis de l'ODARC (99 000 ha avec pas moins de 10 000 fosses d’1,20 m creusées et décrites) aujourd'hui harmonisées et intégrées dans un Système d'Information Géographique le R.P.A, Référentiel Pédologique Approfondi, le protocole expérimental du CRVI très complet et étendu à toutes les composantes du terroir et des résultats "appliqués" qui permettent d'ores et déjà au CRVI de réaliser un conseil personnalisé et d'orienter les restructurations de vergers et les nouvelles plantations dans un objectif de renforcement de la qualité. Plus concrètement encore, plusieurs viticulteurs se sont approprié les résultats pour réaliser des vendanges sélectives, créer de nouvelles gammes de vins ou réaliser des assemblages plus subtils.
En 2012, les expérimentations vont se poursuivre sur différents territoires AOC de l'île et l'étude cartographique des terroirs du cap corse va démarrer. Ces derniers se trouvent sur une géologie de schistes plus ou moins calcaires et de roches vertes, peu représentée sur les autres AOC viticoles de l'île. On pourrait s'attendre à des vins rouges colorés et riches en tanins sur les sols argileux issus de schistes, à des vins blancs plus capiteux et légers sur les sols calcaires…mais les résultats obtenus sur l'AOP Calvi sont là pour nous rappeler que l'approche scientifique enrichit considérablement les acquis empiriques…les terroirs corses n'ont pas encore livré tous leurs secrets…
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