Après un tour d’horizon de l’oléiculture insulaire, plein feux sur un producteur de Casinca, qui réussit l’exploit, dix mois à peine, après la mise sur le marché de son huile d’olive, à rafler la médaille d’argent au salon de l’agriculture. Pour François Andreani, son huile, A Merula, est emblématique de ce que doit être l’agriculture entre valorisation du patrimoine et des terres ancestrales, respect de l’environnement et de la qualité de vie, bienfaisante pour la santé et porteuse d’avenir.
A Merula signifie, en corse : le merle. Il tient dans son bec une olive dont il est très friand. L’image, blanche sur fond noir, est tout un symbole. Celle d’une terre riche, la Corse, d’un patrimoine à valoriser, l’olivier ancestral, d’une saveur unique, celle d’une huile d’olive issue d’une variété spécifique, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, et une médaille d’argent, emblématique de l’excellence du savoir-faire de l’agriculture insulaire.
A Ghjermana, une variété locale
Pour François Andreani, agriculteur expérimenté, mais jeune oléiculteur, la culture de l’olivier est un pont entre passé et avenir, une histoire de famille, de terre et de tradition dans cette vaste et riche plaine de la Casinca, qui était le grenier de Gênes.
Sur sa propriété de 10 hectares, méticuleusement entretenue, entourée de noisetiers, de vergers et de maquis, ce fils d’agriculteur, passionné par son terroir, a choisi de produire une variété locale, la Ghjermana, propre à la Casinca et à la Castagniccia.
Cette variété précoce d’olives donne une huile douce et fruitée, légèrement poivrée, fleurant bon la noisette, l’amande, l’artichaut et les arômes du maquis.
Un label AOP
« L’olivier est une culture ancestrale, mais qui restait familiale et peu valorisée. Grâce au travail du Syndicat, les variétés corses ont été reconnues en AOC (Appellation d’origine contrôlée). Ce qui me permet, aujourd’hui, de produire une huile d’olive extra-vierge, certifiée AOP, Oliu di Corsica », explique François Andreani.
Pour obtenir ce label, il apporte un soin particulier à la récolte des olives et à leur transformation. « La Ghjermana est une variété ramassée précoce, à 80 % de sa maturité, entre novembre et décembre, directement sur l’arbre, à l’aide de peignes électriques et de vibreur. Cette cueillette spécifique, qui assure un gros pourcentage d’olives noires, permet d’obtenir un taux d’acidité bas, et donc la dénomination Vierge Extra. L’huile se conserve mieux, facilement plus de deux ans, sans altération de sa qualité. Alors qu’une olive ramassée à maturité complète, c’est-à-dire en chute naturelle dans les filets, a un taux d’acidité plus élevée. L’huile, obtenue, devient plus vite rance et ne se conserve pas au-delà d’une année ».
La maîtrise de la qualité
En mai 2011, François Andréani décide de valoriser son huile en la commercialisant sous la marque A Merula. Pour être sûr de contrôler la qualité de sa production à toutes les étapes, il achète son propre moulin. « Posséder son propre moulin permet de triturer les olives dès le lendemain de leur récolte. On triture un fruit frais qui n’a été ni stocké, ni entassé dans des pallocks, et qui ne court donc pas le risque d’être flétri ou moisi. La qualité de l’olive triturée influe sur la qualité de l’huile ».
L’huile obtenue est stockée dans des cuves en inox. Elle est contrôlée régulièrement au moyen de prélèvements effectués et analysés par les techniciens du syndicat corse Oliu di Corsica dans un laboratoire. Le but est d’évaluer son taux d’acidité et son indice de peroxyde.
Une médaille d’argent
En mars 2012, dix mois à peine, après son lancement, A Merula est couronnée d’une médaille d’argent au Salon de l’agriculture. Une reconnaissance qui satisfait l’oléiculteur, sans l’étonner pour autant. « La médaille d’argent est la reconnaissance d’un travail, d’un sérieux et d’un savoir-faire ancestral que j’ai retrouvé. Au niveau de la variété d’olives, comme de la méthode de travail, j’ai privilégié la tradition. Je me suis longuement renseigné pour retrouver les pratiques en cours dans ma région, notamment en ce qui concerne la taille des arbres ».
Une huile en spray
Dans ce même souci d’excellence, il conditionne son huile dans des bouteilles opaques pour la protéger de la lumière et garder intactes toutes ses qualités. Il table, également, sur la diversité de sa gamme pour séduire une clientèle la plus large possible avec des bouteilles de 75 cl, 50 cl, 25 cl et 5 cl et des bidons de 50 cl et 25 cl. Il ose innover en proposant une huile en spray, comme un parfum, et en mignonette, comme un vin. « Pour des raisons à la fois symboliques et pratiques. Le spray assimile l’huile à un produit précieux grâce à sa couleur or, c’est l’or du soleil de Corse, qui devient, dans son flacon, un cadeau original à offrir ou à ramener de voyage. La mignonette est une invitation à gouter l’huile, comme on essaye un vin, et un achat d’impulsion, à prix très léger, destiné surtout aux touristes », explique son épouse, Catherine, chargée de la commercialisation.
La totalité de la production est écoulée sur le marché local, dans les magasins de produits corses et les épiceries fines à Bastia, en plaine orientale, et dans les endroits touristiques : en Balagne et dans le Sud, notamment Porto-Vecchio et Bonifacio.
Une culture d’avenir
Le succès d’A Merula est tel que l’oléiculteur n’arrive pas à satisfaire toutes les demandes.
Mais, il n’entend pas s’endormir sur ses lauriers. D’autant que son oliveraie encore jeune, dont la production s’accroît chaque année, n’a pas encore atteint son plein rendement. Il espère, en plus, étendre son exploitation sur d’autres parcelles, convaincu des potentialités de cet arbre millénaire, dont les Occidentaux en général, et les Corses en particulier, ont redécouvert les bienfaits, il y a une vingtaine d’années. « L’olivier est emblématique de ce que doit être l’agriculture corse en permettant de valoriser nos sols et nos ressources tout en protégeant et en pérennisant notre patrimoine insulaire et notre savoir-faire ancestral. Une agriculture respectueuse de l’environnement et de notre qualité de vie, excellente pour la santé, et qui permet aux agriculteurs corses de vivre et de prospérer sur leur terre. Ce qui fait de notre olivier ancestral, une culture d’avenir ».
N. M.
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