Le Conseil d'Etat vient d’annuler la décision de la Cour administrative d'appel de Marseille qui, en novembre 2011, avait jugé illégale la Délégation de service public (DSP) accordée en 2007 aux deux compagnies SNCM et CMN pour desservir les cinq ports corses depuis Marseille. Conséquence, la DSP actuelle ira jusqu’à son terme fixé fin 2013. Si la SNCM crie victoire, pour la Corsica Ferries, le combat continue.
Nouveau rebondissement dans la bataille navale et judiciaire que se livrent la Corsica Ferries et les compagnies délégataires, SNCM et CMN, depuis près de dix ans. Le Conseil d’Etat vient, vendredi, de donner gain de cause aux compagnies délégataires qui avaient introduit un pourvoi en cassation de l’avis de la Cour administrative d’appel de Marseille. Cet avis avait, en novembre dernier, coulé, corps et biens, le système de desserte maritime de la Corse, obligeant l’Office des transports (OTC) et l’assemblée de Corse (CTC) à remettre à plat, en urgence, tout le dispositif en cours.
Rappel des faits
Le 7 juin 2007, l’Assemblée de Corse accorde une nouvelle DSP pour la période 2007-2013 à la CMN et à la SNCM. Contestant sa légalité, la Corsica Ferries saisit le Tribunal administratif de Bastia qui valide la DSP, le 24 janvier 2008. Mais cette ordonnance est cassée, le 7 novembre 2011, par un avis de la Cour administrative d’appel de Marseille qui juge la DSP illégale, non conforme à la réglementation européenne, notamment en matière de subventions d’Etat. Cet avis met en cause le dispositif du service complémentaire proposé en période de pointe et les clauses de sauvegarde bénéficiant aux compagnies délégataires. Elle oblige la CTC à revoir sa copie avant le 1er septembre 2012.
Une décision annulée
Aujourd’hui, le Conseil d’Etat casse, à son tour, l’avis de la Cour administrative d’appel en récusant ses fondements juridiques, notamment les deux motifs d’annulation. Il estime que « le droit de l'Union européenne ne s'oppose pas à la conclusion d'une délégation de service public, ligne par ligne, ou trajet par trajet pour toute l'année ». Il considère que la clause destinée à compenser partiellement la perte de recettes commerciales pour les compagnies délégataires lorsqu'elles sont inférieures à celles prévues au contrat (15 millions d'euros en 2008 et 2009), « n'est pas constitutive d'une aide d'Etat ». Il renvoie donc le dossier devant la cour administrative d'appel qui doit, de nouveau, se prononcer sur la légalité du service complémentaire et des clauses de sauvegarde. En attendant, conclut-il, « La DSP peut se poursuivre normalement » jusqu’à son terme prévu.
Satisfaction à la SNCM
Dès l’annonce de cette décision, Pierre-André Giovannini, le directeur de la SNCM pour la Corse, a exprimé son soulagement et sa satisfaction en taclant, au passage, la concurrence : « La décision du Conseil d’Etat lève les graves menaces qui pesaient, à court terme, dès le mois de septembre, et injustement sur près de 800 salariés de la compagnie. Nous sommes d’autant plus satisfaits que, lorsque la Cour administrative d’appel de Marseille a rendu son jugement, Mr Mattei avait jugé bon de s’essuyer les pieds sur nous. Nous ne tomberons pas dans ce travers. Les masques tombent et Mr Mattei va devoir cesser de dire qu’il est du côté du droit. Le droit est dit, les choses sont désormais claires. C’est une réponse cinglante à l’acharnement procédurier de la Corsica Ferries ».
Même satisfecit du côté des syndicats de la compagnie délégataire. « C’est une victoire de l'intérêt général et du service public. Ça fait partie de notre combat de maintenir la présence de car-ferries jusqu'en 2014 pour ne pas renforcer la concurrence déloyale de Corsica Ferries, qui pratique le dumping social sous pavillon étranger », se félicite Frédéric Alpozzo, responsable de la CGT-Marins.
Espoir chez Corsica Ferries
De son côté, Pierre Mattei estime que le Conseil d’Etat n’a pas tranché sur le fond, mais uniquement sur la forme : « Il faut bien considérer le fait que le Conseil d’Etat ne valide en rien ce que nous avons attaqué, c’est-à-dire la clause de sauvegarde et le service complémentaire, qui sont, à notre sens, des clauses litigieuses dans la DSP en cours.
La Cour administrative d’appel de Marseille doit, de nouveau, écouter les arguments des parties. Je ne doute pas que nos arguments feront mouche et qu’il sera fait droit, une fois pour toutes, au fait qu’il est illégal de financer un service complémentaire avec des grands ferries au départ de Marseille en DSP, comme il est illégal d’autoriser des compagnies à se servir, en fin de chaque année, des subventions alors qu’elles avaient prétendu pouvoir se satisfaire d’un montant inférieur de subventions ».
Un combat de fond
Le directeur de la Corsica Ferries, ne désarme pas et considère cette décision comme une étape : « On peut considérer que c’est une bataille perdue ou gagnée. Certains crieront victoire. Il n’y a ni victoire, ni défaite dans cette affaire. C’est une étape d’une procédure qui est très longue, d’un combat de fond, d’un débat où s’opposent deux logiques. L’une dit que le service public ne se justifie que lorsqu’il y a carence de l’initiative privée et qu’il faut laisser la concurrence s’exprimer. L’autre logique dit que le service public, c’est ce que l’on veut, lorsque les délégataires en ont besoin. Evidemment, nous combattons cette deuxième approche parce qu’elle est néfaste, elle ne permet pas à la Corse de bénéficier d’une desserte ouverte, concurrentielle et compétitive. De la même manière, elle favorise les délégataires en place qui s’enrichissent grâce à des DSP taillées sur-mesure pour eux ».
Du répit pour la CTC
Pour sa part, Paul-Marie Bartoli, président de l’OTC, s’est réjoui de ce jugement qui lui laisse un répit pour élaborer, « dans un délai raisonnable », un nouveau cahier des charges 2014 plus conforme à la réglementation. « Ce qui permettra de faire l'économie d'une convention transitoire. Par contre, cela ne veut pas dire que la prochaine délégation de service public sera identique à l'actuelle. Il y aura plusieurs ajustements à faire », a-t-il prévenu.
La CTC a déjà acté la fin du service complémentaire et de l’aide sociale et son désir de revenir aux « fondamentaux » - fret et passagers insulaires, ce qui devrait lui permettre de faire des économies. Dans l’immédiat, il manque 40 millions € dans les caisses pour financer l’actuelle DSP jusqu’à son terme. Et ce n’est pas le seul avis de tempête à l’horizon !
Malgré le blanc-seing du Conseil d’Etat, le combat continue. La Corsica Ferries ayant engagé d’autres recours, notamment auprès de la Commission européenne qui, le 27 juin dernier, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions perçues par la SNCM et la CMN, un nouveau rebondissement n’est pas à exclure. Affaire à suivre.
N. M.
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Retta Wierenga (dimanche, 22 janvier 2017 06:53)
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