Une double première aux Ghjurnate internaziunale di Corti qui se tiennent ce week-end. Pour la première fois, les principaux partis nationalistes basques du Nord français et du Sud espagnol sont représentés et ont participé, samedi, à un débat sur la sortie de crise depuis l’abandon par l’ETA de la lutte armée en octobre 2011. Ce dimanche, des élus insulaires de tous bords débattront sur l’évolution institutionnelle de la Corse. Explications, pour Corse Net Infos, de Petr’Anto Tomasi, membre du Comité exécutif de Corsica Libera.
- Quel est le programme de ces 31ème Ghjurnate di Corti
- Tout d’abord, la journée de samedi a été centrée, au niveau international, sur la résolution des conflits, l’ingénierie de paix et de sortie de crise en Pays basque et en Irlande avec la présence d’un représentant historique du Sinn Fein, Jo Austin, et les représentants de l’ensemble des forces qui composent la coalition politique basque Bildu. Depuis les accords de paix, l’Irlande continue d’avancer sur le chemin de la paix et de la souveraineté. Le Pays basque connaît un changement profond aussi bien au Nord qu’au Sud.
- C’est-à-dire ?
- Au Sud, la légalisation de Sortu, le parti qui succède à Batasuna, déclaré illégal depuis plusieurs années, montre qu’un processus est en marche pour un règlement politique de la question basque autour des revendications des Abertzaleem, les Indépendantistes. Sortu est au centre de la coalition Bildu, qui est en passe de devenir la première force politique de la communauté autonome d’Euskadi et a réalisé 25 % des voix aux dernières élections. Elle dirige un certain nombre de municipalités dont la ville de Donostia (Saint Sébastien) qui compte 150 000 habitants.
- Et dans le Nord français ?
- Le Pays basque Nord connaît des évolutions intéressantes. Aujourd’hui, il n’a aucune reconnaissance institutionnelle puisqu’il est fondu au sein du département des Pyrénées-Atlantiques avec le Béarn et d’autres régions. On s’acheminerait, avec un optimisme de rigueur, vers une collectivité territoriale à statut particulier qui serait, déjà, une première reconnaissance de l’existence du peuple basque sous domination française.
- Ce thème de la sortie de crise, est-il important au regard du contexte corse ?
- Il est important, pour nous, de confronter les expériences et les avancées significatives de nos amis de Batasuna qui sont présents à ses Ghjurnate depuis le début, depuis 1980. Aussi bien au niveau de la façon dont ce mouvement a appréhendé la sortie de crise et a su construire des coalitions politiques, des stratégies et un programme pour mettre en place cette solution. Mais aussi la façon dont l’Etat de tutelle a répondu à ces attentes et aux manifestations fortes, populaires, aussi bien dans la rue que dans les urnes, du peuple basque pour l’autodétermination. Cette ingénierie de paix et de sortie de crise doit, sans être transposée à l’identique, éclairer les débats à l’Assemblée de Corse à travers la question de l’évolution institutionnelle et la Commission Chaubon.
- La sortie de crise s’est faite avec l’abandon de la lutte armée. Est-ce, pour vous, un sujet de réflexion et une hypothèse envisageable ?
- En Irlande et au Pays basque, les organisations politico-militaires ont décidé d’offrir une chance à la paix parce qu’il y a eu, au sein de l’appareil central des Etats, une volonté largement partagée de dialogue et de construction politique. En Corse, le FLNC, par ses communications, a la volonté de s’inscrire dans une démarche de paix et de sortie de crise. Le mouvement public indépendantiste, Corsica Libera, veut construire un projet commun, ambitieux que nous présenterons à Paris pour mettre en place cette solution politique autour de la reconnaissance du peuple corse, de l’évolution significative des pouvoirs législatifs et de mesures fortes en matière de conservation de la terre et de la langue et de la libération des prisonniers politiques. Une fois que cette démarche aura pris corps, la question de l’abandon de la lutte armée par le FLNC viendra naturellement dans le débat et cette organisation participera, d’elle-même, à la sortie politique, comme cela s’est fait dans les pays précités.
- A eu lieu également un débat sur la situation des prisonniers basques. Y a-t-il un parallèle avec la situation des prisonniers insulaires ?
- Il y a un parallèle en ce sens que les prisonniers basques sont disséminés sur deux Etats, l’Espagne et la France, et sont très éloignés de leurs familles. Le rapprochement n’intervient pas, y compris en France où l’esprit de la loi l’impose. Mais il y a aussi des problèmes plus lourds de prisonniers basques en fin de vie qui souffrent de maladie incurable et ne sont toujours pas libérés alors que la loi l’exige. Enfin, se pose la question politique d’inscrire la libération des prisonniers dans le cadre de la résolution du conflit.
- Pour le débat sur l’évolution institutionnelle, comment avez-vous réussi à réunir un tel plateau politique ?
- De façon assez naturelle. Nous avons fait une campagne territoriale sur un projet politique clair. Nous étions, à ce moment-là, quasiment les seuls, avec l’autre partie du mouvement national, à nous prononcer sur des questions telles que la citoyenneté, la corsisation des emplois, la coofficialité de la langue, une évolution institutionnelle... Nous avons, ensuite, décidé de ne pas subir cette mandature, mais de nourrir le débat en déposant des motions sur ces sujets et en expliquant aux élus que, seules, ces mesures sont capables d’enrayer les mécanismes funestes que connaît la Corse. Ces revendications font, aujourd’hui, l’objet d’un consensus fort à la CTC puisque les motions présentées par Corsica Libera ont recueilli des majorités très importantes : 35 votes sur 51 pour la langue, 36 sur la citoyenneté, le reste étant souvent des abstentions et non pas des oppositions franches.
- Réunir aux Ghjurnate des élus de tous bords n’était pas envisageable les années précédentes. Est-ce une victoire politique ?
- Oui. Face aux dangers qui menacent la Corse en matière de dépossession foncière, d’aculturation sociale, sociétale et économique, il est important que les Corses, sans tabou, prennent en main leur devenir et discutent des mécanismes concrets qui permettront de sortir de la crise. Au delà de nos différences, nous devons être capables de faire un bout de chemin avec ceux qui sont prêts à faire un pas significatif vers davantage de souveraineté.
- Comment envisagez-vous la loi sur la décentralisation que prépare le gouvernement ?
- Nous ne nous inscrivons pas dans un nouveau pas de la décentralisation mais dans la consécration par le droit d’une avancée politique significative au regard de questions d’ordre nationale et identitaire.
- Ne craignez-vous pas que la Corse tombe dans le droit commun des régions ?
- La seule garantie que nous avons de nous extraire de ce droit commun et de trouver des solutions adaptées à notre peuple est de présenter, à Paris, un projet largement partagé par les Corses et par sa représentation élue à travers la CTC, le Conseil économique social et culturel et toutes les forces vives de la nation. Au regard des positionnements et des lignes qui bougent à la CTC et si ce processus va à son terme en Corse, il y a bon espoir que nous arrivions, tout ensemble, à lever l’obstacle parisien.
- L’évolution constitutionnelle corse ne semble pas être à l’ordre du jour parisien. Par quel rapport de forces comptez-vous l’arracher ?
- Il faut un rapport de forces permettant à la représentation élue du peuple corse d’inscrire l’évolution institutionnelle corse à l’agenda politique du gouvernement. La clé est de faire bloc, de présenter un front commun. Quelques mois seulement avant le début du processus de Matignon, le gouvernement socialiste de l’époque était relativement fermé quant à l’ouverture d’un dialogue en Corse et avançait un certain nombre de préalables. Chemin faisant, Lionel Jospin a convoqué, sans ostracisme, l’ensemble des élus corses à Matignon et mis en route un processus qui, malheureusement, n’a pu aboutir pour des raisons de politique conjoncturelle. La première étape, aujourd’hui, c’est l’union des Corses autour d’un projet commun malgré nos différences et sans rien renier à notre discours. Face aux périls qui menacent la Corse, il convient de discuter avec tout le monde et de mettre en place des mesures d’urgence à titre conservatoire qui doivent nous permettre de franchir un pas supplémentaire vers le développement et l’émancipation.
Propos recueillis par Nicole MARI
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Lindsey Napoli (mardi, 24 janvier 2017 11:01)
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