En marge de la rencontre avec les acteurs de la sécurité civile, samedi matin, à Corte, le président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone, en vacances à Bonifacio, a livré son sentiment sur l’acte III de la décentralisation en cours d’élaboration. Pas favorable à une évolution institutionnelle, il explique, à Corse Net Infos, qu’il soutiendra, néanmoins, les desiderata corses, s’ils sont portés par une large majorité d’élus insulaires. Mais jusqu’à quel point ?
- Que représente cette 1ère visite en Corse comme président de l’Assemblée nationale ?
- Je viens en Corse depuis mon plus jeune âge. C’est toujours un moment important pour moi. Ma démarche est de montrer que les élus, même en vacances, sont sensibles au travail qui est fait au quotidien pour assurer un soutien au citoyen par la mobilisation des collectivités locales, de l’Etat et des services publics.
- Que peut attendre, de la nouvelle réforme sur la décentralisation, la Corse qui bénéficie déjà d’un statut particulier ?
- Il faut attendre que les élus, en relation avec la population, fassent des propositions. Je ne suis pas un acharné de la réforme institutionnelle à tous prix. Je veux savoir, notamment dans le cadre des évolutions qui ont déjà été constatées, ce qui marche et ce qui marche moins bien. Un mot doit être découvert de plus en plus par les élus : l’évaluation. Je fais confiance à Paul Giacobbi, aux présidents des départements et aux élus pour qu’ils puissent dire au gouvernement et à l’Assemblée nationale, afin que nous puissions en débattre, ce qui a marché et ce qui doit être amélioré pour renforcer cette volonté de décentralisation et le statut décentralisé existant.
- Vous n’êtes pas favorable à une évolution institutionnelle. La soutiendrez-vous si cette volonté vient de Corse et est portée par la Corse ?
- Je soutiendrai toutes mesures qui seront portées par la plus large majorité des élus de Corse. Il faut tirer les leçons des réformes qui viennent de très loin, de Defferre en passant par Joxe, etc. Nous avons connu trop de difficultés. Regardez le résultat du dernier référendum sur la Corse ! On ne peut pas fixer des ambitions sans savoir quelles sont les étapes. C’est aux élus de faire leur travail et de prendre leurs responsabilités. C’est à eux, et pas au gouvernement central, de dire ce qu’ils veulent : un référendum, une évolution, et, en relation avec la population corse, faire des propositions au gouvernement.
- Soutiendrez-vous jusqu’à l’autonomie ? Jusqu’à la coofficialité de la langue corse ?
- On verra. Le gouvernement a décidé, là aussi, d’être attentif aux textes européens qui nous permettent de reconnaître les langues régionales ou minoritaires. Nous allons rester, là aussi, dans cette volonté et cette indication.
- Mais, que ferez-vous si la CTC vote la coofficialité et le statut de résident ?
- Je ne suis pas pour une réforme constitutionnelle pour le plaisir de la réforme constitutionnelle ! Aujourd’hui, la Corse a, dans le cadre des institutions qui ont été mises en place, une des situations les plus évoluées, en termes de décentralisation, qui existent sur le territoire national. Ce que je veux et j’attends, ce sont les propositions des élus en relation avec la population ! A partir de là, nous aurons une discussion pour savoir ce qui correspond le mieux, à la fois, à l’attente de la population et à son bien-être. Quand, aujourd’hui, on parle de réforme constitutionnelle, on a toutes les chances d’aller dans le mur parce que, bien souvent dans un référendum, les citoyens ne répondent pas à la question posée !
- En avez-vous parlé avec Paul Giacobbi ?
- Je ne fais qu’en parler avec Paul Giacobbi ! C’est le représentant de la Corse que je croise toutes les semaines à l’Assemblée Nationale. Comme en plus il en est le Secrétaire, ça nous permet d’échanger, à la fois, sur le fonctionnement de l’Assemblée et sur les évolutions que les Corses attendent en termes de décentralisation. Paul Giacobbi m’a fait remarquer que bon nombre de décisions prises par la CTC l’étaient, de plus en plus, à une très large majorité et même quelquefois à l’unanimité. C’est cela qui doit être à l’origine des propositions qui devront être transmises au gouvernement et débattues à l’Assemblée Nationale.
- La droite et la gauche sont venues aux journées indépendantistes débattre du sujet. Comment réagissez-vous ?
- C’est exactement la lettre de mission qui a été donnée à Marylise Lebranchu dans le cadre de ce nouvel acte de la décentralisation : être en contact avec les élus pour savoir quels sont les outils nécessaires pour répondre aux attentes de nos compatriotes. Pour assurer plus de justice et de péréquation entre les différentes collectivités, la qualité des services publics et des actions attendues par la population, c’est l’étape primordiale. Il va falloir déterminer de manière plus précise ce qui relève de l’Etat et ce qui relève des collectivités locales, ce que sont les recettes de l’Etat et ce que sont les recettes des collectivités locales en évitant les interventions croisées. Nous verrons, ensuite, quel sera le meilleur véhicule pour porter ces réformes.
- Que vous inspire le sondage Ifop du Figaro qui ne donne que 46 % des Français satisfaits après cent jours de présidence Hollande ?
- Quel est celui d’entre nous qui n’a pas en tête la difficulté de la situation ! Tant que nous n’apporterons pas des améliorations notables sur la question du développement économique et de l’emploi, nos concitoyens douteront et attendront. Je suis persuadé que, malgré les inquiétudes, ils sont conscients du travail d’efforts proposé par le Président de la République et son gouvernement, mais un effort dans le cadre de la justice. La grande différence par rapport à d’autres époques, c’est que personne ne peut imaginer que nous nous en sortirons sans efforts. Mais il faut en finir, comme c’était le cas précédemment, avec ces efforts qui étaient réclamés toujours aux mêmes, notamment aux retraités, aux salariés et aux chômeurs. Il faut montrer que, dans la nouvelle politique, les efforts seront réclamés à chacun en fonction de ses moyens.
- Ce sondage ne met-il pas en cause l’action du gouvernement ?
- Non. Je ne crois pas. Il y a, à la fois, un soutien au président de la République et au gouvernement et une inquiétude, compte tenu des informations qui nous parviennent depuis des mois. Quand on parle de crise européenne, quand chaque jour on se pose la question de savoir si l’euro sera maintenu, quand on voit les chiffres de l’économie mondiale et des agences de notation douter, y compris de la situation en Allemagne… je comprends parfaitement que nos compatriotes puissent être inquiets et qu’ils attendent, maintenant, réellement des preuves de changement.
Propos recueillis par Nicole MARI
Écrire commentaire