Cette année en Corse, toutes périodes confondues, préhistoire et histoire, seuls cinq chantiers de fouilles ont été autorisés par la CIRA (Commission interrégionale de la recherche archéologique), organisme qui dépend du ministère de la Culture et de la DRAC (Direction générale des affaires culturelles). C’est très peu alors que les archéologues insulaires ne manquent pas. Une défaillance du système que dénonce Ghjuvan-Filippu Antolini qui propose de s’inspirer du modèle sarde.
- Pourquoi y a-t-il si peu de fouilles en Corse ?
- L’archéologie est mal organisée. Quand l’Assemblée territoriale (CTC) s’est emparée de nombreux pouvoirs administratifs et réglementaires, elle n’a pas pris la compétence archéologique qui est resté du domaine de l’Etat, du ministère de la Culture et de la DRAC (Direction générale des affaires culturelles). Le ministère de la Culture subventionne la fouille, la CTC donne une subvention complémentaire, mais n’a pas le pouvoir de décider de l’ouverture d’une fouille. Les subventions données sont relativement faibles. Cette année, il n’y a eu que cinq chantiers autorisés. Il faut sortir de cet amateurisme et professionnaliser les fouilles.
- Comment ?
- Nous sommes, en Corse, cinq archéologues à travailler un mois par an ! En Sardaigne, ils sont une centaine à travailler à l’année, à faire des fouilles et à étudier. Du coup, la moindre tombe a été fouillée, mise en valeur et prête à accueillir le public. A côté, une petite baraque a été aménagée pour vendre les publications en rapport avec cette tombe, des petites reproductions des objets trouvés, etc. La tombe a été sauvée, protégée, expliquée et montrée aux touristes. Et toute une économie s’est mise en place.
- Est-ce ce modèle que vous voudriez voir appliquer en Corse ?
- Oui. Il faut impérativement qu’on arrive, en Corse, à mettre sur pied un service archéologique avec des professionnels payés à l’année pour fouiller, pour avancer, pour comprendre notre passé et pour le protéger. Car tout passé, qui n’est pas fouillé, est potentiellement détruit ou destructible. Beaucoup de gens, qui construisent des maisons, ne déclarent pas quand ils trouvent des objets préhistoriques. Les animaux en divagation font des dégâts prodigieux. Il ne faut pas croire que parce que c’est sous terre, c’est protégé. Au contraire, il y a des sites en très grand danger qui ont besoin d’être protégés.
- N’y a-t-il pas un service de recherches préventives ?
- Le service de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) en Corse est défaillant parce qu’il n’est pas assez sollicité. Il ne compte qu’1 seul employé de terrain et l’INRAP passe son temps à l’envoyer fouiller dans le Sud-Est de la France, voire dans les Pyrénées. Les fouilles préventives en Corse sont souvent faites par des archéologues de l’INRAP ou des sociétés privées qui viennent de France alors que nous avons ici, sur place, toutes les compétences. Il faut que l’INRAP revienne à la raison et fasse travailler des Corses.
- L’Université de Corse n’a-t-elle pas un rôle à jouer ?
- Elle a joué son rôle. Sous la direction de Michel Claude-Weiss, elle a, pendant des décennies, formé des docteurs en archéologie. Je suis moi-même issu de ses rangs. Il y a, aujourd’hui, en
Corse une douzaine de docteurs en archéologie préhistorique. Certains fouillent, d’autres sont prêts à fouiller. C’est ailleurs que ça ne suit pas !
Propos recueillis par Nicole MARI
Ghjuvan-Filippu Antolini fait partie de l'APAUC, l'association pour l'archéologie à l'université de Corse, qui remercie pour son soutien la DRAC, le Parc naturel régional et la SNCM.
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Fifina (dimanche, 26 août 2012 07:48)
Je ne savais pas qu'il était archéologue ...à la Sncm ???
capucciu (mardi, 28 août 2012 08:58)
Bel article, impatiente de découvrir le résultat des fouilles réalisées.... La CTC devrait se bouger, non?