Les grandes orientations du futur PADDUC, Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, ont été adoptées, fin juillet, à la CTC. Corse Net Infos continue son tour de table politique sur cette question majeure qui va dessiner l’avenir de l’île pour les deux prochaines décennies. Pour Antoine Orsini, élu territorial du groupe Corse Social Démocrate et président de la Commission des finances, de la planification et des affaires européennes, le PADDUC est un modèle global de développement qui ne peut se limiter à des enjeux urbanistiques.
- Que pensez-vous du document présenté ?
- C’est un document d’orientation générale qui, en même temps, donne une stratégie et une méthode d’élaboration du PADDUC. Les orientations s’appuient sur un diagnostic et sur des valeurs qui sont énoncées et que nous partageons, parce que ce sont des valeurs très progressistes, de solidarité, d’identité et de partage des richesses. A côté de ces valeurs qui ont une forte dimension sociale et même sociétale, d’autres considérations se traduisent en termes d’orientation de développement économique.
- Pourquoi avez-vous, lors du débat, insisté sur le côté économique ?
- Le développement économique doit, quand même, rester la pierre angulaire de ce PADDUC. S’il n’y a pas d’activité économique et de fruits de la croissance, on ne pourra pas partager ses fruits. Le social et la solidarité supposent que des moyens soient dégagés et que des richesses soient produites. C’est, donc, un nouveau modèle de développement économique de la Corse qui est envisagé.
- L’Exécutif parle de modèle alternatif. Qu’en pensez-vous ?
- Il est alternatif par rapport au modèle existant que subit la Corse depuis plusieurs décennies parce qu’elle n’en a pas fait un choix politique majeur. Le modèle existant est déséquilibré puisqu’il s’appuie, chacun le sait, sur le bâtiment, sur un tourisme très incertain, très saisonnier et très concentré dans l’espace et sur une économie publique importante. Le modèle proposé entend renverser les choses et développer une nouvelle économie qui s’appuie sur la transition écologique, sur les activités de type industriel et les opportunités d’emploi qui peuvent être générées.
- La transition écologique est-elle au cœur du PADDUC ?
- Les orientations le proposent. Les étapes suivantes auront pour objet de le préciser et, c’est à souhaiter et c’est même nécessaire, de donner des priorités et des modes d’actions. Dans ce modèle, l’aspect environnemental intègre la préservation de l’environnement mais aussi sa valorisation sous l’angle économique et touristique.
- Adhérez-vous à ces orientations ?
- Pour nous progressistes, ces orientations nous conviennent pour l’essentiel. C’est la raison pour laquelle nous avons voté ce rapport.
- Un élu PS a qualifié ce document « d’autonomiste ». Etes-vous d’accord avec ce qui est dit en matière de langue, de statut de résident, etc ?
- Il y a, parallèlement au PADDUC, un certain nombre de chantiers en cours : ceux du foncier et de la langue en font partie. Le PADDUC, tel qu’il a été présenté dans cette 1ère étape des orientations générales, reprend l’état actuel des travaux et les délibérations prises par la CTC, notamment sur la question de la langue. Ces travaux vont progresser et prospérer. Nous verrons, au final, ce qu’il en adviendra, ce qui sera retenu, dans quelles conditions, l’obstacle constitutionnel, etc. Pour l’heure, ces orientations ont le mérite d’être fidèles à ce qui a été énoncé et voté depuis le début de la mandature actuelle. C’est pour cela que nous, membres de la majorité, nous nous y retrouvons assez aisément.
- N’avez-vous pas aussi évoqué une question de méthode ?
- Oui. Beaucoup de régions en France et en Europe, le Limousin et le Pays Basque par exemple, ont bâti leur plan de développement à partir d’une méthode appelée : la prospective territoriale. Elle consiste à voir, sur 20 ou 30 ans, quel peut être le devenir d’un territoire, non seulement en tenant compte de ses forces et faiblesses internes, de ses aspirations et de ses évolutions dans tous les domaines, mais aussi de facteurs extérieurs qui peuvent avoir une incidence sur son évolution. Il est important que l’ensemble de ces incidences puisse être prises en compte pour constituer des scénarii d’évolution sur lesquels, politiquement, nous aurons à nous déterminer.
- La droite fustige l’idée de planification. N’est-il pas difficile de prévoir sur du long terme ?
- Evidemment, en 20 ou 30 ans, beaucoup de choses peuvent se passer. Ces projections, ces prospectives sont, bien sûr, incertaines. Mais, le PADDUC est un plan. Son élaboration est un exercice de planification qui a pour objet d’essayer de se projeter dans le temps et de faire des choix d’orientation qui devront, ensuite, se traduire concrètement. Ce sera le stade de la programmation en termes de programme quinquennal d’action, chiffré, etc.
- En quoi réside la principale difficulté d’élaboration du PADDUC ?
- Il est la contraction de deux exercices très liés : un exercice de planification du développement et un exercice de schéma d’aménagement. Il y a donc une séquence chronologique à respecter. Il faut, d’abord, savoir ce que l’on veut faire et, ensuite, voir où et comment on le fait. Une deuxième difficulté, voire même un travers issu de l’élaboration du PADDUC antérieur, est que l’essentiel du débat, aussi bien chez les élus que dans l’opinion, tourne autour des questions de loi montagne et de loi littorale. Le PADDUC, en tant que plan d’aménagement, englobe ces problématiques, mais n’est pas que ça, loin de là !
- C’est-à-dire les problématiques foncières ?
- Urbanistiques. Les lois montagne et littorale sont des dispositions urbanistiques nationales. On propose, non pas de les adapter aux spécificités corses car tous les territoires considérés seraient spécifiques et chacun trouverait une bonne raison pour les adapter à sa sauce, mais d’en préciser le contenu en tenant compte des particularités du territoire.
- N’est-ce pas la même chose ?
- Non. Il faut préciser le contenu de manière à ce que ces lois, qui sont essentielles aussi bien pour le développement que pour la protection de nos espaces, puissent s’appliquer de la même manière sur l’ensemble de la Corse en tenant compte des spécificités. Ce travail difficile va être mis en œuvre, mais il n’est qu’un aspect des choses. L’aspect aménagement dépasse la simple question des lois littorale et montagne. En focalisant, en se crispant, comme ce fut le cas précédemment, sur ces notions d’aménagement, on passe à côté de l’essentiel, de choses au moins aussi importantes que sont les orientations politiques à donner au développement économique, social, culturel et environnemental.
- Le PADDUC est-il un modèle global de développement ?
- Absolument. Les orientations définissent un modèle politique de développement. La partie schéma d’aménagement, avec les dispositifs juridiques des lois littorale et montagne, est là pour apporter une traduction spatiale à ce modèle.
- Un élu de votre groupe a remis en cause la question d’inconstitutionnalité soulevée par Gilles Simeoni. Qu’en est-il exactement ?
- Il y a une controverse juridique. Le PADDUC a rang de directive territoriale d’aménagement (DTA). En cela, il aura force de loi, en tous cas une supériorité juridique par rapport à des documents d’urbanisme infra, du genre PLU (Plan local d’urbanisme) et SCOT (Schéma de cohérence territoriale). Son rang supérieur porte-t-il atteinte à la libre administration des collectivités puisque les PLU sont de la compétence des communes et les SCOT des intercommunalités ? La CTC, avec le PADDUC, va-t-elle violer ce principe constitutionnel ? Il y a des arguments pour, d’autres contre. L’essentiel n’est pas là.
- Où est-il ?
- L’essentiel est de savoir, à partir des orientations et d’un modèle de développement que l’on élabore et que l’on adopte politiquement, comment ce modèle peut ensuite se traduire au plan spatial, c’est-à-dire comment il peut prendre forme en Corse dans sa territorialisation, dans un certain nombre de règles normatives qui vont s’appliquer et être, à la fois, des outils de développement et des outils de protection, des garde-fous. Il ne faut pas voir les lois littorale et montagne comme des choses négatives qui nous empêchent de faire, mais comme une protection contre certaines dérives, notamment spéculatives, qui portent atteinte aux espaces remarquables, etc. Elles peuvent permettre, à condition d’en préciser le contenu, le développement d’activités aussi bien dans la Corse littorale que dans la Corse de l’intérieur et montagnarde.
- Le PADDUC est-il l’acte politique majeur de la mandature ?
- Oui, dans la mesure où il a une globalité telle, qui doit nous conduire à avoir une largeur de vue politique et une profondeur à un horizon de 15 à 20 ans. Il nous contraint à une approche globale qui intègre, dans des approches transversales, des problématiques d’ordre social, économique, culturel, environnemental et même sociétal. C’est, à la fois, sa richesse et sa difficulté d’élaboration. Ce document va, ensuite, servir comme cadre d’action de référence pour nos politiques publiques et pour les programmes contractuels que nous négocierons avec l’Etat et l’Union européenne.
- Peut-on dire que l’avenir de la Corse, à moyen terme, s’inscrira dans le PADDUC ?
- Le PADDUC a vocation à tracer l’avenir de la Corse. Par une méthode participative de construction et une large participation, il doit permettre de rendre les Corses architectes de leur futur et maîtres de leur destin. En cela, c’est un acte politique majeur qui doit tracer le chemin de la Corse de demain et même d’après-demain.
Propos recueillis par Nicole MARI
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