C’est l’un des plus célèbres et des plus populaires opéras de Mozart qui est programmé pour deux représentations, vendredi 28 et samedi 29 septembre à 20h30, en ouverture de la saison théâtrale à Bastia. A la demande de l’Ensemble Instrumental de Corse, le metteur en scène, Vincent Vittoz, propose aux Bastiais une version inédite de l’œuvre. Il explique, à Corse Net Infos, en quoi Don Giovanni est un personnage moderne qui renvoie à l’actualité et aux rapports homme-femme.
- Est-ce la 1ère fois que vous monter un opéra à Bastia ?
- Non. Je suis venu, il y a deux ans, monter La Cambiale di Matrimonio de Rossini avec l’Ensemble Instrumental de Corse.
- Don Giovanni, est-ce un opéra difficile à monter ?
- Non. Je ne trouve pas. La Cambiale di Matrimonio était plus difficile à monter, le sujet était plus ténu et le livret moins fort que celui-ci. Dans Don Giovanni, les personnages, le livret de
Lorenzo Da Ponte et la musique de Mozart sont si incroyablement modernes, emprunts d’un dramatisme fulgurant qu’il suffit, pour un metteur en scène, de lire le livret et de mettre en scène les
situations, les personnages et l’action. Il faut, aussi, bien sûr, mettre son imagination au service de tout cela. Les grands opéras, les chefs d’œuvre, sont souvent beaucoup plus faciles à
monter si on garde l’esprit de l’œuvre. Là, j’ai vraiment essayé de rester dans cet esprit.
- Vous parlez d’imagination. Quelle touche particulière présentez-vous aux Bastiais ?
- Je n’ai pas de touche particulière. J’essaye surtout d’être au plus proche du drame. Les Bastiais verront une présentation que je ne qualifierais pas de modernisée, mais les décors et les
costumes ne datent pas du 17ème ou du 18ème siècle, ils sont plus intemporels. La décoration est plus abstraite. Si j’ai choisi cette présentation-là, c’est pour mettre encore plus en exergue les
personnages, la situation et ce drame incroyable de Don Juan qui court à sa perte, dans quasiment un suicide organisé. A la fin, il défie Dieu.
- Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce personnage ?
- Ce qui m’a intéressé, c’est l’homme en lui-même et cette espèce de fuite en avant par rapport à son appétit, son libertinage et sa damnation. C’est passionnant de voir comment cet homme
fonctionne sur les femmes, sur sa propre séduction. C’est un Don Juan qui n’est pas juvénile, qui arrive en fin de désirs, en fin de parcours. Où en-est-il par rapport à lui-même et par rapport à
son désir envers les femmes ? Est-ce vraiment un désir profond ou seulement l’habitude de broyer les femmes qui le fait continuer ? Ce sont tous ces aspects du personnage que j’ai
essayé de regarder un peu à la loupe.
- Est-ce un choix de proposer un Don Juan vieillissant ?
- Oui. Tout à fait. La distribution est très jeune au niveau d’Anna, Elvire, Ottavio et Zerlina. J’ai pensé que, dans cette cour de jeunes, le couple Leporello – Don Juan est encore plus
angoissant et dramatique car il brise la jeunesse.
- En quoi ce personnage est-il moderne ?
- Sans faire du trivial, DSK (Dominique Strauss Kahn, ndlr) est exactement ce genre de personnage-là. Sauf qu’aujourd’hui, il n’y a plus la notion de damnation, il n’y a plus le rapport à
Dieu et à la religion. Mais, il y a toujours ce rapport des hommes à des femmes qu’ils broient, dont ils se servent pour assouvir leurs plus bas instincts, leurs désirs presque
psychanalytiques et névrotiques. Don Juan est également ça.
- Que pouvez-vous dire à la jeunesse pour lui donner envie de venir découvrir Don Giovanni ?
- Je lui dis de venir découvrir une magnifique partition, une histoire pleine de rebondissements car Don Giovanni est un opéra très actif, c’est un drame-bouffe, un drama Gio-cosa où il y a aussi
de l’humour. De venir voir et entendre, en direct, les chanteurs et une présentation qui renvoie à aujourd’hui. Don Giovanni se situe dans une espèce d’intemporalité, mais trouve un écho dans
l’histoire de DSK, dans les rapports homme-femme et la question : comment des femmes peuvent se laisser avoir par les hommes. De découvrir une manière de théâtraliser, que ce soit pas le
biais de la musique ou par le biais scénique, des histoires qui peuvent encore se passer aujourd’hui.
Propos recueillis par Nicole MARI
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Anghjulina (vendredi, 28 septembre 2012 07:58)
Beaucoup d'explications pour un opéra dont l'histoire est, en elle-même facile à expliquer. Pas besoin de faire appel à DSK. C'est d'ailleurs un mauvais exemple. Espérons que nous ne serons pas déçus par la mise en scène, comme c'est souvent le cas! Je saurais vous le dire dimanche!
Paola (samedi, 29 septembre 2012 19:34)
La référence avec DSK n'est pas du meilleur goût ... Restons positif et félicitations à tous les intervenants dans cette production. A commencer par le chef, et l'orchestre, dans un suivi rigoureux de la partition, les voix de tous les protagonistes nous ont permis de passer hier soir une très belle soirée.
Merci à tous