Au cours d'une audience solennelle, ce vendredi matin, au Palais de justice de Bastia, Francis Bihin a été installé comme président du tribunal de grande instance (TGI). Ce magistrat du Nord, originaire de Sedan dans les Ardennes, qui a effectué sa carrière dans sa région natale, en Champagne et en Picardie, remplace Françoise Bardoux, promue présidente du TGI de Mulhouse.
C'est devant un parterre de magistrats, de représentants de l’Etat, de la police et de la gendarmerie et de personnalités politiques locales que le nouveau
président du tribunal de grande instance de Bastia a officiellement pris ses fonctions. Après avoir rendu hommage à Françoise Bardoux, dont le travail en Corse a été récompensé par une promotion dans une juridiction d'importance, Mulhouse, le procureur de la République et la vice-présidente du TGI vont brosser le portrait de son successeur.
Un magistrat expérimenté
À 55 ans, Francis Bihin bénéficie d'une solide expérience. Titulaire d'une maîtrise de droit et de Sciences économiques, il exerce d'abord comme Commissaire à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pendant 7 ans dans les Ardennes, puis se tourne vers la magistrature. En 1995, il fait ses classes, pendant deux ans, comme juge d'instance dans deux petits tribunaux d'instance du Sud des Ardennes. Puis, il rejoint le Parquet, pendant 3 ans, en tant que substitut du procureur de la République à Charleville-Mézières. Ensuite, il occupe divers postes sur le ressort de la cour d'appel de Reims : juge d'instruction à Vouziers, juge placé auprès du 1er président de la Cour d'appel pendant deux ans, vice-président du TGI de Châlons-en-Champagne chargé du tribunal correctionnel. Il devient vice-président du TGI de Reims, juge chargé des procédures civiles d'exécution, et du Tribunal des affaires de sécurité sociale, avant de prendre la tête du TGI de Soissons en 2009.
Un gage de vitalité
« Le changement dans l'institution, où des femmes et des hommes qui la composent, constitue un moment important. C'est particulièrement vrai quand il s'agit de procéder à l'installation d'un nouveau chef de juridiction » déclare, en préambule de son allocution, le procureur de la République, Dominique Alzeari. Ce renouveau, indispensable pour pallier "une forme d'usure" après un certain temps passé à la même place, constitue, poursuit-il, "un gage de richesse, d'attrait et de vitalité car les magistrats expérimentés amènent une vigueur et toute leur expérience. C'est aussi la marque de la rançon, de l'exigence de nos fonctions". Il va rappeler la mission d'un président de TGI, en premier lieu : "favoriser l'accès des citoyens au droit" et "improviser une proposition qui rythme la vie de la juridiction".
Un contexte difficile
Dominique Alzeari ne pouvait pas éluder "le contexte difficile" de cette prise de fonction, l'actualité dramatique et les récentes mesure du plan Ayrault, notamment la circulaire pénale territoriale annoncée. "La Corse, pour son malheur, est sous les feux des projecteurs. Certains jugent la situation de violence, endémique et irrépressible. S'élèvent des voix pour diagnostiquer et proposer. Nous sommes face à une échéance importante avec des actions décidées au plus haut niveau de l'Etat. Les magistrats sont tenus à contribuer à apporter leur modeste pierre à l'évolution de cette situation".
Qualifiant la juridiction bastiaise d' "attachante et intéressante", le procureur explique au magistrat qu'il aura besoin "d'une capacité d'adaptation. Il faudra s'adapter à la mise en oeuvre de la directive gouvernementale, continuer à accompagner la modernisation de l'institution et à assurer l'équilibre entre la sphère civile et la sphère pénale. J'espère que les moyens ne nous seront pas comptés quand cette nouvelle politique pénale sera appliquée".
Une juridiction en bon état
Face à cette spécificité judiciaire corse, le nouveau président du TGI va s’attacher à déterminer, avec circonspection, ses lignes d'action.
Se félicitant d'abord de trouver une juridiction "en bon état", il va saluer "les résultats obtenus en l'espace de deux ans" par le Parquet de Bastia et Dominique Alzeari, "grâce aux efforts mobilisés pour assurer la situation de la chaîne pénale"' Il promet "d'être vigilant à ne pas perdre le bénéfice de cette situation en cassant l'élan que vous avez su impulser".
Des rapports de confiance
Puis, Francis Bihin va s'adresser aux avocats, appelant de ses voeux la poursuite de "rapports de confiance, du dialogue et des excellentes relations" existant entre le barreau bastiais et le tribunal. Citant l'académicien Me Jean Louis Bredin qui affirmait : "Le juge et l'avocat souvent se méfient l'un de l'autre et se tiennent à distance. L'un dit la justice, l'autre la rend possible", il estime que "l'avocat est l'intermédiaire privilégié des parties et l'interlocuteur privilégié du juge". Evoquant la solidarité entre les deux corps judiciaires lors de l'assassinat de Me Antoine Sollacaro, il plaide pour "une indispensable concertation sans connivence entre nos deux professions".
Réduire les délais civils
Revenant sur la modernisation informatique en cours, le nouveau président indique que la mise en état électronique des procédures civiles est en cours d'achèvement. "Nous avons maintenant intégré la notion de performance et notre objectif est clairement affiché : nous devons rendre des décisions de qualité dans un délai raisonnable". Spécialement en matière civile où l'âge moyen des affaires en cours a tendance à s'alourdir. Une affaire sur 2, prise au hasard dans le stock des affaires en cours, est enrôlée par le greffe depuis plus d'un an. 16 % des affaires en cours le sont depuis plus de 2 ans. L'âge moyen des 2050 affaires, non encore jugées, atteint 14 mois et demi.
Un double objectif
"Parvenir à la réduction des délais de jugement des dossiers enrôlés ne me parait pas un objectif inatteignable, même à l'heure où les moyens nous sont comptés", déclare Francis Bihin. Conscient de l'impact de la crise économique sur le fonctionnement des juridictions qui rend la tâche délicate, il va s'efforcer "en cette période difficile où tous les rapports sociaux se tendent, de concilier deux objectifs contraires : rendre des jugements dans les délais les plus brefs et accorder aux parties un temps le plus large possible pour la bonne compréhension des litiges, souvent envenimés par les effets des difficultés financières".
En conclusion, associant tradition et modernité, il cite le poète anglais, Lord Byron : "Les institutions sont comme des pendules. Elles doivent être arrêtées et révisées pour mieux repartir".
N. M.
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